Du PAF au PAP, le paysage audiovisuel personnalisé. La télévision devient une expérience personnelle sur écrans individuels où les attentes, en matière de découverte, d’accès et d’expérience se transforment aujourd’hui très vite.
Nouveaux formats, nouveaux codes, nouveaux écrans : streaming vidéo via Internet, TV à la carte, personnalisée, mobile, en mode immersif et en ultra-haute définition, vidéos en direct liées aux réseaux sociaux, séries feuilletonnantes distribuées mondialement, consommation en différé, pubs zappées mais ciblées en temps réel, dégroupage des bouquets de chaînes, jeux vidéo en ligne multi-spectateurs, e-sport, nouveaux formats de l’info, applis, réalité virtuelle … etc
Choix infini de contenus, fragmentation de l’audience, éclatement des usages, basculement vers une distribution généralisée via Internet caractérisent un univers beaucoup plus complexe, où les plateformes numériques du web remplacent les grands networks et les chaînes de télévision.
On le voit, à la télévision, le changement, c’est maintenant. Ce média dominant vit le « moment Ketchup » de sa transformation numérique : côté production, diffusion et surtout consommation d’infos et de divertissements, tout déboule très vite, et en même temps. Les coutures ont lâché. Tout change avec rapidité et ampleur.
Voici 10 enjeux de transformation à l’œuvre en ce moment :
(ces points de disruption seront détaillés et chiffrés dans 10 fiches en début du Cahier de Tendances Printemps - Eté)
1Les jeunes ne reviendront pas
Les jeunes ne reproduiront pas les usages de leurs aînés, mais --pour la première fois dans une inversion générationnelle inédite-- ce sont ces derniers qui deviendront bientôt tous des « millenials » !
Des jeunes, qui délaissant parfois le monde offline, ne parlent même plus de numérique, tant il est intégré et naturel. Leur vie connectée empiète sur leur vie off line. Pour leur parler, il faudra utiliser leurs codes.
La TV pourra–t-elle survivre à la désaffection des jeunes qui pilotent aujourd’hui les usages ? Et à quelle vitesse les plus âgés, voire les séniors, vont-ils eux aussi migrer et délaisser la TV classique ?
2Le mobile est devenu le 1er écran
L’écran le plus important aujourd’hui est celui que vous avez dans la poche ! Il transforme notre quotidien. A tous les âges. Et a modifié pour toujours les attentes du public.
Le mobile n’est pas un nouveau canal de distribution, un mécanisme à diffuser des contenus, un simple ajout, mais un tout nouveau monde. Un média de relation, de contexte, d’expérience, de personnalisation. Pas une technologie, mais un comportement ! Nous sommes tous des « screenagers » ! Le défi est d’engager l’audience dans un monde « mobile first ».
Même si rien ne replace le confort des grands écrans, le futur de la TV sera-t-il une appli mobile ? Pour servir tous les publics sur tous les écrans, les stratégies « mobile first » se mettent en place. Des rédactions aussi. Car il ne s’agit plus seulement de créer POUR le smartphone, mais AVEC le smartphone !
3TV à la demande et personnalisée
Chacun le sent bien : le prime time devient anachronique.
La télévision de rendez-vous ne fait plus la loi. Il n’est plus possible de dicter la nature et l’heure du prochain programme ! Le sur-mesure, permis par le streaming, devient grand public.
Internet est, avant tout, un outil pratique qui donne aux gens ce qu’ils veulent, bien mieux que les dispositifs antérieurs !
Le web audiovisuel est en train de basculer du « search » (on cherche, mais on a du mal à trouver) au « push automatisé ». Qui l’emportera alors de la programmation éditoriale, la recommandation sociale ou la prescription algorithmique ?
L’idéal serait un mix du meilleur des trois mondes (éditeurs, amis et algorithmes) combiné à la liberté de la consommation à la demande et à la simplicité de la consommation en linéaire: en somme un « push personnalisé ».
