SXSW : appel à sauver l’Internet de la main mise des telcos

Plusieurs grandes voix américaines ont exhorté cette semaine la communauté du web, réunie comme chaque année à Austin au Texas, à se mobiliser pour sauver – rien de moins—l’Internet, menacé par les câblo-opérateurs et les telcos.

Lors de la conférence SXSW, c’est le sénateur démocrate Al Franken qui fut le plus clair et le plus virulent :

Les compagnies du câble et les opérateurs de télécommunications « veulent détruire la neutralité du net (NDLR : absence de priorité dans les transferts de données, ouverture du réseau) pour faire de l’argent en y mettant des péages. Elles deviendront alors les gardiens de l’Internet, et décideront quel contenu y passera et lequel sera perdu dans le trafic (…). Sous couvert de +services gérés+, elles songeraient même à créer un Internet à plusieurs niveaux».

« Résultat : ce sera très mauvais pour les citoyens qui vont payer plus cher pour des services de moindre qualité et un véritable désastre pour les producteurs indépendants de contenus (…) Un Internet ouvert et indépendant favorise la création et la libre entreprise. Son contrôle par de grandes compagnies va les rendre beaucoup plus difficiles. Regardez Apple ! ».

Désignant Comscore (câble) et Verizon (telco), il leur a dit : « Laissez l’Internet tranquille ! Nous profitons aujourd’hui de la neutralité du net et nous ne voulons pas la perdre. Nous ne voulons pas que l’Internet change. Nous voulons qu’il reste comme il est aujourd’hui».

Aux milliers de geeks, innovateurs et entrepreneurs du web, il a lancé : « il est temps que votre communauté s’engage et se batte pour sauver l’Internet (…) Et pour cela, il faut utiliser l’Internet ». Allusion assez transparente aux efforts encore vains pour faire bouger les choses à Washington, miné par les lobbies et les règles de financement des partis politiques. Mais les politiques, qui ne comprennent rien à ces questions, sont aussi sensibles ces temps-ci aux entrepreneurs qui créent des emplois : « il faut utiliser votre énorme pouvoir pour modifier la conversation sur ces sujets ». Car,  « la neutralité du net est en danger, nous n’avons pas beaucoup de temps. Les grandes compagnies utilisent leur puissance pour prendre le contrôle de l’Internet ».


Presque au même moment, mais dans une autre salle, Barry Diller, le chairman du groupe de médias IAC (Newsweek, Daily Beast, Vimeo, Match.com …) et ancien patron des studios Paramount et Fox, a aussi regretté le manque de mobilisation de la communauté du web et a renchéri: « les compagnies du câble sont contre la neutralité du net car cela les empêche de ramasser tout l’argent. C’est aussi simple que cela ». (…) Nous avons besoin d’une règle qui,  sans aucune ambiguïté, empêche quiconque de se mettre entre les éditeurs et le public. Point final ».

« Faire payer une entreprise comme Netflix pour la bande passante c’est comme demander à un grille pain de payer l’électricité ! », a-t-il ajouté.

Chercheuse à l’Université de Princeton (au Center for Information and Technology Policiy) et auteur d’un prochain livre « The Big Squeeze » sur le sujet, Susan Crawford avait, dès dimanche, tiré la sonnette d’alarme en dénonçant « les monopoles sans concurrence et non régulés, quasi soviétiques » des câblo-opérateurs et des telcos américains.

Or ces derniers donnent chacun plus d’argent aux partis politiques à Washington que les firmes de Wall Street, ajoute-t-elle. Comcast a ainsi embauché récemment une centaine d’anciens haut fonctionnaires, experts en télécommunications, qui se « retrouvent en face » de leurs anciens collègues de l’administration.

« Le risque est d’aboutir à une discrimination sur le marché (on privilégie les clients riches), à une sélection arbitraire des services rendus et des contenus proposés au public, à ignorer des zones géographiques, et donc à créer des problèmes sociaux alors qu’Internet est devenu essentiel pour nos vies du 21ème siècle».