C’est parti ! Le débat sur la neutralité du Net va enfin démarrer sérieusement en Europe. La commissaire Nelly Kroes a profité de la publication d’un rapport officiel pour annoncer aujourd’hui la fin du statu quo et une prochaine recommandation qui sera faite aux pays membres, selon toute vraisemblance en fin d’année ou au début 2013.
« Pour la première fois nous savons qu’au moins 20% et potentiellement jusqu’à la moitié des utilisateurs européens de l’Internet mobile sont sujets à des limitations de débit de leurs connexions Internet, inscrites dans leur contrat avec leur fournisseurs d’accès, et concernant la VOIP (comme Skype) ou le partage de fichiers en peer-to-peer. 20% des FAI restreignent également des services aux heures de pointe pour l’Internet fixe », a constaté Nelly Kroes en s’appuyant sur un rapport détaillé mené auprès de 400 opérateurs telcos européens.
Face à cette situation inquiétante, qui témoigne de l’étranglement volontaire du réseau par les opérateurs, les premières réactions de Nelly Kroes montrent que la Commission s’attachera à leur réclamer plus de transparence, pour que les utilisateurs sachent au moins à quel débit ils ont droit, qu’ils puissent faire leur choix et, s’il le faut, changer facilement de fournisseur.
« Un accès Internet » doit permettre une connexion sans restriction aux services de la toile, sinon ce n’est pas un accès Internet, et il ne devra pas être vendu comme tel», explique-t-on aussi à Bruxelles.
La vice-présidente de la Commission entend également veiller à la protection des données personnelles par les FAI, mais elle n’a pas l’air opposée à des services de qualité différente tant que le consommateur s’y retrouve.
Reste qu’une bataille va s’ouvrir au niveau européen dans les prochaines semaines autour de cette neutralité du Net. Nelly Kroes va d’ailleurs briefer les ministres des télécoms dès leur prochaine rencontre le 7 juin. Il sera intéressant d’observer la position du nouveau gouvernement français à cet égard, alors que l’ARCEP vient de mettre en consultation son projet de rapport au Parlement et au Gouvernement sur la neutralité de l’Internet.
Bruxelles, qui avait demandé aux différents pays d’attendre sa recommandation avant d’agir unilatéralement, prône officiellement un Internet ouvert et reconnaît que c’est un bien public. Mais les telcos sont aussi considérés dans la capitale européenne comme une vache sacrée ! C’est d’eux dont dépendent beaucoup, aux yeux des dirigeants néo-libéraux européens, l’emploi et la croissance. A condition bien sûr qu’ils investissent dans la fibre et le très haut débit. Ce qu’ils font de manière très inégale. Ils n’en dominent pas moins largement aujourd’hui le débat à Bruxelles, où ils sont très efficaces.
Il est donc peu probable que la Commission recommande une position aussi ferme que celle des Pays-Bas dont le Parlement vient d’inscrire dans la loi cette neutralité du net avec des conditions restrictives pour les FAI. On s’achemine vers une réponse graduée à l’aide des outils existants.
A moins…. A moins que les citoyens et les consommateurs ne se réveillent et souhaitent voir garantir certaines de leurs libertés fondamentales qui passent aujourd’hui sur Internet par un accès sans discrimination aux contenus et aux œuvres et par une totale liberté d’expression.