Séries TV françaises : les signes du renouveau ! Enfin !

 Par Cécile Blanchard, journaliste pigiste invitée

Avec un gros temps de retard par rapport à ses voisins européens, la France produit désormais des séries ambitieuses, de qualité, qui rencontrent la reconnaissance nationale et internationale. Un grand pas pour un genre longtemps décrié, qui entre aujourd’hui dans l’ère du renouveau. Les signes qui ne trompent pas.

En matière de séries, la France a longtemps pâtit de la frilosité des diffuseurs et de l’image peu reluisante que ceux-ci avaient du genre, considéré comme commercial.

Pourtant, les séries ont fait, ces dernières années, leur révolution créative, devenant même des « référents culturels, voire l’art dominant de l’époque ». Plus ambitieuses, plus nombreuses, et plus reconnues, les séries américaines ont été rapidement concurrencées par les séries européennes (Skins ou Misfits en Angleterre, Broen au Danemark, Real Humans en Suède… pour ne citer qu’elles).

Et la France a commencé elle aussi à produire des séries de qualité, reconnues par le public et les critiques.

L’offre de séries TV françaises évolue et les audiences suivent

Jusque là, la France s’affichait comme le « mauvais élève » en matière d’offre locale de séries TV. Sur cinq pays européens (aux côtés du Royaume Uni, de l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne), la France se classe, encore aujourd’hui, bonne dernière.

« En France, 52% de l’offre de séries en prime-time est américaine » explique Sahar Baghery, auteur du rapport "Scripted Series" sorti en octobre 2013 pour Médiamétrie Eurodata TV. « Le pays où le local marche le mieux est le Royaume Uni, avec 67% des séries les plus regardées qui sont locales. L’Italie suit de peu avec 66% des séries les plus vues qui sont italiennes. Puis l’Espagne (55%), l’Allemagne (54%) et la France (39%). C’est une exception culturelle ! »

Pourtant, lorsque l’offre est présente, les téléspectateurs français suivent.

« Depuis cette année, on note un essor de titres locaux en France qui marchent vraiment bien. Citons No Limit, sur TF1, la troisième série la plus regardée de la saison 2012/2013, avec 6,9 millions de téléspectateurs en moyenne, derrière deux séries américaine, The Mentalist et Unforgettable. Un peu plus confidentielles, Les revenants sur Canal + et Ainsi Soient-il sur Arte ont réalisé de très bons scores d’audience auprès des jeunes adultes… et ont remporté une forte reconnaissance des critiques. »

Les séries boostent les audiences, rajeunissent le public et l’image, et sont souvent gages de qualité. Des atouts qui n’ont pas échappé aux diffuseurs. Ainsi, la saison 2012/2013 est marquée par la hausse des investissements des chaînes françaises dans les créations originales.

« Les chaînes investissent plus d’argent dans le développement de séries TV, et, surtout, elles sont de plus en plus nombreuses à investir », note Sahar Baghery.

Ainsi-soient-ils

Les chaînes « historiques », à fortes audiences, ne sont en effet plus les seules à se lancer dans la création originale.

« Canal + est l’un des pionniers dans le genre, avec Maison close, Hard et aujourd’hui Les revenants, Engrenage, Braquo, Borgia. Mais il faut aussi citer France 4 avec Hero Corp, Métal Hurlant, Arte avec Ainsi soient-il, Xanadu, ou encore Orange Cinéma Séries (OCS) avec Lazy Company. » 

Plus qualitatives, à même de rivaliser avec les séries américaines, anglaises ou scandinaves en termes d’originalité, d’audace, et d’innovation, les séries françaises élargissent petit à petit leur public… et s’exportent désormais de mieux en mieux.

Des exportations sous de multiples formes

« Les séries françaises s’exportent soit en version originale, soit sous forme d’adaptation pour correspondre au public local. Les coproductions sont également de plus en plus prisées », explique Sahar Baghery.