4Les nouveaux formats de l’info
L’info ne sera désormais plus forcément télévisée…
Même si, plus que jamais, les fondamentaux du journalisme restent les mêmes, une nouvelle syntaxe est en train d’apparaître sur les nouvelles plateformes et messageries avec sa grammaire, son vocabulaire, ses codes, ses formats et ses durées qui varient en fonction du contexte de consommation (domicile, bureau, transports…).
Forcément sociale, mobile, interactive. En direct !
Mais le direct live venant du public va encore accroître le bruit d’Internet. D’où le besoin encore plus pressant de tri, vérification, contexte, mise en perspective et valeur ajoutée, apportés par les journalistes professionnels et parfois les marques.
Le vieux partage (la radio annonce, la TV montre, la presse explique) est en passe d’être remplacé : la notification annonce, le réseau social montre, la vidéo explique).
5Fiction, séries, magazines, jeux, sports : des millions de nouveaux concurrents
Nous sommes au tout début d’une incroyable hyper-offre, d’un foisonnement de contenus vidéo sur tous les écrans. Et en streaming ! De nouvelles plateformes se disputent notre attention, notamment les messageries instantanées, les objets connectés sur soi, demain l’Internet industriel et les voitures autonomes.
Mais l’OTT libère la TV de ses contraintes historiques.
Conséquence dans les pratiques professionnelles : le jargon et les pratiques TV se développent chez les geeks (et inversement) ; et les responsables de programmes intègrent de plus en plus en amont les réseaux sociaux et pensent en aval aux déclinaisons en ligne.
6Business model à réinventer dans un marché en croissance mais instable
Contrairement aux autres médias traditionnels chahutés par Internet, la vidéo est un secteur en plein boom. Mais les fruits de cette croissance ne profiteront pas à tous. Et pas forcément aux acteurs historiques, confrontés à l’exode de la pub, et pour qui l’enjeu, dans un environnement devenu instable, est aussi d’exploiter les immenses opportunités d’Internet, souvent mieux et plus vite saisies par les nouveaux acteurs.
La valeur viendra notamment à ceux qui sauront trier et agréger socialement la multitude de contenus dans une offre nouvelle et pertinente, développer des partenariats intelligents entre contenus (exclusifs, différenciants) et distribution, recruter à l’extérieur du monde des médias. Mais aussi inventer d’autres modèles hybrides, notamment ceux qui vont raccourcir la durée entre le concept et sa commercialisation (comme YouTube et Netflix).
7Une mondialisation inévitable
La vidéo est un média qui voyage bien, Internet (comme le buzz) n’a pas de frontières, les utilisateurs des nouvelles plateformes se comptent en centaines de millions, voire en milliards. Mais les règlementations ne suivent pas.
Combien de temps tiendront ces protections ? Comment fluidifier la distribution légale sur des marchés multiples ? La SVOD changera-t-elle les frontières de consommation ? Dans ce nouveau marché mondialisé, comment financer les contenus, sinon par la co-production avec une grande variété d’acteurs ?
8Les données, oui, mais aussi la confiance
Avec le "big data", nous passons de l’image filmée à l’image calculée. Il faudra en profiter.
Des équipes « big data » commencent à se mettre en place un peu partout pour trouver du sens à des données générées par les nouveaux services, les appareils, les applications, etc.
Mais la protection des données est une composante de la vie privée. La confiance et la transparence constituent donc de nouveaux services différenciants. Les « smart data » et les « lean data » aussi.
9L’innovation, facteur clé de succès
La vitesse actuelle des changements dans la vidéo et la télévision, et leur complexité, imposent une adaptation qui passe par l’innovation et la transformation organisationnelle des acteurs de la TV classique.
Le numérique pose un gros problème culturel dans les entreprises où les personnels, mal formés se sentent souvent débordés et se sentent obligés de s’appuyer sur des experts externes. D’où la nécessité de favoriser une culture d’adhésion et d’appropriation, où l’innovation est au cœur des projets, comme la rapidité d'exécution avec la mise en place d’une agilité managériale autour d’équipes soudées solidaires et rendues responsables.
