Les technologies sociales et mobiles sont en train de remodeler le paysage de l'information et poussent les médias à parier soit sur la découverte sociale de l'info, soit sur le contexte et l'immersion. Rares sont ceux qui font bien les deux, car les compétences sont différentes.
Mais dans les deux cas, résume bien Steve Rubel, associé chez Edelman et un des meilleurs experts des nouveaux médias, cinq sociétés technologiques américaines influent ensemble sur toute l'offre d'information en ligne: Twitter, Facebook, Apple, Google et Amazon.
"Et tous les médias sont désormais forcés de suivre tous les mouvements de ces géants, même si certains répugnent à le reconnaître (...) A court terme, les médias qui réussiront, seront ceux qui sauront comprendre, s'adapter, ou s'allier avec ces cinq entreprises".
Explication :
Aujourd'hui, médias anciens et classiques ont pris deux directions bien distinctes :
- Ceux qui, fusionnant journalisme et culture web, misent tout sur les réseaux sociaux, comme moteur de croissance : les infos sont partagées et trouvent leur public.
- Ceux qui parient sur la recherche de contexte et d'immersion du public, qui ira chercher l'info, et au besoin la paiera.
1/ Dans le 1er cas, les infos vous trouvent via une distribution virale croissante. C'est la découverte sociale de l'info. Les frontières s'estompent entre journalisme et culture numérique.
De nouvelles formes narratives se développent qui cherchent à favoriser le partage : infographie, diaporamas, listes ... Les titres, accrocheurs, sont aussi conçus dans ce but. Après l'accès direct et le search, les réseaux sociaux sont les nouveaux pourvoyeurs de trafic.
Les auteurs qui réussissent sont à la fois experts de leur sujet et fins connaisseurs des pratiques des communautés en ligne.
Buzzfeed est l'exemple de site qui vous met en valeur lorsque vous partagez ses articles. Il embauche des auteurs journalistes experts du numérique, voire les meilleurs créateurs de "memes". Cette double culture s'étend aux publicités du site, très souvent faites sur mesure. Autre exemple: Mashable, où les auteurs sont encouragés à passer 80% de leur temps à produire et 20% à entretenir leurs réseaux sociaux. Mais aussi Cnet de CBS, Slate ou HuffPo Live.
Les télévisions, s'y mettent : le site iReport de CNN est composé de professionnels mi-journalistes mi-community managers, qui passent 60 à 70% de leur temps à être en relation sur le web.
Ici, les filtres de la découverte sociale de l'info sont bien évidemment Twitter et Facebook, mais de manière différente: Twitter pour l'esprit et Facebook pour le coeur, comme le résume le patron de Buzzfeed.
2/ Dans le second cas, c'est vous qui trouvez l'info, qui joue la carte de la profondeur, du contexte et de la visualisation. C'est la renaissance d'une narration immersive.
Le but est d'enchanter les utilisateurs de tablettes et de séduire les annonceurs par des "contenus de qualité".
C'est la stratégie du Financial Times (dont les abonnés digitaux sont désormais plus nombreux que pour l'imprimé) ou de The Economist qui privilégie les formats longs d'articles.
Des nouveaux médias, comme le Huffington Post, The Next Web ou Engadget ont lancé des magazines sur iPad. Certains blogueurs transforment leurs archives en ebooks.
De nouveaux kiosques ont fait leur apparition: des agrégateurs très visuels comme Flipboard ou Pulse accumulent les utilisateurs et dominent les terminaux mobiles. Certains grands médias traditionnels nouent des accords avec eux (WSJ, NYTimes), d'autres s'inquiètent de leur influence croissante.
De nouvelles tables de chevet émergent: des acteurs comme Pocket, Instapaper ou Readability permettent une lecture de formats longs, à tête reposée, en différé et sans pub.
Là, ce sont les magasins d'applications de Google, Apple et Amazon qui agissent comme des hubs de contenus et filtrent notre accès à l'information, de plus en plus d'ailleurs sur tablettes. Google contrôlant en plus les deux premiers moteurs de recherche mondiaux, dont YouTube.
Face à cette quête de profondeur, les médias classiques font face, en outre, à une nouvelle concurrence: celle des contenus produits par les entreprises et les ONG, nouveaux débouchés pour les vétérans journalistes. Journalistes qui sont de plus en plus nombreux aussi à rejoindre les rangs des agences de pub ou de relations publiques.
Les ONG, les entreprises et les sociétés de relations publiques devront d'ailleurs, comme les médias, s'adapter et maîtriser les filtres de ces cinq géants, ajoute Rubel.
"Pour tous, le défi sera de raconter des histoires irrésistibles pour trouver un public ou pour valoir le coup d'être trouvées".
Edelman résume ce nouveau paradigme dans un schéma sous forme de trèfle à quatre feuilles :