Nous osions à peine l’évoquer il y a un an. Aujourd’hui, tout le monde en parle, car chacun réalise, qu’avec l’arrivée de l’Internet industriel des objets, la 5G devrait permettre de débrider les prochaines grandes étapes de la transformation numérique de l’économie et de la société : voitures autonomes, villes intelligentes, télémédecine, cloud, smart grids, gestion du big data, éducation, finance, assurance, …
Avec l’espoir de nouveaux services, et surtout de nouveaux jobs. Une transformation pilotée par le mobile qui assure déjà la moitié du trafic Internet et se trouve désormais au centre du jeu.
L’Internet des objets permettra un nouveau type d’innovation : après l’amélioration des performances et de l’efficacité, celle qui arrive créera de nouveaux marchés que nous ne connaissons pas encore. Par des combinaisons et des usages qui vont s’inventer.
« Le rythme actuel des changements est lent par rapport à ce qui nous attend dans les 5 prochaines années », a assuré cette semaine à Barcelone, le pdg d’Ericsson.
Mais l’Europe risque bien -- comme pour la 4 G – d’être en retard pour cette prochaine grande disruption et donc ses nouvelles opportunités.
Car l’ultra haut débit, 5e génération de standards pour la téléphonie mobile, arrivera par l’Asie d’ici 3 ans, puis devrait passer par l’Amérique, selon les différents responsables qui ont parlé au Congrès mondial des mobiles.
Et Günther Oettinger le redoute. Le nouveau commissaire européen à l’économie numérique est donc venu haranguer les troupes en donnant des gages.
Echange investissements 5G contre neutralité du net affaiblie ?
« L’Europe est déjà en retard en 4G et pourtant il nous faut encore un nouveau réseau de communication auquel on pourra accéder facilement partout, comme l’air qu’on respire. C’est lui qui servira de fondement aux développements des réseaux des autres industries désormais connectées. L’infrastructure 5G est appelée à devenir le système nerveux de la société et de l’économie numériques », prévient Oettinger.
Un réseau programmable qui va servira l’internet des dizaines de milliards d’objets connectés. Les voitures communiqueront entre elles, avec les parkings, les panneaux de signalisation, les stations services.
Mais pour cela il faut des investissements. Il propose donc un partenariat public/privé et lâche du lest sur la neutralité du Net redoutée par les telcos qui, douchés par deux années de crise et effrayés par l’arrivée de Google-- veulent pouvoir créer des voies rapides plus chères.
A entendre les éléments de langage repris mot à mot à Barcelone par tous les opérateurs européens mais aussi par Oettinger lui-même, on sent que les choses s’organisent. Et que certains services spécialisés seront prioritaires, rapporteront plus et vont se développer.
Les deux mêmes exemples sont ainsi repris inlassablement, jour après jour ici : « les voitures autonomes et connectées devront pouvoir réagir dans la milliseconde ; la télémédecine va sauver des vies. Comment prendre le risque de laisser ce type de services au milieu du trafic avec comme seule garantie l’obligation du +best effort+ ? ».
« La neutralité du Net doit permettre l’essor de ces services spécialisés », confirme le commissaire européen.
Tout indique donc que le principe de neutralité du Net sera consacré en Europe, mais avec des exceptions pour les services spécialisés à définir dans chaque pays. Autant dire un web à plusieurs vitesses où certains utilisateurs seront prioritaires ! L’inverse de ce qu’ont retenu les USA la semaine dernière.
La définition de la neutralité du Net doit changer, estime le nouveau patron de Nokia, au nom de la sécurité des gens et de la qualité du réseau.
« La priorisation est inévitable. Elle arrivera ! », assure le telco norvégien Telenor.
5G kezako ? Le support de l’Internet de tout !
Le standard 5G ressemble encore à un agrégat de normes multiples et de bonnes intentions : personne n’est encore d’accord sur sa définition, aucune norme n’est en vue, mais la 5G sera bien différente de tout ce qui a précédé :
- très très grande vitesse d’accès au réseau (100 fois la 4G) et faible latence
- forte connectivité des territoires
- essor de la capacité du cloud.
« Elle permettra 100 milliards de connections, un délai de latence d’un milliseconde et un débit de 10 gigas par seconde. Un film pourra être téléchargé en quelques secondes », assure le pdg de Huawei qui d’ici là va proposer une 4,5G intermédiaire pour faire la jonction. Rappelons que la 4G permet des débits moyens de 15 à 17 mégas.
Les mots clés du succès sont donc Internet des objets, big data, cloud et convergence.
Mais aussi doublement de la population Internet mondiale dans les trois prochaines années ! Et 80% de la population en Asie dotée d’un smart phone en 2020 ! La croissance mondiale des smart phones est de près de 30% par an en ce moment, selon Intel.
A terme, c’est un débit d’un tera par seconde qui est visé. Les investissements vont être importants, les cas d’usages très différents, les surprises au coin de chaque nouvelle connexion d’objets, prévient le pdg de Qualcomm.
« Aujourd’hui vous avez Internet dans votre poche, demain il sera partout autour de vous où que vous soyez : il vous suivra d’objets en objet », résume Steve Mollenkopf.
« Nous allons de moins en moins interagir avec les terminaux qui seront toujours +on+», prédit le pdg de Shazam Rich Riley.
Mais encore quelques années à attendre. Un peu plus en Europe
(illustration 5G de Korean Telekom)
Korean Telekom s’y est engagé à Barcelone : les JO d’hiver de 2018, qui se dérouleront en Corée, seront couverts en 5G. Puis ce sera le tour des JO d’été de Tokyo. L’Américain Qualcomm le voit « possible en 2020 ».
En France, il faudra attendre 2020 ou plutôt 2022, a prévenu le pdg d’Orange. « Il ne faut pas aller trop vite. Elle doit être lancée au bon moment. Profitons bien d’abord de la 4G », a prévenu Stéphane Richard.
La 4G : la Chine déjà plus rapide que les US
Alors que la Corée a mis deux ans à être couverte en 4G à 100%, les Etats-Unis en sont à 50% aujourd’hui et l’Europe y arrivera en 2020. « La Chine déploie actuellement la 4G deux fois plus vite que les Etats-Unis », a souligné le président de la FCC américaine Tom Wheeler.
La 4G et son très haut débit mobile permet déjà en ce moment de démultiplier les usages de vidéos en quelques années (x14), d’achats (x13) et de banque (x5), estime Korean Telekom.
L’Internet des objets et la 5G seront la prochaine phase :
Les « screenagers » ont des usages mobiles immédiats et surtout contextualisés !
A Barcelone, les derniers chiffres des usages ont confirmé le basculement sidérant vers les mobiles qui représente 45% des sollicitations via Akamai, la moitié du trafic web en 2014, selon Viacom, la moitié du trafic de Forbes, plus de 80% de celui de Pinterest et 89% de Rhapsody.
« Le mobile n’est pas une des technos, c’est LE moyen par lequel nous utilisons la techno pour améliorer nos vies », résume le pdg de Pinterest, Evan Sharp.
« Nous sommes des screenagers pas des millenials », propose le DJ musicien Will.i.am.
« C’est simple, estime le patron de Vodafone, nous utilisons nos mobiles deux à trois fois plus qu’il y a un an ».
Le mobile a changé pour toujours les attentes des utilisateurs et des clients qui réclament simplicité et immédiateté contextualisées. « Tout, maintenant et en contexte » !
En résumé : la bonne proposition, à la bonne personne et au bon moment !
Le mobile permet aussi ce que tous les médias tradis recherchent : rajeunir l’audience.
82% des lecteurs de Forbes en mobilité ont ainsi moins de 45 ans ! Quand on sait qu’ils sont 17 millions chaque mois à consulter ce média en mobilité ! Forbes va aussi contextualiser les contenus proposés avec une nouvelle page mondiale qui sera d’ici un mois géolocalisée.
Ses résultats mobiles sont impressionnants : « +67% de visiteurs uniques en plus en 2014, + 100% pour les revenus et +27 pour l’eCPM avec un engagement supérieur de 8% avec les marques par rapport au desktop et 7 secondes de temps passés en plus », selon le directeur commercial.