10L’immersion est le nouvel engagement
Cette tendance lourde vers l’immersion dans l’image passe par l’ultra haute définition (4K), la réalité augmentée et surtout la réalité virtuelle, nouvelle frontière, média vraiment nouveau qui abolit les barrières entre l’auteur et le spectateur, qui devient acteur.
La réalité virtuelle va modifier la manière dont nous voyons le monde.
Venue par les jeux vidéo et l’e-sport, elle devrait toucher le grand public d’ici un an ou deux, mais il reste beaucoup de choses à inventer. Notamment à la faire fonctionner à plusieurs, pour une expérience partagée. Avec Oculus, Facebook entend ainsi créer un univers virtuel où vivent un milliard de personnes en télé-présence immersive.
Confrontée donc à la plus grande transformation de son histoire, la TV bascule –-et pourrait bien se dissoudre-- dans l’Internet vidéo mondial qui explose et est en train de l’absorber.
Des plaques tectoniques bouleversent le paysage et modifient les frontières de ce qu’on appelait jusqu’ici la télévision, redéfinie désormais par la manière dont on la regarde. D’innombrables nouvelles offres ont surgi --le nombre de plateformes et formats vidéo a explosé— donnant un coup de vieux à la pertinence de la TV, à ses modèles économiques tout en changeant radicalement nos usages.
Connecté en permanence, plus engagé (mais aussi plus distrait) et en tous cas séduit par ces nouvelles propositions, le public a partout pris le contrôle de sa consommation d’images, n’est plus esclave de son guide des programmes, s’informe, se cultive et se divertit à ses conditions sans faire ce que d’autres ont décidé pour lui !
Réussissant bien mieux dans les nouveaux formats, une poignée de startups et géants du web agiles défie l’emprise historique des télés : Vice Media, YouTube, Netflix ou Amazon, sont à la manœuvre. Mais la vidéo a aussi débordé des plateformes classiques pour imprégner toutes les offres en ligne, de Facebook à BuzzFeed, en passant par les journaux ou les vieux portails (Yahoo, AOL) et surtout par les nouvelles messageries instantanées (WhatsApp, Instagram, Snapchat ou Younow) nouveaux hubs média de jeunes qui ne font plus la différence entre les écrans, ni entre l’origine des contenus (auteur, chaîne, site, appli,…).
Imprégnée d’une culture horizontale et intensément visuelle, la génération Y, qui arrive aux commandes de la société, n’a aucune difficulté à laisser Internet prendre le contrôle de l’économie culturelle. Elle entend profiter de contenus auxquels elle peut s’identifier immédiatement, partager, et surtout accéder n’importe où, et n’importe quand.
Le streaming devient plus populaire que la télé en direct, l’OTT, le haut-débit généralisés et la TV sur IP remplacent le hertzien ; et surtout le mobile commence à se substituer à la TV. Les applis remplacent les chaînes.
Même si le mode de narration visuel –point fort de la TV – est en train de l’emporter, Internet est un habitat différent, un mécanisme ultra puissant où une vidéo peut être partagée avec des milliards de gens dès sa création, où tout peut être reproduit sans effort, ni coût marginal. Demain, assure Ericsson, l’expérience télévisuelle sera entièrement personnalisée, sociale, interactive et à la demande.
Les programmes n’échappent pas au branle-bas comme en témoignent les succès dans l’info du journalisme de terrain de Vice News, ou l’arrêt brutal aux Etats-Unis d’émissions et séries cultes comme American Idol et CSI qui ont régné pendant des décennies.
Modèle d’affaires en difficulté
La télé, confrontée à l’accélération des mutations technologiques et d’usages du public, à l’ampleur prise par les mobiles et la suprématie des formats vidéos, a désormais un souci d’audience, de pertinence, de revenus publicitaires et donc de succès. Les jeunes désertent, l’audience vieillit et les annonceurs s’effraient.
Ces bouleversements changent les règles du jeu pour les acteurs : chaînes, producteurs, distributeurs, agences, annonceurs, … qui ne sont pas seuls à réinventer le nouveau paysage : les fabricants d’écrans s’y sont mis, les réseaux sociaux ou les écosystèmes d’applis, aussi.