En version originale, plusieurs séries françaises sortent du lot. Première d’entre elles, les Revenants s’affiche comme la série qui s’est le mieux exportée. Vendue en version originale dans une vingtaine de pays (dont la Suède, Israël, la Turquie, l’Egypte, Hong Kong, ou le Canada…), elle a déjà été diffusée par Channel 4 en Angleterre sous le nom de The returned, et sera disponible sur Sundance aux Etats-Unis dans quelques semaines. « Channel 4 a déjà acheté la saison 2, qui n’a pas encore été diffusée en France. »

De son côté, Engrenages a récolté de bonnes audiences en Angleterre sur BBC4 : « Elle a multiplié par quatre l’audience de la chaîne entre la première et la dernière saison, sous le nom de Spiral. »

Braquo, récompensé d’un Emmy Award en 2012, est quant à elle diffusée en VOD sur Netflix et Hulu aux Etats Unis.

De nombreuses séries françaises font l’objet d’une adaptation, pour correspondre au public local, et ainsi contourner les éventuelles différences culturelles.

« Les Revenants est diffusé en VO sur Sundance, mais est adapté par AMC (la chaîne qui diffuse Mad Men, The Walking Dead et Breaking Bad NDR). Braquo est également en négociations pour être adapté aux Etats-Unis. Les Hommes de l’ombre, diffusé sur France 2, a été adapté en Hongrie et en Finlande, et fait actuellement l’objet d’une adaptation pour le public américain. »

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Enfin, les séries françaises se mondialisent, grâce aux coproductions qui font intervenir plusieurs pays dès la conception. Un bon moyen d’augmenter sensiblement le budget alloué à la production (compter entre 2 et 2,5 millions d’euros par épisode en moyenne pour une coproduction internationale), mais aussi les possibilités de diffusion.

« Tournées en anglais, les coproductions intègrent des éléments qui permettent de s’adresser à toutes les populations. C’est le cas de Borgia, acheté par une quarantaine de pays, par exemple. Ou de Crossing Lines, la dernière coproduction américano-franco-allemande diffusée sur TF1, qui réunit sur l’affiche Marc Lavoine et Kefer Sutherland. Les coproductions allient ressources créatives et financières des pays en jeu. C’est ce mélange là qui permet de faire des séries de qualité. »

Ces exportations des séries françaises renforcent la création et le développement de nouvelles séries plus chères, plus ambitieuses. Sachant que les séries sont susceptibles d’être achetées par d’autres pays, les budgets alloués sont plus conséquents et permettent de développer des séries de qualité. Par un système de vases communicants, la série TV française est devenue (potentiellement) rentable.

Un « showcase » des séries françaises à Los Angeles

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Un renouveau de la série française qui n’a pas échappé aux services culturels de l’ambassade de France aux Etats-Unis et à la Commission du film d’Ile de France qui lancent, les 1er et 2 novembre prochains, Direct to Series (Original French Content For Global Market), le premier événement dédié aux séries TV françaises et destiné aux professionnels américains.

«  Il s’agit d’un showcase, c’est-à-dire de la présentation de séries (Candice Renoir / Les Revenants / Odysseus / Un Village Français / No Limit / Ainsi soient-ils / Les Hommes de l’Ombre) qui nous paraissent particulièrement innovantes et remarquables, et qui ont déjà suscité l’attention des professionnels américains. L’idée, c’est d’approfondir nos relations à partir de l’attention suscitée sur ces contenus. Le projet a reçu un accueil très favorable de la Writers Guild of America, dont le pouvoir est considérable à Hollywood, ainsi que de la Director’s guild. » précise Olivier-René Veillon, directeur général de la Commission du film d’Ile-de-France.

« Ce qui change la série française fondamentalement c’est son ouverture sur le marché international. C’est ce qui lui donne plus d’exigence et qui lui permet d’affirmer ses qualités. Cela change aussi l’ambition des producteurs et des diffuseurs qui font des choix éditoriaux avec une ambition internationale. »

Une ambition qui place désormais les séries françaises en concurrence directe avec les américaines, anglaises, ou scandinaves, qui ne laisse pas de place à la médiocrité ni à la banalité, exige une qualité élevée… et impose un style français, capable de se distinguer sur le marché international.

Nous reviendrons dans quelques jours sur ce style français.