Par Laure Nouraout, journaliste à New York - Billet Invité
La semaine dernière, une nuée de geeks étaient rassemblés à New York pour une conférence organisée par le site TechCrunch, sur le thème "Disruption" — le mot à la mode en ce moment. Et au milieu des pitchs, keynotes et autre hackathon, un mot, plutôt rare dans ces cercles, revint plusieurs fois : "émotion".
"Emotional Quotient matters more than Intellectual Quotient", proclame Jonah Peretti (@peretti), le confondateur de BuzzFeed. Lors de sa keynote inaugurale, le mot est lancé : émotion. Et il sait de quoi il parle : BuzzFeed, ce sont 40 millions de visiteurs mensuels, et d'innombrables photos de chats (avec aussi de l'info sérieuse). Mais pourquoi autant de partages ? Parce que ces photos déclenchent toutes une variété de sentiments chez nous. Et ces sentiments nous permettent de nous sentir tous connectés les uns aux autres, ce qui se traduit par des "likes" et des liens sur les réseaux sociaux.
(photo TechCrunch)
Le fait de partager nous donne le sentiment de faire partie d'une communauté. Exemple, un GIF sur la vie de bureau permet à des millions de travailleurs se se sentir connectés, même dans leur "cubicle". Et avec le sens de la communauté, vient le sentiment d'identité, et finalement d'humanité.
Et Jonah Peretti n'est bien sûr pas le seul. Finalement, ce que cherche la publicité depuis le départ, est de susciter cette envie, ce désir pour un produit, donc de faire appel aux différentes émotions de sa cible. Comme le rappelle David Karp, fondateur de Tumblr, la publicité a pour but d'inspirer et d'émouvoir son public. Et pour lui, Tumblr est d'ailleurs une plate-forme de choix pour les annonceurs, qui ont toute une série d'outils à leur disposition.
Kevin Weil (@kevinweil), monsieur Product Revenue chez Twitter, résume cela en une question adressée au public : "Avez-vous déjà fait une capture d'écran d'une bannière pour la partager avec vos amis ?" Bien sûr, cela fait rire toute la salle. Et quand on y réfléchit, cela explique la réticence des annonceurs à passer au web : ils n'ont pas nécessairement envie de payer pour une bannière qui ne suscitera aucun clic, mais avant tout aucun engagement.
Le futur du journalisme dépend donc aussi de ce quotient émotion : Mike McCue (@mmccue), co-fondateur de Flipboard, exploite cette piste. Il explique qu'avec la version 2.0, qui permet de créer ses propres magazines, l'app tente de proposer une nouvelle expérience pour les publicitaires : son objectif est de pouvoir permettre des publicités au contenu plus émotionnel, et ainsi monétiser les contenus pour les médias.
Pour Mike McCue, l'iPad a ouvert un champ d'expérimentation très intéressant pour les médias. Il rappelle l'expérience (unfructueuse) du Daily, et reconnaît avoir une certaine admiration pour le fait d'avoir essayé. Et c'est pour cela qu'il reste très optimiste sur l'avenir des médias et du journalisme, parce que beaucoup essayent et tentent de nouvelles choses.
La disruption pourrait donc venir de la capacité des médias à intégrer ce facteur émotion de manière transversale, au-delà des contenus, pour pouvoir faire venir les annonceurs.
* TechCrunch a publié un round-up vidéo de la conférence, à voir ici.
Laure Nouraout, Journaliste à New York. @LaureNouraout.