« The next big thing ? » L'offre de contenus personnalisés par des médias de précision

 

Ensevelis tous les jours un peu plus sous un déluge croissant de contenus et de données qui déferlent sur tous nos écrans, quelques questions deviennent urgentes : 

Þ    Comment découvrir ceux qui sont faits pour moi ?

Þ    Qui parviendra à nous y aider ?

Þ    Les machines ? Les hommes ? Une combinaison des deux ?

Cet énorme défi, auquel sont confrontés citoyens et entreprises, est aujourd’hui une des grandes priorités des géants de l’Internet et de la technologie.

Mais il est peu probable que la solution vienne d’Europe, qui souffre d’un cruel manque de développeurs et d’une trop faible culture numérique de ses dirigeants.

     A Münich cette semaine, lors de l’excellente conférence DLD (Digital, Life, Design) organisée par le groupe de presse Burda, les ténors de la Silicon Valley, en route pour Davos, ont confirmé faire de la découverte personnalisée le sacré graal, « the next big thing », de Cisco à Amazon, des nouveaux acteurs de la vidéo en ligne aux développeurs, en passant par les investisseurs en capital-risque.

 Tri sélectif = médias de précision, interface pertinente, retour au "push"

Dans un monde extrêmement prolifique, dominé par les données et les écrans, l’heure est aux médias de précision, personnalisés, sociaux, mobiles, locaux, en temps réel où le « push » a regagné du terrain. Mais un « push » instantané quasi-scientifique, qui reste peu satisfaisant et que personne n'a encore résolu.  

Alors qu’aujourd’hui dans ce nouvel environnement très fragmenté, les opérateurs de telcos et câblo-opérateurs des deux côtés de l’Atlantique continuent d'offrir de misérables expériences utilisateurs, tout le monde travaille à cette fameuse interface pertinente mixant recherche, découverte et recommandation. Google Now, assistant personnel intelligent, est un bon exemple. Facebook tente aussi des choses plus fines avec son Graph Search

Mais c'est dans la vidéo et la télévision que la bataille est la plus rude. Là, le « search » a peu évolué ces derniers temps, car souvent le plus gros problème vient des droits, qui rendent inaccessibles contenus et œuvres.

Apple – qui est parvenu à travailler avec l’industrie des loisirs-- reste le champion de la découverte de contenus (pour la musique, pas pour les applis), suivi de Facebook, Twitter, puis vient derrière Google, estime Samir Arora, pdg de Glam Media, leader du « lifestyle » en ligne. Microsoft est en embuscade.

Même YouTube, roi de la longue traîne (4 milliards de vidéos vues chaque jour), s’est mis à mieux trier ses contenus et à en co-financer avec des professionnels. Nombreux sont ceux qui parient sur son évolution vers un modèle d’abonnements payants. Netflix reste le champion de la recommandation et Amazon, fort de son expérience dans le livre, est un dangereux challenger.

Vivendi vient aussi de lancer il y a 10 jours un service de SVOD (films et séries) en Allemagne, Watchever, qui vise à personnaliser au maximum l’expérience et connaît un bon départ à 9€ / mois.

 

Smart TV pas encore très smart

Côté téléviseurs, conscients de nouvelles offres trop compliquées et poussés par la Google TV, tous les constructeurs, Samsung en tête, travaillent, comme on l’a vu début janvier au CES, sur des appareils qui pourront nous recommander dès leur ouverture les contenus et les œuvres pertinentes. Mais aujourd'hui les télévisions ne sont pas encore vraiment « smart » et les téléspectateurs n’ont pas encore modifié leurs usages, sauf pour l'écran compagnon qui pourraient bien être le 1er écran à bénéficier des bonnes solutions de tri sélectif. D'ici quelques années, prédit Cisco, nous utiliserons tous au moins 5 terminaux intelligents. 

Le géant Akamai, dont les serveurs assurent 30% du trafic Internet, assurant justement vouloir mettre un peu d'ordre dans ce chaos, vient d'annoncer un nouveau service applicatif pour optimiser l'expérience TV sur second écran. 

Dans ce vacarme où la distribution n’est plus contrôlée, et pour ne pas être confinés au rôle de tuyaux sans valeur, les câblo-opérateurs tentent de renforcer leur rôle d’agrégateurs de bouquets de contenus premium, et les chaînes leur mission d’éditeurs de programmes de qualité. Pour eux, si la valeur continue de résider dans la création de rareté, elle se déplace aussi dans le tri sélectif.

Le polonais Filmaster propose à l'industrie vidéo, du film et de la TV, des technologies de recommandations pour aider leur audience à trouver les oeuvres, y compris en analysant les goûts des différents membres de la famille. Même les guides des programmes s'y mettent : chez l'américain TV Guide, un tiers des employés sont des ingénieurs, assure sa pdg, Christy Tanner, qui travaillent avant tout au guide du futur, personnalisé via des "watch lists", les réseaux sociaux et une découverte paramétrée des émissions.
En même temps chacun continuer d’aller sur les territoires de l’autre : Comcast a racheté NBC/Universal et Google pose des câbles de fibre optique !
Que faire avec les données ?
"Les médias ont de plus en plus de données sur leurs clients, mais de moins en moins de possibilités techniques pour en faire quelque chose », estime Terence Kawaja, pdg de la société de conseil Luma Partners. D’ailleurs, « les annonceurs ne comprennent toujours pas que l’audience des nouveaux médias est plus engagée. Mais cela va changer », ajoute Arora de Glam Media.

