La télévision, toujours très paroissiale, survivra-t-elle à la mondialisation numérique et à l’Internet ouvert ? Ce fut l’une des questions abordée en cette fin de semaine à Amsterdam lors du festival Picnic, durant un panel dédié au futur de la TV.
Les nouveaux défis de la Social TV :
Quand par exemple 95% des jeunes américains surfent sur un second écran lorsqu’ils regardent la TV, quelles stratégies mettre en place sur des plateformes mondiales comme Twitter et Facebook, alors que des émissions, séries ou shows, ne sont pas nécessairement diffusés au même moment ou au même endroit ? Car aujourd’hui tout le monde a vu la série Mad Men, mais jamais en même temps !
Comment éviter qu’un développement majeur ou un dénouement ne soient dévoilés à ceux qui ne l’ont pas encore vus, mais qui vivent toute la journée en ligne ?
Devra-t-on conseiller un jeûne Internet ? Devrons-nous nous déconnecter pour éviter d’être au courant ? Bien sûr que non !
Ces nouveaux sujets devront être désormais anticipés dès la production d’un show ou d’une série (notamment au niveau des métadonnées associées). Les diffuseurs devront aussi :
- penser à l’utilisation simultanée du second écran en optimisant l’usage des plateformes où les internautes vivent aujourd’hui,
- éviter à tout prix d’imposer leur propres chat-rooms ou chercher à contrôler les comportements sur le second écran !
- éviter les erreurs du monde de la musique en criminalisant les fans.
D’ailleurs qui peut dire aujourd’hui lequel des deux sera le 1er ou le second écran ?
C’est un problème à gérer également dès la conception des futurs guides des programmes, qui en plus des TV traditionnelles intègreront vraisemblablement nos réseaux sociaux (Twitter, Facebook) pour nous proposer des recommandations pertinentes.
Mais c’est aussi un problème d’argent. Les sponsors, qui obligent aujourd’hui les champions à nager la nuit aux JO, vont devoir s’adapter aux nouveaux usages. Et même si les « Internet TV » sont loin d’être aussi répandues que les « Internet Radio », les Américains pourront bientôt profiter d’images des JO bien différentes de la « soupe » des grands networks formatée uniquement autour d’un story telling émotif autour des athlètes US, de l’hymne et du drapeau.
Bientôt les TV seront personnalisées, un peu à l’image des Pandora ou Lastfm. Là aussi les métadonnées seront cruciales.
L’intime connaissance de l’audience va tout changer
Jusqu’ici, avec leur statut de mass media, les journaux, magazines, radios et télévisions, étaient ravis de ne rien connaître ou presque de leur audience, la vendant en paquet et sans vergogne à leurs annonceurs. Souvent en trichant. Aucune distinction pour Vogue entre la femme de l’oligarche russe, cliente de la place Vendôme et la caissière qui attend chez le dentiste. Tout le monde vivait à peu près bien sans demander les vrais chiffres.
Désormais, les vrais chiffres de l’Internet vont parler et montrer que les gens ne sont pas aussi fidèles que cela, y compris pour la télévision. Y compris pour les diffuseurs, qui au mieux, se vantaient de connaître le nombre de chasses d’eau tirées durant la pause publicitaire ! On comprend mieux aujourd’hui pourquoi MTV met en avant les milliers de tweets par seconde lors des grands événements pour montrer l’effet de masse persistant à ses annonceurs.
Mais ces derniers qui réclament aujourd’hui un vrai retour sur investissement, savent-ils que, depuis des années, plus personne ne regarde les bannières sur un site web ?
Le direct, dernier atout majeur de la TV ?
Les retransmissions « live » des grands événements, de l’info, du sport, des spectacles vivants restent – avec la qualité des images et de la transmission—l’essence même de la télévision : le partage de moments forts avec beaucoup de gens.
L’achat nécessaire des droits – très chers-- de retransmission par des groupes qui restent puissants va continuer, pendant un certain temps, de leur donner un avantage. Mais ces monopoles vont aussi disparaître et avec eux la rareté liée à leur faible nombre.
Qui donc va empêcher les dizaines de milliers de spectateurs des JO de Londres de retransmettre en HD les compétitions avec leurs téléphones portables ? Va-t-on les fouiller ? Va-t-on brouiller les réseaux 3G autour du stade ? Les outils changent les règles du jeu. Chacun, avec sa station de TV dans la poche (l’iPhone) devient un média ! Il n’y plus, là non plus, de monopoles de la production et de la distribution. Chacun est désormais jugé sur son talent.
Les grandes fédérations sportives ont pris les devants et entendent contrôler elles-mêmes la distribution de leurs images. A l’instar de l’incroyable offre TV et des applications mobiles performantes pour le second écran de la puissante fédération américaine de baseball, bien plus en pointe que son homologue du football américain.
Mais à compétence égale, de plus en plus souvent, les amateurs enthousiastes sont préférés aux professionnels. Le public se moque si c’est CBS ou YouTube ! Aujourd’hui les vidéos amateurs font 2 mn. Mais il est probable que cette durée va augmenter. Le surplus cognitif, cher à Clay Shirky, va être utilisé !
A noter ainsi deux initiatives vidéo en cours qui font appel massivement au public (« social storytelling ») et qui ne sont pas broadcastées: