L'eSport, bientôt aux JO ?

Par Mathias Virilli et Etienne Cointe, France Télévisions, Direction de la Prospective

« Je pense qu’on peut dire que le jeu vidéo est aujourd'hui l’activité N° 1 ou 2 sur n’importe quel écran » estimait récemment le vice-président d’Amazon Games, Michael Frazzini. Le succès de la Paris Games Week 2014, salon annuel des jeux vidéo qui s’est tenu au Parc des Expositions à Paris cette semaine, confirme la tendance : le marché des jeux vidéo est en plein essor.

La multiplication et la diffusion des différents supports, notamment les smart phones et les tablettes, qui donnent à l’utilisateur la possibilité de jouer partout, en profitant d’une expérience sans cesse améliorée, participent pleinement à ce développement.

Le jeu vidéo en France

Le fait que le jeu vidéo occupe désormais une place prépondérante dans la société française est une réalité : environ 50% des français y jouent régulièrement tandis qu’un foyer sur deux possède une console de jeux (fixe ou mobile). La nuance est pourtant de mise : la notion de joueurs est ici très inclusive car elle associe les adeptes des jeux sur smart phones (dont jeux de carte ou tests de logique) et les « joueurs traditionnels » sur consoles ou ordinateurs, populations sensiblement différentes dans leurs approches des jeux vidéos.

Un chiffre est particulièrement à relativiser dans l’infographie ci-dessus : celui qui concerne l’âge moyen en 2013, estimé à 38 ans. Comme le stipulait l’article du Monde, l’âge moyen avancé par le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL) a été établi grâce à un sondage regroupant uniquement des personnages âgés de 10 à 65 ans, excluant ainsi les joueurs de 6 à 10 ans. Omettre l’importance de la très jeune génération dans cette pratique entraîne indéniablement une surestimation de l’âge moyen.

De même, nous n’avons pas indiqué le ratio hommes/femmes avancé par le SELL, qui établissait une parité, car les méthodes de calcul biaisées (pas de prise en compte des moins de 10 ans, la mère de famille acheteuse est considérée souvent à tort comme la consommatrice) empêchent de tirer un véritable constat démographique.

Le jeu vidéo dans le monde

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Le secteur du jeu vidéo connaît une forte croissance à l’échelle mondiale, estimée à 21% de 2014 à 2016. Symbole de cette progression, la plateforme américaine de streaming Twitch, rachetée près d’un milliard de dollars par Amazon cet été, est désormais le 4e plus gros consommateur de bande passante aux Etats-Unis.

Cette démocratisation du jeu vidéo s’opère aussi bien en volume, en touchant continuellement de nouveaux publics, que dans le temps avec une durée d’utilisation toujours plus importante: aujourd’hui, le jeu vidéo dépasse les réseaux sociaux en durée d’utilisation grâce notamment à des jeux comme Candy Crush ou Clash of Clans.

Certaines voix commencent néanmoins à s’élever pour dénoncer la « casualisation », une certaine banalisation, de l’industrie des jeux vidéo. Avec ce terme, ils critiquent la volonté des développeurs de rendre les jeux accessibles à un public plus large, parfois au détriment de la richesse de l’univers conçu autour du jeu ou du "gameplay" c'est-à-dire l’expérience liée au jeu.

L’eSport aux JO

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Parallèlement à cet essor du jeu vidéo, la scène compétitive électronique dénommée eSport est actuellement en pleine mutation. Afin de donner un bref aperçu de cette tendance, nous avons décidé de nous focaliser sur le jeu le plus joué au monde actuellement : League of Legends (LoL).

League of Legends, fondé par l’entreprise Riot Games, est un jeu multijoueur en ligne, qui se démarque des autres par l’engouement qu’il suscite : début 2014, 67 millions de joueurs s’y retrouvaient dont 7,5 millions quotidiennement. Par ailleurs, LoL a généré 624 millions de dollars en 2013 alors qu’il est à la base gratuit : le paiement s’effectue uniquement si le joueur veut accélérer l'amélioration de son expérience de jeu.

Mués par des chiffres impressionnants d’audience (32 millions de personnes devant la finale de la saison 3 en 2013), un phénomène de starification qui accompagne les joueurs professionnels avec des dotations s'évaluant en millions de dollars et des compétitions à l'échelle internationale (les habituelles équipes asiatiques, européennes et nord-américaines ont été rejointes par des équipes turques ou encore brésiliennes) la scène compétitive de League of Legends tend à s’apparenter à la sphère professionnelle sportive, au point qu'on estime que son audience surpassera le Superbowl dans quelques années.

Est-il dès lors légitime d’envisager leur présence aux Jeux Olympiques comme l’annonçait Leïla Kaddour dans son billet sur France Inter devenu désormais célèbre? Cette volonté de l'eSport d'être l'égal du sport, à l'image de ce qui s'est fait aux Etats-Unis, ne permet-elle pas plutôt d'envisager des Jeux Olympiques du jeu vidéo? Et à quand une case dédiée à l'eSport sur nos chaînes TV, à l’instar de ce qui se fait en Corée du Sud où une émission quotidienne est consacrée à League of Legends ?