La vidéo représente déjà 90% du trafic Internet en France

Une étude de l’IDATE, discrètement publiée il y a quelques jours sur le site du Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC) pour qui elle a été réalisée, montre « la part massive et croissante de la vidéo sur Internet » : en France, l’audiovisuel professionnel occupe ainsi déjà 89,3% du trafic sur les réseaux fixes et 26% sur les réseaux mobiles à haut débit.

Ce poids énorme de la vidéo sur l’Internet fixe, estimé pour 2010, est bien sûr du au succès très français de la télévision linéaire sur IP (via les boxes des opérateurs telcos), qui représente 90% du trafic audiovisuel, au sein d’un Internet managé par les FAI. La consommation à la demande n’en représentant pour l’instant que 10%.

A l’horizon 2015, l’IDATE prévoit une progression de 2 à 3 points du poids de l’audiovisuel en retirant les services illégaux.

Mais, en matière de distribution vidéo, l’institut ne voit pas arriver en France de rupture fondamentale par rapport aux équilibres de 2010, notamment en matière de TV connectée. Pour l’IDATE la consommation en OTT sera marginale au regard de l’IPTV. "La part du trafic lié à la vidéo sur les réseaux managés fixes reste logiquement ultra-dominante et tend même à s'accroître avec le développement des SMAD".

L’IDATE prévoit toutefois aussi une très forte progression des formats vidéo longs et gratuits (+25% par an sur l’Internet ouvert et +58% par an sur l’Internet managé).

L’étude fournit de nombreuses indications sur la consommation vidéo sur Internet et sur l’utilisation de la bande passante.

Internet ouvert vs. réseau managé :

Réseau managé :

  • 90% du chiffre d‘affaires de la vidéo à la demande est actuellement réalisé sur le réseau managé fixe (réseau fermé, géré par le FAI qui peut le configurer à sa guise).
  • Nombre d’utilisateurs d’IPTV : 6,4 millions. Près de 10 millions attendus en 2015.
  • Temps de consommation par foyer : 3h34. 17 millions de VàD consommées par mois en 2010.

Internet ouvert :

  • Le trafic vidéo total (légal et illégal) représente 47% du trafic observé sur l’Internet ouvert. Il représentera 59% du trafic en 2015, soit une croissance de 27% par an.
  • 2,5 milliards de vidéos UGC vues par mois en 2010, 65 millions de vidéos longues gratuites, 300.000 vidéos longues payantes.
  • La catch-up TV et autres formats longs gratuits assimilés devient le trafic prédominant avec plus de 43% du trafic video en 2015 (contre moins de 8% en 2010).

Consommation moyenne des Français :

  • Environ 17 Go par mois en 2011(comme au UK, 18 Go aux USA). Croissance annuelle entre 22 et 30%.
  • La consommation de l'Internet ouvert devrait s'établir à 30 Go par abonné en 2015.
  • 10% des vidéos vues sont monétisées, générant 20% du trafic en 2010

Piratage :

  • Avant la fermeture de Megavideo, son audience en France était de 4,1 millions d’internautes par mois en 2009 pour 38 vidéos en moyenne et 13h30 de lectures cumulées.
  • Le trafic P2P représente 20% du trafic total, dont la majorité est du piratage vidéo (80%). « Le P2P est toujours prépondérant dans la répartition du trafic vidéo total OTT (illégal et légal). Il est en effet plus important que l’ensemble du trafic légal en 2010 dans l’internet ouvert », note l’IDATE.
  • En 2015, les vidéos illicites ne représenteront plus que 30% du trafic vidéo total.

Réseau Mobile : poids moins important, mais progression très rapide

  • En 2010, un utilisateur, abonné 3G, consommerait 0,9 minute par jour en moyenne. Une consommation qui passera à 10 mn en 2015, sur l'Internet ouvert (et à 4 mn sur le réseau managé).
  • En 2015, la consommation moyenne mobile (par terminal) dépassera 2 Go par mois en 2015, contre 188 Mo en 2010.
  • Si le trafic vidéo explose, il représente moins de 25 % du trafic total sur l‘Internet ouvert mobile en 2010. Moins de 14% si on retire les services illégaux. Mais il représentera 38% en 2015.
  • Le trafic illégal est aujourd’hui supérieur au trafic légal.
  • un utilisateur mobile moyen consomme plus de vidéos sur internet ouvert que sur réseau managé.

Sur la base de ces données, l’IDATE tente de faire des prévisions :

1 - Dans quelle mesure les services de vidéo seront-ils disponibles sur le téléviseur connecté ?

« Il est probable que l‘usage des téléviseurs connectés restera faible à l’horizon 2015, et qu’une large majorité des usages des services de vidéo Over the top restera consommée sur le PC. Ainsi, l’IDATE évalue à 4 % la part des services vidéo formats courts et 15 % pour les formats longs captés par le téléviseur connecté en 2015. »

L’IDATE voit quatre facteurs bloquant à l’essor de la TV connectée qui subsistaient début 2012 :

  • La multiplicité de systèmes propriétaires
  • L’hétérogénéité des approches en termes d’interface
  • L’absence en France de services vidéo justifiant clairement l’accès à la vidéo sur Internet
  • La concurrence de l’offre de services vidéo proposés par les réseaux IPTV.

2 - Où en sera le piratage ?

« A l‘horizon 2015, il est possible denvisager que le développement constant du piratage aura été durablement endigué par la combinaison de la poursuite des actions en justice contre les sites majeurs, qui limite a minima loffre de contenus illicites en streaming et le développement des offres forfaitaires légales. »

3 Les offres légales de services délinéarisés seront-elles largement disponibles, avec des contenus compétitifs ?

« A horizon 2015, lIDATE estime que la totalité des programmes cinématographiques et télévisuels récents seront accessibles sur les services délinéarisés, en continuant de sinscrire dans les principes de la chronologie des médias. LIDATE estime dautre part que les formules dabonnements se seront largement développées pour les programmes de catalogue et quelles constitueront le moteur de la croissance du marché. »

4 - Les opérateurs de réseaux managés continueront-ils de distribuer les services vidéo ?

A horizon 2015, l’IDATE pense que l’OTT ne concernera que très marginalement le marché français, même si la qualité de l’image n’ira qu’en progressant.

Plus généralement, l’institut estime que :

« (…) la distribution vidéo en 2015 se traduira par des évolutions marquées, mais sans rupture fondamentale par rapport aux équilibres de 2010. »

« A horizon 2015, lIDATE anticipe que la consommation de contenus délinéarisés restera complémentaire de celle des services linéaires. LIDATE envisage une stagnation du temps consacré à la télévision linéaire, et à une croissance soutenue de celui consacré aux services à la demande. Ceux-ci, néanmoins, resteront très minoritaires dans le temps total consacré à la vidéo.

Au sein des services délinéarisés, l‘IDATE estime que les services payants sinscriront de plus en plus dans une logique dabonnement forfaitaire, générant une utilisation intensive par leurs abonnés. Mais lusage restera majoritairement gratuit sous limpact de la disponibilité générale des programmes des chaînes en télévision de rattrapage. »

« L’IDATE prévoit aussi une très forte progression des formats vidéo longs et gratuits (autour de 25 % par an sur linternet ouvert et 58 % par an sur le réseau géré) (…) Lessentiel de la progression pour les formats longs payants est lié à lintroduction de formules de SVàD (VàD par abonnement), mais les volumes de consommations resteront très minoritaires par rapport aux contenus gratuits ».

A terme, l'IDATE estime que "les chaînes (de télévision) privilégieront les réseaux gérés pour la distribution de leurs services, compte tenu du poids de ces réseaux sur le marché de la distribution vidéo et de la qualité de service qu’ils proposent  (...) La part des réseaux gérés dans la distribution des services de télévision de rattrapage, très minoritaire en 2010, devrait donc croitre jusqu’à faire jeu égal avec l’internet ouvert (près de 50 %)".

En revanche, "la part des réseaux gérés dans la distribution de vidéo à la demande, très majoritaire en 2010 (autour de 90 %), devrait donc diminuer, notamment en raison de la percée des téléviseurs connectés".

Rôle majeur des CDN (Content Delivery Network)

"L’IDATE considère que l’efficacité des caches sera très forte, permettant d’atteindre en théorie jusqu’à 90 % d’économies de trafic sur les formats longs et 80 % sur les formats courts (effet longue traine plus prononcé). Toutefois, cette efficacité théorique ne sera réellement atteinte que sur le trafic managé, contrôlé entièrement par le FAI à la fois techniquement et commercialement".

Parallèlement, la firme américaine Palo Alto Networks (sécurité des réseaux) vient de publier une étude mondiale sur l'utilisation du réseau qui montre à fin 2011 un triplement en un an du streaming vidéo (notamment du à YouTube et Netflix) et une multiplication par 7 du partage de fichiers en P2P.

Ne pas rater, la visualisation de ces données d'utilisation de la bande passante.

Note :

  • La volumétrie du trafic audiovisuel a été estimée par l'IDATE à partir du nombre de vidéos visionnées, de la durée de consommation par vidéo et de l’encodage de ces vidéos.
  • Le CDN est une solution d’optimisation de la distribution du trafic sur Internet s’appuyant sur un ensemble de serveurs distribués (répartis dans le réseau) et reliés entre eux à travers l’Internet.