Pour les dirigeants de médias qui n’auraient pas encore compris, le patron de Google News a mis, ce matin, les points sur les i ! Pour réussir désormais dans notre secteur chamboulé, il ne s’agit plus d’essayer de raccrocher les wagons, ni même de tenter de se transformer, ni surtout d’attendre --en vain-- la fin d’une quelconque période de transition.
Il faut absolument que « l’ADN de l’organisation soit fait d’innovation permanente à tous les niveaux » : respirer innovation, vivre innovation, transpirer innovation !
« Même un patron de l’innovation ne sert à rien, si l’ensemble de la structure n’est pas imprégné, dans chacune de ses fonctions », a martelé Richard Gingras de passage à Paris lors d’une conférence organisée par le GESTE devant 70 éditeurs français en ligne.
EXTRAITS :
Créer une culture du travail intégrant l’innovation permanente
« Le rythme de l’innovation ne diminuera pas, il va même s’accélérer. Penser que nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition qui nous emmènerait d’un état de médias vers un autre état de médias est profondément absurde (…)
L’innovation ce n’est pas juste une nouvelle interface-utilisateur sexy. Ce n’est pas seulement ce que nous produisons, c’est aussi comment nous le produisons. C’est prendre des risques et essayer des choses ».
« De même, je pense aujourd’hui que la transformation est un mot dangereux. La transformation implique des compromis, implique de relier le passé à l’avenir et débouche souvent sur des innovations cruciales pour l’avenir, mais influencées de manière dangereuse par l’expérience du passé. Avec au bout une amélioration partielle, alors que l’avenir exige un changement radical dans les manières de penser de facteur 10 ».
«Il y a beaucoup, beaucoup de questions. Aucune n’est facile (…) Et il n’y a pas de réponse unique (…) mais je ne vois pas cette nouvelle période autrement que comme une renaissance de la créativité dans les médias et leurs technologies. Tous les chiffres, toutes les données, toute l’expérience des 15 dernières années le montrent. Elle ne surgira certes pas sans défis, sans de nouvelles disruptions, sans de continuelles innovations. Mais elle surgira. »
« Franchement que nous le voulions ou non, cette re-création de tous les aspects des médias interviendra car de jeunes innovateurs et entrepreneurs, sans les bagages du passés, sans modèles à protéger, saisiront les opportunités à partir d’une feuille blanche. »
L’avenir du journalisme dépend de formes non encore inventées
« Nous sommes dans une ère plus journalistique, où tout le monde peut participer, où la forme même du journalisme a changé. Nous sommes tous des journalistes. Nous sommes tous des éditeurs. (…) Pour moi, il n’y a aucun doute que l’avenir du journalisme sera meilleur que son passé. La question est seulement de savoir au bout de combien de temps le nouvel écosystème prendra forme et combien de temps il nous faudra pour nous habituer à sa nature plus chaotique ».
Programmer la programmation
Après le search, les liens et les réseaux sociaux, arrivent aujourd’hui les algorithmes qui vont « vous mettre en relation avec des gens que vous ne connaissez pas, mais que vous devriez connaître (…) J’appelle cela programmer la programmation pour orienter la découverte en combinant des algorithmes à vos graphes sociaux, civiques, de centres d’intérêt, de temps et d’événements, de comportements et de localisation ».
« Proposer tous les contenus pour tout le monde ne fonctionne plus dans l’univers du web, riche de milliers de produits destinés à autant de niches d’audience.»
Il est plus important de développer une expertise que d'essayer de s'adresser à tout le monde en même temps : "l'expertise permet de passer au dessus de toutes les autres voix."
L’article est au centre, pas la Une !
Gingras a de nouveau insisté sur l’atomisation des contenus qui donne de la valeur à l'information et non à la Une d’un site web. Les gens viennent aujourd'hui par les fenêtres, plus par la porte !
Il a encouragé les éditeurs à penser "mobile first" et à doter les journalistes de nouveaux outils. Et pas seulement d’un nouveau CMS !
"Les journalistes n'ont pas besoin de savoir coder, mais ils doivent être en mesure de comprendre la technologie et de discuter avec un développeur".
Une mauvaise surprise
Richard Gingras a pris note de la demande des éditeurs présents réclamant davantage de données feedback de Google News, mais il ne s’est pas engagé. Il faut dire que dans l'après-midi tombait une info annonçant une complexification considérable du pilotage du SEO pour les éditeurs : Google va ainsi désormais chiffrer via SSL ("https") toutes les requêtes des internautes, qu'ils soient connectés ou non à leur compte Google. L'identification des requêtes/mots clés au sein de la source "moteur de recherche" devient presque impossible...
Il n’a pas dit non plus dans quelle nouvelle direction irait Google News, notamment dans son intégration croissante avec Google+ et Google Now. Il en tout cas assuré que les contenus sponsorisés, à la mode actuellement, n’avaient pas leur place sur cette plate-forme, vieille aujourd’hui de ... 11 ans.
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Disclosure : j'ai modéré, pour le compte du GESTE, cette conférence de Richard Gingras qui s'est tenue au siège de Google France à Paris.
Photos : Garance Desportes (GESTE)