Beppe Grillo : tout sauf la télé !

 

Par Antonio Grigolini, France Télévisions Editions Numériques (@antuan).

A quelques points des deux grandes coalitions (centre/gauche et droite), le Mouvement 5 Etoiles du populiste Beppe Grillo (26% des voix) a fait lundi une entrée fracassante sur le devant de la scène italienne sur un paradoxe: son leader, homme de la télé,  ancien comique, a construit toute sa stratégie de campagne sur le boycott assumé de la télévision.

Pas de spot, pas d'interview (ou seulement avec des TV étrangères), pas de JT, ni débat, ni intervention. Les candidats de la liste avait interdiction formelle de se rendre dans un studio italien.

Lundi soir, en pleine soirée électorale sur Rai1, la chaîne publique italienne est obligée de reprendre le streaming YouTube de la chaine "la cosa" ("la chose"). Idem pour Sky pour parler avoir Grillo en train de discuter avec les sympathisants, seul moyen d'obtenir une déclaration sur les résultats de la part du candidat.:

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Etonnant, non?

En fait, pas tant que cela. La campagne de cet agitateur, qui connait pourtant la TV comme sa poche, s'est faite sur le rejet de l'establishment politico-médiatique italien, sur le mode "do it yourself" par les militants, qui ont fabriqué les vidéos de campagne et alimenté les réseaux sociaux, en mode "low cost" et "grass roots".

Les principaux leviers ont été les réseaux sociaux (page Facebook : 1,1 M de fans et 500.000 "talking about this" sur la dernière semaine); le blog, véritable cœur de la campagne et 1er blog d'Italie; et la chaîne YouTube (110 millions de vues, sans compter les innombrables chaînes des sections locales et des miltants). Et bien évidemment les meetings, très suivis, véritables happenings. Un mélange inédit de numérique et de "vraie vie".

Comme le dit ce soir Wired, Grillo a transformé son blog en 3ème parti politique de l'Italie ! Blog quasi injoignable lundi soir !

Le discours de Grillo est veiné de démagogie et de populisme. Il contient des aberrations, sans doute le fruit de la période trouble de l'Italie en ce moment, mais il n'y a pas que ça. Et l'expérience n'est surtout pas réductible à une espèce de réédition de Coluche, comme on essayé de faire croire certains médias français.

C'est le symbole d'un changement de grammaire, de rapports de force, par rapport aux pratiques politiques traditionnelles. Et d'indépendance vis-à-vis des médias traditionnels et des lobbys. Via une structure de coûts simple : "on verra les résultats définitifs, mais si je fais 20% avec une campagne qui ne coûte pratiquement rien, je ne suis redevable à personne en termes de financement, lobbying etc", indiquait en substance avant le scrutin, Grillo qui a d'ailleurs refusé les remboursements garantis aux partis qui dépassent un certains seuil.

C'est l'indépendance vis-à-vis des acteurs médiatiques traditionnels, pourtant bien obligé de couvrir la campagne.