Les box IPTV basculent dans la 4K, l'OTT et Android

Par Jérôme Derozard, consultant pour France TV Editions Numériques, et entrepreneur

Les opérateurs de TV sur IP réunis à Londres cette semaine se préparent eux aussi à ouvrir leurs box et leurs réseaux à la 4K, aux services OTT et à Android.

Cette semaine se tenait à Londres le salon TV connect (anciennement IPTV World forum), salon télécom s’adressant principalement aux opérateurs de télévision sur IP et aux câblo-opérateurs, même si on y a croisé nombre de diffuseurs, éditeurs de services vidéo ou développeurs d’applications TV. Aucun appareil grand public n’est présenté ici, les « box » s’achètent par milliers d’unités et ne sont pas vendues, mais généralement fournies gratuitement aux abonnés. La plupart des exposants se concentrent donc sur l’aval de la chaîne de diffusion vidéo.

Les chinois présents en force

Les années passent et les fournisseurs chinois sont de plus en plus nombreux à faire le déplacement à Londres. Initialement présents uniquement sur le secteur des décodeurs d’entrée de gamme, ils remontent la chaîne de valeur pour proposer l’ensemble des infrastructures nécessaires à l’IPTV. Ils capitalisent sur leur expérience sur leur propre marché, la Chine étant devenue en quelques années le premier marché IPTV mondial en nombre d’abonnés, devant la France.

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Cette année les grands équipementiers comme Huawei ou ZTE proposaient les plus grands stands, où ils exposaient leurs derniers produits n’ayant pas à rougir face à leurs concurrents européens ou américains.

L’un des plus grands stands du salon, celui de Huawei

L’un des plus grands stands du salon, celui de Huawei

Son compatriote ZTE n’est pas en reste

Son compatriote ZTE n’est pas en reste

Dans ce secteur, comme pour le mobile à Barcelone les industriels chinois ne se positionnent plus seulement sur l’entrée de gamme mais proposent également aux opérateurs des produits de pointe, capitalisant sur les milliers d’ingénieurs télécoms qu’ils forment chaque année.

Outre les équipementiers on pouvait croiser la société « leTV », qui comme son nom ne l’indique pas est un des principaux sites de streaming vidéo en Chine. LeTV proposait ici aux opérateurs l’accès à sa plateforme de diffusion «cloud»,

On parle encore beaucoup français dans les allées du salon, ou franglais dans les présentations officielles (notamment grâce aux nombreux « speakers » venant d’Orange). Les principaux fabricants de box hexagonaux (Netgem, Sagemcom, Wyplay) ne disposaient pas de stand cette année, mais de simples « meeting rooms ». A noter aussi de grands absents toutefois, comme Technicolor ou le suédois Ericsson.

L’IPTV aidera à la distribution de la 4K, la 4K aidera la diffusion de l’IPTV

Au niveau technologique, comme au dernier IBC à Amsterdamla 4K est poussée par tous les fournisseurs, avec pour objectif de déclencher un renouvellement de tous les équipements depuis les encodeurs vidéos jusqu’aux décodeurs chez les abonnés. C’est également une opportunité pour les opérateurs d’accélérer le déploiement des réseaux à très haut débit, indispensables pour fournir les débits nécessaires à la diffusion 4K. La 4K permet donc aussi de promouvoir la diffusion via IPTV.

Pour réduire les besoins en bande passante il faut aussi améliorer l’encodage ; outre le codec « standard » HEVC (ou H265) les équipementiers supportent aussi VP9, le codec « made in Google », « gratuit » mais surtout indispensable pour pouvoir diffuser des vidéos YouTube en 4K.

A Londres, tout le monde s’accorde pour dire que même si le linéaire a perdu de sa superbe, il reste le roi de la TV en termes de temps passé, et se doit être au cœur de tous les services IPTV proposés. Le linéaire emprunte de nouveaux canaux de diffusion, comme le « LTE broadcast » qui propose d’utiliser le réseau mobile pour multi-diffuser un contenu vidéo dans une zone donnée, pour couvrir un évènement par exemple.

Autre canal de diffusion du linéaire et du « on demand », l'OTT (« over the top », ici la diffusion vidéo sans passer par des réseaux managés ou des décodeurs dédiés) est mise en avant notamment par des opérateurs « virtuels » comme l’anglais TV Player. Celui-ci n’opére aucun réseau et ne propose aucun équipement dédié, la réception TV passe par des applications pour mobiles, TV, box.

Le business modèle ? « Aucun pour l’instant, nous attirons des utilisateurs et leur offrirons des bouquets premium ultérieurement. »

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Stand de TV Player qui propose un bouquet de chaînes OTT au Royaume Uni

Stand de TV Player qui propose un bouquet de chaînes OTT au Royaume Uni

Android, solution à la fragmentation des plateformes ? En attendant la nouvelle Apple TV !

