Et si les contenus médias étaient devenus liquides? Difficiles à saisir, sans forme propre, fluides, s'écoulant librement, avec facilité et harmonie, d'une plate-forme à une autre, et en épousant leurs formes.
C'est l'impression que j'ai de la manière dont évoluent les nouveaux usages : de plus en plus, l'important n'est pas de posséder les contenus, d'en disposer physiquement, mais d'y avoir accès dans de bonnes conditions (any time, any where, any how). "Les internautes téléchargent de moins en moins, et consomment de plus en plus en streaming. L'important, c'est l'accès à tout instant", à la maison, au bureau, en déplacement, nous disait en fin de semaine dernière à Berlin, Franck Herrmann, responsable produit chez Sony Ericsson.
Un peu comme quand nous pouvons désormais obtenir du cash (du liquide ;-)) dans les tous les distributeurs du monde entier.
-- C'est vrai pour les contenus audios, comme le dit Fred Wilson, le capital risqueur en high tech et Internet le plus connu de la Côte Est :
"This is the future. We won't be buying files, moving files, and listening to files. We'll be streaming audio from the cloud onto our connected devices in our homes and offices, and onto our mobile devices at the gym, on the bike, in the car, etc. And I think mobile streaming audio is going to be huge".
-- C'est vrai pour les contenus vidéos : regarder un film sur sa tablette dans le train, poursuivre pendant la pause déjeuner au bureau sur son ordinateur, et (le) finir le soir à la maison. C’est aussi le sens des campagnes menées par les grands de la télévision aux USA comme Time Warner, des cablo-opérateurs comme Comcast et des telcos comme Verizon avec leur slogan commun “Television everywhere” ou la télévision multi-écrans. C’est aussi le rêve d’Hollywood de reprendre le contrôle à son profit d’Internet."Television everywhere" ou la télévision multi-écrans.
En illustration cette vidéo impressionnante présentée au début du mois au CES de Las Vegas par Cisco, le plombier de l'Internet, pour montrer la convergence des usages dans nos vies connectées :
Tous les grands fabricants de hardware et software du secteur disent travailler activement à la synchronisation, prochaine et sans effort, des contenus sur nos différents écrans: smart phones, tablettes, ordinateurs et téléviseurs. C'est bien sûr le consommateur qui l'exige, lui qui tient de plus en plus les contenus pour garantis, quelle que soit la plate-forme. C'est ce qui explique notamment le succès de Netflix aux Etats-Unis. En France, Hadopi vient de confirmer que le streaming arrivait largement en tête des techniques de téléchargement (64%). Ce n'est donc pas un hazard si Amazon vient de racheter le leader européen du streaming video sur TV et ordinateur, Lovefilm, pour plus de 200 millions de dollars. La BBC a ainsi enregistré, pour le seul mois de décembre, un record de plus de 150 millions de téléchargements de vidéos !
Vers des médias gazeux ?
Après l'état liquide, l'étape suivante c'est l'état gazeux ! Des offres de plus en en plus insaisissables, trouvant souvent leurs origines dans les nuages, avec l'essor extraordinaire attendu du cloud computing. Et bien sûr, de plus en plus, des services, des expériences, des statuts, et non plus seulement des contenus. Et en complément, l'instauration d'une relation différente avec l'audience. On voit bien, par exemple, comment l'industrie de la musique s'y est résolue depuis peu en valorisant bien davantage les concerts et spectacles par rapport aux CD.
Quelle monétisation?
Pour la musique, PaidContent vient d'en faire un relevé quasi exhaustif, avec, en tête, le formidable Spotify.
Pour la vidéo, chaque producteur de contenu cherche encore tous les moyens de protéger ses contenus. Les chaînes de télévision ne sont pas prêtes à voir s'afficher des contenus tiers sur l'écran du salon (problèmes de partage des revenus publicitaires, de contrôle éditorial ...). Mais chacun sent bien aussi que le public veut du choix, de la qualité, et un accès simple. Chacun voit bien que la consommation à la demande est en train d'exploser. "Face aux exigences du public, il sera probablement difficile de tenir des restrictions sur les téléviseurs qui n'existent plus sur les ordinateurs", estime Franck Herrmann de Sony Ericsson.
"Je crois à la profusion, à la générosité, à cette idée maritime du débordement contre la rétention", disait la semaine dernière l'écrivain Gérard Mordillat dans Le Monde des Livres.