La guerre des OS mobiles est terminée, pourtant d'autres systèmes essaient encore de se faire une place: Jolla Sailfish, Firefox OS, Ubuntu Mobile, Tizen... On peut s'interroger sur l'avenir de ces systèmes dans le mobile.
Android, lui, est partout, sur chaque stand (sous forme de mascotte) et dans chaque hall, symbole de l'omniprésence de Google dans l'industrie qui fait si peur aux opérateurs. Et Apple est comme toujours absent du salon mais dans toutes les poches !
Les nombreux pavillons nationaux (dont les pavillons français de "La french Tech") montrent que la révolution du mobile au niveau mondial n'est pas qu'une révolution du consommateur, acheteur de téléphones ou d'applications, mais également du producteur, fabricant d'équipements réseaux ou développeurs d'applications. Illustration de la diplomatie du mobile: le pavillon "Iran" situé à quelques mètres du pavillon "Israël". Les barrières à la création d'entreprises technologiques disparaissent partout grâce au mobile.
Le LTE broadcast, option crédible pour la diffusion de TV hertzienne.
Le mobile et ses plateformes logicielles colonisent aussi les autres écrans connectés, depuis la montre jusqu'à la TV en passant par le frigo.
De nombreuses démonstrations chez Qualcomm, Intel, Ericsson... montraient la possibilité d'utiliser le réseau mobile LTE pour multi-diffuser des contenus vidéos tout en préservant batterie et occupation des fréquences (compter 60% occupés d'une bande de fréquence de 10Mhz pour diffuser une vidéo 4K en direct). On entrevoit ainsi l'utilisation du réseau mobile pour diffuser ponctuellement des émissions sur des zones géographiques définies. Autre utilisation: la possibilité de "pousser" des mises à jour d'applications (ex: Facebook) sur un grand nombre de mobiles en simultané.
Montres connectées et wearables : les autres mobiles !
A quelques jours du lancement de l’Apple Watch, pas étonnant que nous en ayons vues partout ! Les développeurs – qui sont les vrais boss aujourd’hui --- les plébiscitent en ce moment !
Et toujours plus de réalité virtuelle
Très nombreuses démonstrations à Barcelone aussi de casques en réalité virtuelle, principalement "Gear VR", essentiellement de l'ordre du "proof of concept" ou démonstration marketing, mais cela montre l'intérêt porté à ce nouveau média par l'industrie et ses possibles applications dans le mobile.
« C’est le mode de narration émergent actuellement », confirme Akamai. Tous les grands s’y mettent : Samsung et son nouveau masque, LG, HTC, etc…
Beaucoup pensent que d’ici quelques années, les smart phones seront remplacés par des technos près des yeux. Comme ce casque audio/video Glyph de réalité augmenté :
Avegant Glyph - website - Infographic Video from envisionit on Vimeo.
Les Chinois en force. Que reste-t-il aux "grands " de la téléphonie ?
Les constructeurs chinois ne maîtrisent plus seulement la fabrication mais également le design de smartphones. Conséquence: l’arrivée d’un grand nombre de smartphones désignés et produits par l'empire du milieu, ayant le même niveau de qualité que les smartphones américains, coréens ou japonais mais à des coûts défiants toute concurrence...
Xiaomi arrive en Europe avec une boutique en ligne, et Huawei, que j’avais vu il y a quelques années dans un camion d’exposition en dehors du salon, avait à Barcelone un hall entier !
Les livres du président chinois, Xi Jinping, étaient aussi bien en vue dans les kiosques dès l’aéroport !
Les prochaines étapes importantes ?
L'indien Sundar Pichai, le directeur des produits Google à plus d'un milliard d'utilisateurs (search, mobile, Android, Chrome, ...) en voit trois :
- le développement rapide des « wearables »
- la réalité virtuelle comme forme immersive de narration
- l’intelligence artificielle via l’essor de la puissance informatique couplée au cloud
A suivre !
(Avec l'aide précieuse de Jérôme Derozard, consultant pour France TV Editions Numériques, et entrepreneur)