Le coût du mépris ? Rater la génération YouTube !

Les plus grandes chaînes YouTube avaient, voici un an, une audience déjà comparable aux petites chaînes du câble US. Aujourd’hui, elles disent atteindre "plus de monde que la plupart des grands networks" américains. Et, en véritable machines de guerre de la distraction, elles se permettent même d’y faire de la pub Demain, ...

Hélas, pendant ce temps dans les grands groupes TV nous continuons d'entendre un dangereux refrain entonné à l'identique, avant, ailleurs. Celui de l'indifférence, de la moquerie, du rejet, du déni et toujours du mépris à l'égard des petits nouveaux ! Un mépris qui s'accompagne, quasiment toujours, d'un aveuglement simultané sur les nouveaux usages qui progressent à toute vitesse, au sein même de la société qui nous entoure. Comme si personne n'avait d'adolescents à la maison !

Même motifs, même punition ?

huffposttv

  • La presse a méprisé les blogs : le Huffington Post, créé en 2005, a dépassé en audience chacun des sites des plus grands journaux US, du New York Times à USA Today en passant par le Wall Street Journal ou le Washington Post. Son équipe TV (100 personnes) diffuse désormais 12 heures d'images par jour pour près de 50 millions de vidéos vues par mois (autant que France TV !). En ligne, le blog d'infos économiques Business Insider est aussi passé devant WSJ et BusinessWeek.
  • La musique a méprisé iTunes : à ce jour 25 milliards de chansons ont été téléchargées légalement sur la plateforme qui a totalement révolutionné l'industrie de la musique. Les majors n'ont pas proposé le service adéquat à leurs clients, laissant tout simplement Apple le faire à leur place.
  • Les radios ont méprisé iRadio, Spotify, Deezer : Spotify compte plus de 20 millions d'auditeurs dont plus de 5 millions abonnés à la version payante et plus d'un milliard de playlists.
  • Le cinéma a méprisé Netflix : aujourd'hui plus d'un milliard de séries et films sont regardés en streaming chaque mois sur la plate-forme de SVOD, qui va plus loin en produisant désormais elle-même ses propres séries avec les plus grands réalisateurs et acteurs d'Hollywood. Amazon et Microsoft lui ont emboité le pas. 
  • Les telcos ont méprisé Skype : le site assure déjà 1/3 des communications internationales); mais aussi en France Free qui a gagné 5 millions d’abonnés en 1 an !
  • Le monde de l’éducation est en train de mépriser les cours gratuits (MOOC): iTunesU compte déjà un milliard de téléchargement sur iTunes U.
  • etc, etc.... 

Le monde la télévision prend donc un risque inouï à mépriser aujourd'hui les nouveaux venus, YouTube, Netflix, Amazon, Apple... qui sont, comme ailleurs, en train de tout bousculer sur leur passage, changeant radicalement la manière dont le public s'informe, se cultive, se divertit. Mais aussi tout le business qui va avec.

    "Oui, mais", nous disent les professionnels de la télé, pour l'instant,

  • "Le temps passé de l'audience est chez nous: que comptent les 20 mn passées sur YouTube face aux plus de 4 heures quotidiennes sur la TV ?
  • La masse de l'audience est chez nous : que valent 10.000 vidéos vues sur tel site face aux 10 millions de téléspectateurs de notre chaîne hier soir ? ".
 © Pathé Distribution

© Pathé Distribution

 

 Réponses possibles, sans lire dans le marc de café : 

1.    Dans ce nouveau paysage, où est la dynamique de croissance ? Qui recule ? Qui progresse ? Qui produit ?

       En croissance stratosphérique, YouTube a chaque mois plus d'un milliard de visiteurs différents !

2.    Et surtout qui regarde ?  Aucun média n’a survécu à la désaffection des moins de 25 ans !

       Le public change ! Google confirme s'adresser à la Génération C (C pour connectée, création, communauté et curation) qui s'est installée à résidence chaque jour sur YouTube, plateforme instantanément mondiale. Souvent des jeunes, jonglant entre les écrans, trient, consomment beaucoup mais à la carte, à la pièce, partagent, re-mixent, co-créent et co-produisent.

     Les annonceurs s'en sont aperçus et commencent à migrer vers cette génération C des budgets importants (500 milliards $ l'an prochain selon Nielsen). Gangnam Style, l'énorme succès du chanteur coréen Psy a déjà récolté plus de 8 millions $ de pub sur YouTube, avec près de 1,5 milliard de vidéos vues !

    Aujourd'hui, indique Philip DeBevoise, patron et fondateur de Machinima, le plus grand réseau de chaînes YouTube sert chaque mois, après seulement 5 ans d'existence, 250 millions de personnes (essentiellement des joueurs de jeux vidéos masculins) et 2,5 milliards de vidéos, dont la moitié via mobiles. Son but ? Réaliser avec son réseau de 5.000 chaînes, la MTV de la génération des jeux vidéos. Le réalisateur d'Alien, Ridley Scott, fera même 12 courts métrages pour Machinima. Certaine parviennent à lever plusieurs dizaines de millions de dollars pour se lancer, autant que des chaînes de la TNT chez nous!

 Point d'inflexion en vue ! 

  Rappelez-vous ce qu’on disait de la Chine dans les années 90 et de son extraordinaire potentiel à venir. Et bien, nous y sommes !

  Et pour le basculement de la TV sur Internet, le visionnage massif des séries et des films en streaming, consommés par tous sur des écrans multiples, nous y sommes presque !  

  La consommation d'Internet via les téléviseurs continue d'exploser: +138% aux Etats-Unis l'an dernier pour la consommation via set-up boxes et TV connectées. Un bond qui se fait en plus de la croissance déjà forte de la consommation via mobiles.

  Le point de basculement sera d'ailleurs atteint en 2014, estime la dernière étude de eMarketer, en raison justement de l'essor et de l'utilisation croissante des smartphones et tablettes. L'an prochain, plus de la moitié des internautes américains regardera la TV par Internet ou des films en streaming. A tel point, que près de 30% des Américains disent pouvoir envisager de résilier leur abonnement  la TV par câble ("cord-cutter").

Les trois disruptions simultanées de la TV

1 L'émergence de nouveaux écrans et de nouveaux terminaux pour consommer des images animées à tout moment et en tout lieu.
2 L'arrivée de nouveaux distributeurs et diffuseurs de contenus et oeuvres, par dizaines.
3 L'apparition de nouveaux créateurs et producteurs, par milliers, voire millions.  

Ces trois basculements sont en train de susciter de nouvelles expériences télévisuelles qui s'inventent sous nos yeux et partant, de nouvelles manières de faire de la télé!

Une seule recommandation

 Elle vient de Steve Jobs, cité par son biographe, Walter Isaacson : n'ayez pas peur de la cannibalisation ! "Si vous le faites pas, quelqu'un d'autre le fera à votre place". 

     Nous pourrions ajouter : et si ce n'est pas Apple, ce sera une start-up !

 

ps : après tout, en leur temps, les éditeurs parisiens avaient bien aussi pris de haut l’arrivée du livre de poche ! 

(Merci à Pierre Boucard de m'avoir permis de ne pas oublier les radios dans la liste !)