Deux siècles après Lamartine, le numérique entremêle -- en trois dimensions désormais -- mondes physiques et virtuels dans une nouvelle réalité fusionnée, dopée à l’intelligence artificielle. L’Internet de tout, entre-aperçu il y a un an, est en train de s’installer.
Concrètement, c’est avant tout un foisonnement sidérant -- bien visible cette semaine dans l’immense foire annuelle de l’électronique mondiale à Las Vegas -- de milliers d’objets, véhicules, machines du quotidien bourrés de capteurs, capables de voir, entendre, se repérer, se parler, analyser l’environnement, prendre des décisions, jouir d’une autonomie inédite. Bref, de vivre leur vie. Et donc de changer notre rapport avec eux !
Non sans poser de multiples questions sur le sens, l’influence, voire l’utilité de ce nouveau style de vie connectée.
Une effervescence digitale (« phygitale » ?) qui fait désormais du CES, le salon de … l’auto, de la santé, du bien-être, des loisirs, de l’aventure, des mobiles, de la télévision, de la musique, de la photo, des jeux vidéos, de la réalité virtuelle, des drones, des robots, des ordinateurs, des montres. Demain ce sera la banque ou l’éducation !
« Trois forces alimentent cette nouvelle vague technologique, inédite en 20 ans, a résumé le patron d’Intel, Brian Krzanich : la puissance informatique débridée, l’intelligence partout distribuée, la révolution de l’Internet personnalisé ».
Par le regard, la voix, le geste, vous pouvez aujourd’hui activer des machines sans appuyer sur des boutons, jouer du piano dans l’air (touches hologrammes), recharger vos batteries sans câble, faire la cuisine en tournant les pages de recettes en ligne sans toucher ni écran, ni clavier, faire voler des drones qui voient et évitent les obstacles, essayer des vêtements exposés en vitrine, tester du maquillage, etc.
Ailleurs, les machines s'activeront toutes seules en fonction des missions à accomplir et de l'analyse de l'environnement. Les interfaces hommes/machines sont bouleversées. Les ordinateurs, de la taille d’un bouton de veste, se logent partout (lunettes, bague, bracelet, …) déportant l’intelligence.
« Quand elle est numérisée, toute l’expérience est modifiée » (économiste en chef de la Consumer Electronics Association)
Les données et les nouvelles plateformes redéfinissent l’expérience. La connectivité donne aux objets nouvellement reliés les uns aux autres, dégroupés ou regroupés dans combinatoires inédites, des fonctions nouvelles, souvent surprenantes.
Connectés, un thermostat, une webcam et une montre donneront l’atmosphère d’une pièce, l’humeur de ses occupants et leur nombre permettant au Netflix de demain de proposer le programme de TV pertinent !
« Cette connectivité sans friction, ni coutures, va transformer l’économie et la société », assure le président de Samsung, Boo-Keun Yoon : « elle fera gagner du temps, facilitera l’existence, la rendant plus confortable, plus saine ».
« Et moins chère, car les coûts seront réduits », assure l’économiste Jeremy Rifkin, appelé à la rescousse par Samsung. « Quasiment tous les aspects de notre vie vont être modifiés ».
Mais les deux préviennent aussi des dangers qui pèsent déjà sur cette transformation économique et sociétale : l’absence de standards et de régulations communes, les menaces sur l’ouverture de l’écosystème, l’universalité des accès et l’interopérabilité.
La micro-personnalisation : révolution pilotée par les mobiles
Ce nouveau monde permet une micro-personnalisation sans cesse accrue des services et des loisirs. Au début tout le monde avait la même expérience d’Internet, aujourd’hui le sur-mesure s'impose via la généralisation des smart phones et de l’Internet de dizaines de milliards d’objets.
« Les technos liées aux smart phones, dont la croissance va rester forte dans les cinq prochaines années, sont en train d’aider à transformer d’autres industries », confirme le patron de Qualcomm, Derek Aberle : les transports, la santé, la maison connectée, l’Internet personnalisé.
Le marché mondial des smart phones, tablettes et phablettes, devenus en cinq ans de vraies commodités, devrait encore croître de 46% en 2015, selon la CEA, et les prix très influencés par l’abondance de nouveaux terminaux chinois (Xiaomi, OnePlus, Coolpad), qui arrivent sur les marchés occidentaux, continueront de baisser (moins de 300 $ en moyenne pour les smart phones et parfois moins de 100 $ pour les tablettes).
4K/8K : plus de différence entre l’image et la réalité !