« Nous aussi nous faisons de l’OTT » disent en cœur les opérateurs. Mais d'abord sur les plateformes des autres… Encore faut-il savoir sur quelle plateforme développer, avec la multiplication des fabricants de TV ou box connectées.

Multiplication des marques de TV et box connectées

Multiplication des marques de TV et box connectées

Pour faire face à ce problème le standard HbbTV est de plus en plus supporté par les fabricants de box et opérateurs IPTV  ; au Royaume-Uni c’est même la technologie retenue par Freeview (la TNT anglaise) pour sa plateforme interactive. Un exploit pour un standard conçu initialement en France !

Mais l’autre plateforme vers laquelle tous les opérateurs se tournent pour faire fonctionner leurs box c’est Android. Le phénomène n’est pas nouveau mais gagne en ampleur. Problème : Android est lui aussi fragmenté ! Rien que sur la TV, entre Google TV, l’ancienne plateforme officielle de Google, Android TV, sa nouvelle plateforme officielle lancée en Juin dernier, et Android « open source » (AOSP), la plateforme officieuse, les opérateurs ont le choix.

Trois box sous Android étaient cette année les stars du salon : la box TV 2.0 de Swisscom , une box sous Android AOSP (sans services Google) ; la BBox Miami de Bouygues Télécom fonctionnant sous Google TV (avec services Google donc) et la freebox mini 4K , première box IPTV et 4K sous Android TV (également avec services Google).

Quelle approche choisir ? cela dépend du degré de confiance de l’opérateur envers Google, et de son goût du risque (certaines fonctionnalités sont encore assez instables comme ont pu le constater les abonnés free).

Chez Comigo, société israélienne, une box 4K Android AOSP sans Google

Chez Comigo, société israélienne, une box 4K Android AOSP sans Google

Pour lutter contre le risque de fragmentation, et convaincre tous les opérateurs de rejoindre Android TV « officiel », le salon s’est terminé par une opération de charme du responsable partenariat d'Android TV, Thomas Riedl. Son message : face à toutes les plateformes de TV connectée, Android TV est la solution pour lutter contre la fragmentation, car basée sur la dernière version d’Android et supportée directement par les équipes de Moutain View.

Android TV permet de dépasser la fragmentation des autres plateformes

Android TV permet de dépasser la fragmentation des autres plateformes

Android TV permet d’abord aux développeurs, éditeurs de jeux et de contenus vidéos d’avoir un environnement homogène, d’un opérateur ou d’un fabricant à l’autre. Elle leur offre des possibilités de paiement direct, via Google ou le système de facturation de l’opérateur. Enfin Google fournit de nombreux outils permettant de développer rapidement des applications « leanback » pour la TV.

Pour les opérateurs et fabricants l’avantage principal est qu’Android TV est gratuit (et sans publicité…), intègre des fonctions avancées comme la recherche vocale (elle aussi gratuite) et offre un accès aux contenus de YouTube ainsi qu’au catalogue de jeux d’Android. Les fonctionnalités autour du jeu sont d’ailleurs fortement mises en avant sur Android TV ; comme sur mobile, Android TV est une opportunité pour amener de nouveaux utilisateurs à découvrir et consommer des jeux vidéo. Enfin les industriels qui adoptent Android TV sur leurs produits restent maîtres de l’expérience utilisateur, et peuvent facilement intégrer leurs bouquets TV comme ils le souhaitent.

Finalement pour les utilisateurs, outre l’accès à un large catalogue de contenus Android TV permet aussi de simplifier la communication avec les autres appareils qu’ils possèdent (mobiles, tablettes, ordinateurs), qu’ils fonctionnent sous Android ou sous iOS grâce à Google Cast, le protocole développé pour Chromecast.

Aun final certains des participants à la présentation semblaient encore avoir du mal à comprendre la différence entre Android TV et Google TV, et beaucoup restaient méfiants vis-à-vis des visées de Google sur leurs abonnés (comme on dit, si vous ne payez pas, c’est que vous êtes le produit). Ils s’interrogeaient aussi sur les réelles possibilités de différenciation vis-à-vis de leurs concurrents, certains éléments de l’interface utilisateur étant obligatoires sur Android TV. Ainsi la « home » Android TV doit être identique sur tous les appareils certifiés :

Nouvelle home de la box Miami sous Android TV aperçue sur un stand du salon

Nouvelle home de la box Miami sous Android TV aperçue sur un stand du salon

Même si les bénéfices d’Android TV pour un opérateur IPTV sont réels en terme de réduction de coûts et d’amélioration de l’offre, il est probable que le rythme d’adoption restera lent au moins jusqu’à ce qu’un autre acteur ne se positionne sur le marché et provoque un « instant iPhone ».

Cela tombe bien, Apple devrait annoncer une nouvelle Apple TV en Juin !