Par Jérôme Derozard, consultant pour France TV Editions Numériques et entrepreneur
L’IBC qui vient de fermer ses portes à Amsterdam a été l’occasion de mesurer les progrès réalisés dans le domaine de l’ultra haute-définition (U-HD) ou 4K. Encore limité à quelques démos prototypes l’année dernière, tous les équipementiers proposent aujourd’hui caméras, régies, plateformes d’encodage et de diffusions « 4K ready » à des tarifs de plus en plus abordables. L’industrie audiovisuelle rattrape ainsi l’électronique grand public qui a déjà pris le virage de la 4K depuis 2 ans.
Les décodeurs s'ouvrent eux aussi à Internet grâce à la "cloud UI"
Dernières briques de la chaîne audiovisuelle, les décodeurs s’ouvrent eux aussi à internet. Les anciennes générations d’appareils se voient dotées d’une seconde vie grâce à la « cloud UI » qui leur permet d’accéder à des applications Web comme Youtube ou Netflix.
Ceci est rendu possible grâce à un ingénieux système permettant d’une part de capturer les actions de l’utilisateur via sa télécommande, les transmettre à un serveur centralisé sur lequel s’exécute l’application, capturer en direct l’écran et le diffuser sous forme d’un flux vidéo vers le décodeur de l’abonné. Des sociétés comme ActiveVideo ou NPTV fournissent des solutions clés en main permettant aux opérateurs de créer des interfaces et services interactifs accessibles depuis – presque – n’importe quel décodeur TV.
Les fournisseurs proposent également une nouvelle génération de décodeurs, capable de décoder en temps réel les flux 4K compressés avec le nouveau codec HEVC (qui réduit la bande passante nécessaire), de servir de passerelle domotique, de stocker des heures de programmes TV dans le cloud, et bien sûr de faire fonctionner tout type d’application OTT.
Au niveau des plateformes logicielles plusieurs tendances se dégagent. Chez les opérateurs TV sur IP, Android continue sa marche en avant, que ce soit dans sa déclinaison « Google officielle » comme chez SFR ou Bouygues, ou dans sa version « open source » comme chez Swisscom. Pas un fabricant qui ne propose au moins un appareil sous Android, sous forme d’une « box » complète ou d’une « clé » plus discrète.
Chez les câblo-opérateurs c’est la plateforme RDK 2.0 (« reference design kit ») lancée par Comcast en 2012 qui était la star du show, promettant des économies importantes dans le développement des interfaces utilisateurs et des applications. Enfin dans le domaine de la diffusion hertzienne le standard HbbTV s’impose à présent en Asie avec les lancements en Malaisie et au Vietnam.
La télévision immersive comme futur de la TV ?
La vision la plus intéressante du futur de la TV se trouvait du côté des expériences de télévision immersive, permettant de plonger l’utilisateur au cœur d’un évènement via un système de caméras à 360°.
Chez Fraunhofer, institut de R&D Allemand, on démontrait une captation à 360° de la finale de la coupe du monde, par assemblage (« stiching ») en temps réel du flux de 10 micro caméras afin de constituer un seul flux vidéo de 10K sur 2K pixels.
Une fois la vidéo à 360° constituée les spectateurs peuvent utiliser leurs tablettes – ou demain leurs casques de réalité virtuelle – pour choisir librement un angle de vue, devenant ainsi leur propre réalisateur. La difficulté étant bien sûr de diffuser en direct le flux à 360° aux millions de spectateurs… Une opportunité pour la diffusion hertzienne ?
Chez Ateme, société française, c’est un concert qui a été capté en 360° via le service LiveSphere. Le spectateur peut ici choisir plusieurs caméras dans la foule afin d’apprécier le spectacle depuis différents points de vue.
Mais dans un concert l’important n’est pas seulement l’image mais aussi le son. Comment permettre aux téléspectateurs d’apprécier les différents instruments dans un orchestre simplement en tournant la tête ? La R&D de la BBC propose une solution mélangeant son spatialisé et détection de mouvement de la tête. Différentes pistes audio sont spatialisées pour donner l’impression qu’elles proviennent de différents points autour du spectateur, et lorsque celui-ci tourne la tête le logiciel modifie l’orientation des flux audios pour donner l’impression qu’ils proviennent toujours des mêmes points dans l’espace.
Ainsi en combinant image panoramique à 360° et son spatialisé, le tout diffusé dans un casque de réalité virtuelle, le téléspectateur aura-t-il l’impression d’être immergé au cœur du stade ou de la salle de concert – peut-être pour oublier qu’il vole à 10,000 mètres d’altitude.
Dernière initiative dans le domaine de la télévision immersive : le projet « free viewpoint television » de l’association MPEG permettant de diffuser en direct un flux en 3D afin de le restituer dans des lunettes 3D, ou via une projection holographique. C’est le projet de la société japonaise 3Dragons pour les J.O. de Tokyo en 2020 : capter en direct les évènements dans les stades tokyoïtes, les transmettre à l’autre bout du monde et les diffuser en taille réelle dans un autre stade –vide celui-là – via des projecteurs holographiques... La démo présentée à l’IBC se limitait à la diffusion d’un modèle réduit automobile à quelques centimètres de l’objet original, mais il reste encore 6 ans pour augmenter la taille et la distance !
Rendez-vous l’année prochaine pour je l’espère la commercialisation des premières solutions de diffusion 3D sous Oculus Rift !