En 2015, la télévision 4K devient grand public ! Et c’est la Chine qui tire tout le marché où les ventes devraient quintupler cette année. Le point d’inflexion de la 4K (plus de 50% des ventes) devrait être atteint en 2016 aux USA. Celui des TV connectées l’a été l’an dernier.
Sharp prévoit que d’ici deux ans, deux tiers de ses ventes seront en 4K. Son prix d’appel est déjà inférieur à 750 $ ! De grands fabricants prévoient un passage sous 500 € fin 2015. Ne montrant même quasiment plus de HD au CES, ils se sont associés pour développer des standards du futur de l’Ultra Haute Définition.
Pour favoriser l’immersion, les écrans grandissent, parfois s’incurvent. Certains téléviseurs 4K sont plus fins que des smart phones. Mais c’est surtout la qualité de l’image qui continue de surprendre. Tous vantent désormais « un noir parfait » ! Les pixels eux-mêmes s’améliorent ! (quantum dots) et les fonctions HDR arrivent chez LG/Netflix.
« Le but c’est d’avoir une qualité d’image comme si vous regardiez par la fenêtre », souligne le PDG de Sharp. Et Toshiyuki Osawa de présenter une version 4K+, aux formats d’Hollywood, qui offre 167% de résolution en plus que l’U-HD classique.
Sur ordinateurs aussi : après Apple, les desktop de HP sont en 5K. Et la 8K, qui pointait son nez ces deux dernières années, est déjà présente en démo (Sharp, Samsung, Panasonic, LG) ou dans des applications médicales, en attendant les JO de Tokyo et les tests de transmissions de la NHK dans quelques semaines.
Comme prévu, la 4K vient par l’OTT. Via Netflix et Amazon pour les producteurs/diffuseurs de vidéos professionnelles en streaming (et Wuaki.tv ou Okko), mais aussi par le grand public via YouTube et GoPro (qui a sa propre appli sur LG !).
Panasonic lance 2 nouveaux camcorders 4K tandis que celui de Sony, très remarqué, est minuscule !
Roku est aussi présent avec une plateforme de streaming 4K intégrée chez certains constructeurs et Qualcomm annonçait la possibilité de streamer bientôt de la vidéo 4K en … 4G !
Les FAI s’y mettent tous aussi via des box 4K : l’américain Comcast l’annoncé cette semaine et tous les opérateurs français y travaillent. SFR pourrait être le premier à en tester en milieu d’année. L’IP TV française pourrait bien être « 4K ready » fin 2015.
Un vrai défi donc pour les broadcasters traditionnels qui ont déjà du mal à passer à la HD alors que le public s’enflamme pour la 4K.
TV : la nouvelle bataille des OS de streaming, search et reco
Tous les fabricants investissent désormais massivement dans de puissants OS pour délivrer de nouveaux contenus en ligne. Mais en ordre dispersé, évidemment !
Si Sony, Sharp et Philips (et quelques autres) ont choisi de s’équiper avec la plateforme Android TV, les deux leaders du secteur ont chacun leur OS propriétaire qui animera leurs offres de streaming et leurs recommandations de contenus : Samsung avec le nouvel OS Tizen (en connexion avec ses smart phones et consoles de jeux) et LG avec WebOS (de HP). Panasonic faisant le choix de l’OS Firefox.
Et Netflix, souhaitant entraîner d’autres pure players de la vidéo, se met même à certifier les téléviseurs qui satisfont à ses critères de visionnage, notamment l’auto-play.
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Nous n’avons pas pu tout voir (3.600 exposants répartis sur 35 terrains de football pour 170.000 professionnels !), mais ce CES fut aussi celui :
- des drones : 500.000 objets volants sont déjà en circulation pour un marché prévu d’un milliard $ d’ici 3 ans. Une centaine de ces nouveaux objets étaient présentés cette année au CES. Certains déjà autonomes comme ceux présentés, qui présentés par Intel, sont capables de voler seul en évitant les obstacles à 20 km/h.
- des voitures : présence de tous les grands constructeurs, sauf des français.
- des wearables : 12 millions de montres connectées devraient être vendues cette année. Même Alactel en a lancé une en attendant celle d’Apple.
- de la maison connectée où Samsung vise la domination du secteur.
- des robots comme celui surprenant de Toshiba :
- et de nombreuses… start-ups françaises : une soixantaine (la 2ème délégation après les américaines) pour environ 130 exposants français.
La Suite ?
Quelques grandes interrogations posées par cette édition 2015 :
- Quel est le prochain grand secteur qui sera numérisé ?
- Comment assurer la bonne connectivité de tout ça ?
- Où placer et déployer les capteurs ?
- Quels seront les scénarios d'usages ?