Exemple frappant aux Etats-Unis durant les J.O. de l'été dernier : les 185 heures de prime time TV ont assuré 67% des revenus mais les 5.300 heures de vidéos en ligne seulement 7%.

 « D’autant qu’ils commencent à acheter aujourd’hui de plus en plus des contextes et moins des audiences ». Et quand un consommateur a acheté une voiture, la dernière chose qu’il veut voir sur son écran, c’est une pub automobile !

L'autre grand moyen de découverte de contenus personnalisés et pertinents viendra plus passivement des capteurs placés sur les objets connectés de notre quotidien, qui nécessitent peu de bande passante et dont l'exploitation croisée des données ne fait que commencer (géo-localisation, heure, stats médicales, ...).

"Les 40 dernières années ont été marquées par l'informatique, aujourd'hui nous sommes dans un nouveau monde dominé par les données", explique le patron de la technologie d'Amazon, Werner Vogels.

 

 

 

 

 

"Et après ?", résume bien son homologue de Cisco, l'indienne Padmasree Warrior. "Le principal problème c'est qu'aujourd'hui, citoyens et entreprises ne savent pas quoi faire avec toutes ces données qui ne font que croître (...) Comment les comprendre, comment les utiliser ? ". "Les firmes n'ont toujours pas un ADN compatible avec les données pour raconter une histoire", renchérit DJ Patil, expert chez Greylock Partners.

 

Pas assez de développeurs, surtout en Europe

Pour Scott Belsky, fondateur de la plate-forme de créateurs Behance, cette quête de la pertinence passera forcément par plus d'intervention humaine, grâce à un discernement des personnes crédibles dans la foule indistincte des recommandations, et à une attribution systématique des contenus, qui s'est perdue dans l'uniformisation du web. Bien attribuée, la détection de contenus sera ainsi meilleure que le référencement, assure-t-il. Ce qu'il appelle une nouvelle méritocratie créative.

Mais même si l'intervention humaine, même intuitive est requise, il n'y a hélas pas assez de développeurs et d'experts des données ("data scientists") en Europe, notamment en France pour en profiter. Google vient ainsi d'annoncer un investissement de plus d'un milliard de dollars à Londres où travailleront plus de 1.000 ingénieurs.

"Tout ou presque vient de la Silicon Valley. Nous n'avons rien vu ou presque venant d'Europe qui est hélas tellement en retard pour les logiciels et les algorithmes", a déploré le vieux patron du groupe de presse Hubert Burda e, concluant la conférence.

 

L’urgente nécessité d’apprendre à coder 

 "Nous avons besoin que les jeunes européens se mettent au code et aux logiciels", a-t-il supplié.

  Une partie de la solution passera donc par le partage le plus large possible de la « litératie du 21ème siècle » : le code, qu’il nous faudra maîtriser tout autant que lire/écrire et compter, mais qui n’est toujours pas enseigné à l’école, ni en Amérique, ni en Europe où les salles de classes n'ont pas changé depuis le 19ème siècle, alors que ce que nous apprenons aujourd'hui devient obsolète en quelques années.

   La « Code Academy » du tout jeune Zach Sims, lancée gratuitement il y a un an sur le Net, connaît un très vif succès. Des centaines de milliers de gens dans le monde suivent ses cours et plus de 3.000 écoles ont pris le programme pour leurs professeurs. Pas de cours magistral, pas d’emails des enseignants, mais une série d’exercices pratiques pour « apprendre en faisant ».

 

 

 

 

 

 

Trop peu de culture numérique chez nos gouvernants

 L'exemple ne vient hélas pas d'en haut. ."Les gouvernements sont de très mauvais +early adopters+ », reconnaît Alec Ross, conseiller numérique de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, qui a quand même créé 155 postes de diplomates numériques ces quatre dernières années.

 La plupart du temps nos dirigeants ne comprennent pas ce nouveau monde et ne veulent pas le comprendre. Au mieux, c’est "Alice au pays des merveilles", au pire ils agissent pour restreindre les nouvelles libertés d’expression permises par Internet.

"Le plus souvent, ils restent sceptiques, alors que la science et la technologie devraient être les priorités du G8", regrette la légende américano-allemande de la Silicon Valley, Peter Thiel, co-fondateur de Paypal et 1er investisseur dans Facebook. Or l'innovation numérique, estime-t-il, est la seule chance d'un scénario d'accélération économique. Aux Etats-Unis, seuls 35 des 545 parlementaires (congressmen) ont un back ground scientifique ou technologique. "Il faut que nos gouvernements comprennent la technologie", répète Thiel.

Tous, en tous cas, répètent à l'envie, que l'éducation est bien aujourd'hui le problème N°1. Pas étonnant donc que Google semble s'y diriger à grande vitesse !