Smart Home : il y a encore du travail !

Par Alicia Tang et Diane Touré, France Télévisions, Direction de la prospective

En 1989, dans La route du futur, Bill Gates annonçait : « le futur c’est la domotique ». 25 ans après, le marché des maisons intelligentes commence seulement à montrer le bout de son nez. De nombreux acteurs français ont essayé de se lancer sur le marché, mais ces tentatives ont été trop peu convaincantes. Perçu comme gadget un peu compliqué, les Français restent frileux. Mais tout le monde continue de prédire un avenir radieux à la domotique.

Quelles sont donc les nouvelles raisons de l’essor du marché des maisons connectées ?

Réponses avec Cyril Rimbaud, professeur de stratégies de communication digitale et co-fondateur du cabinet d’intelligence digitale Curiouser et Didier Rousvoal, fondateur de SOS Domotique, société spécialisée dans l'installation et le dépannage de dispositifs de domotique.

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1Les start-ups et l'internet des objets vs. la domotique

Pour Didier Rousvoal, « le frein actuel pour les particuliers, c’est l’aspect technique, et notamment toute la programmation qu’ils pensent devoir faire pour connecter leur maison ».

Cyril Rimbaud quant à lui, est persuadé que la domotique va dépasser son aspect gadget pour proposer rapidement des innovations fiables et sérieuses. Selon Cisco, 50 milliards d’objets connectés seront sur le marché en 2020, ce qui rend l’arrivée des maisons intelligentes inéluctable.
Depuis 4-5 ans, de nouveaux outils ont émergé dans l’électronique, permettant un prototypage facile et rendant l’internet des objets plus simple. Une multitude de petites entreprises se sont créées et proposent des produits malins. Aujourd’hui ces start-ups font la différence, car elles vendent une vision de la maison connectée grâce à l’ Internet des objets, et non de la pure domotique. C’est le cas de Nest, rachetée l'an dernier par Google et qui propose une véritable vision aux consommateurs : contrôler son thermostat depuis son smartphone, recevoir des alertes mensuelles et réaliser des économies d’énergie et d’argent.

Selon Cyril Rimbaud, « l’argument principal de vente repose sur les potentielles économies réalisées et non sur le gadget en lui-même ».

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2Enjeux de la domotique : législation, productivité, croissance

Pour Didier Rousvoal, aujourd’hui il existe trop peu de formations et donc de professionnels spécialisés en domotique.

« Ce sont des électriciens qui conseillent souvent mes services à leurs clients, car ils ne savent pas gérer ce genre de problèmes techniques ».

La domotique est un secteur qui a tout à créer et tout un écosystème à encadrer pour favoriser la croissance du secteur.

« L’enjeu principal est économique avec tous les nouveaux services qui vont arriver . Le potentiel de croissance et d’inventivité va être extraordinaire et il va falloir l’accompagner » souligne Cyril Rimbaud.

Le plus gros problème résulte dans la fiabilité de ces objets. Sur l'ensemble des objets intelligents fabriqués peu sont à 100% sûrs. Il y a actuellement une absence de certification et de norme qu’il faudra vite combler.

Côté législatif, de nombreuses questions subsistent, notamment pour la responsabilité de ces objets. Imaginons qu’une alarme incendie soit défaillante et ne se déclenche pas, qui est responsable ? Internet, si le système est relié par réseau ? Le fabriquant de l'objet ? Comment régler cela avec son assurance ?

3 Quid de la sécurité et des données produites ?

La protection, l’accès et la vente des données personnelles produites par nos appareils est un aspect problématique de l’essor du marché des maisons connectées. L’internet des objets va produire un nombre important de données utilisables et monétisables, ce qui va accroître la valeur de ces data. Mais à qui appartiennent-elles ? Aux entreprises qui commercialisent le produit et donc à leur pays d’origine ? Ces données peuvent-elles être revendues et si oui à qui ?
La domotique apporte une dimension contextuelle qui n’existait pas auparavant. Les données ne concernent plus seulement le profil, mais également l’endroit où l’individu se trouve et sa manière d’utiliser ses objets. C’est un buisness model à part entière qui va apparaître en continuité avec le développement du marché, car les données générées par l’usage ont un prix bien supérieur au prix de l’objet connecté vendu au départ.

Enfin, n’oublions pas les risques de hacking et de cyber-attaque liés à ces maisons connectés, qui sont actuellement des cibles faciles.

« L’internet des objets offre de nombreuses avancées, comme le contrôle de gadgets de base, que nous utilisons de manière quotidienne. Il offre également des opportunités aux cybercriminels qui peuvent utiliser les routers, la télévision, le congélateur ou tout autre objet connecté pour lancer et distribuer des attaques » souligne Michael Osterman, chercheur en sécurité chez Proofpoint.

Dans un communiqué, il déclare que le problème vient de la construction des produits connectés eux-mêmes, car les constructeurs ne prennent pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de leurs utilisateurs.

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4Trois types de domotique en 2025

Cyril Rimbaud distingue trois types de futurs foyers connectés, avec une domotique à chaque fois bien distincte :
- les lieux vacants : les utilisateurs de domotique seront très mobiles et n’occuperont le lieu que pour de courtes durées (hôtel, airbnb). Le système domotique sera adapté à cet aspect mobile de l’usager ;
- les maisons : conçues comme de véritables châteaux forts, elles auront une centrale, des abonnements et un système de contrôle « watching you » ;
- les appartements : la domotique sera en quelque sorte une version plus subtile et légère que celle que l’on trouvera dans les maisons.

« La domotique présente de véritables atouts, que ce soient les économies d’énergie, la création d’emploi, de services et de nouveaux métiers. Elle va donc permettre de faire du bien à la planète tout en produisant de la croissance. Enfin, n’oublions pas que la domotique, c’est aussi un peu de magie dans le quotidien » conclût Cyril Rimbaud.