Dans cette époque de métamorphose d’un modèle quasi unique à un modèle multiple, l’ensemble du secteur grandit vite, se mondialise, les frontières s’estompent entre TV classique et TV sur Internet, mais tous ne sont pas positionnés pour en profiter. La course à l’attention du public est désormais trustée par le web et les mobiles. Et la personnalisation pilote la croissance.
L’audience, dont la loyauté est aujourd’hui davantage basée sur le mérite, n’est plus captive, se fragmente, reste difficile à mesurer, surtout si est pris en compte le continuum des écrans où se mêlent direct, différé, streaming à la carte. La télévision sur Internet a aussi dépassé Nielsen.
La TV classique payante commence à se contracter et la publicité à partir, pour rejoindre –-comme toujours avec retard-- la migration du public, et s’automatise à grande vitesse pour être plus efficace dans un marché désormais très morcelé, mais adressable et quasi infini. D’autant que le public, qui programme lui-même ses univers, déteste la réclame forcée et les mauvais programmes de téléréalité des grandes chaînes généralistes.
Dans une nouvelle économie à la demande où le coût de distribution tend vers zéro, la concurrence est exponentielle, de facteur 100, et vient de nouveaux acteurs champions des nouvelles technos et de l’innovation, qui poussent dehors les acteurs traditionnels, en proposant cette TV à la carte, plébiscitée par le public et souvent par abonnement.
Pas facile donc de lutter face à de nouvelles plateformes d’infos, de sports, de divertissement et de communication asynchrones, auto-organisées, qui réalisent des tâches complexes sans contrôler et dont les ressources et les contenus viennent des utilisateurs eux-mêmes, abaissant ainsi fortement les coûts de la création et de l’éditorialisation. Pas facile, non plus, de lutter contre la piraterie audiovisuelle.
Personnalisation, recommandation, découverte
Les écrans prolifèrent et les nouveaux médias se confondent avec les nouvelles firmes de la technologie.
- Comme pour les journaux, le contrôle de l’accès à de larges nouvelles audiences se fait de plus en plus par mobiles et réseaux sociaux, modernes agrégateurs des contenus.
- Comme les journaux, les télévisions --peu performantes en ligne et sur mobiles--, sont en train de perdre une génération entière. Reproduire les formats TV sur le web ou le mobile, ça ne marche pas ! Ou alors il faut contextualiser et revoir les processus de création et de distribution.
- Et comme dans les journaux, les magazines ou la radio, le modèle « one to many» indifférencié s’essouffle.
Aujourd’hui les nouveaux acteurs agrègent de multiples sources à destination de multitudes de destinataires qu’ils peuvent cibler. Avec l’ubiquité des contenus TV dans un mode personnalisé et facile d’accès, la TV passe bien d’une écoute collective à une consommation individuelle.
Le rythme et l’étendue stupéfiants de ces changements modifient la structure des formats et la TV elle-même. Mais ils créent aussi de la confusion pour le public qui a de plus en plus de mal à trouver ce qu’il cherche. Il est presque plus facile de faire de la vidéo que d’en regarder…
Loin d’avoir trouvé la solution pour la découverte pertinente des contenus et des œuvres, nous ne sommes qu’au tout début de la diffusion sociale qui repose sur les proches, et de la recommandation algorithmique contextuelle qui s’appuie sur les goûts, le lieu, l’heure de la journée, le temps disponible, l’écran utilisé, les droits associés et l’humeur de l’utilisateur !
La personnalisation, c’est difficile, et c’est surtout bien fait par Google, Amazon, Facebook ou Netflix, dont les machines de plus en plus smart sont en train d’accumuler les informations.
Mais l’expertise des éditeurs professionnels et des pros des programmes additionnée aux algorithmes (et à leurs créateurs, les informaticiens) peut se révéler un mix gagnant.
Une chose est sûre : dans un web de plus en plus audiovisuel, où les images fixes et animées deviennent le langage commun et mondial d’Internet et la base des échanges, où la valeur se crée de plus en plus dans la bataille des interfaces, où chacun se crée son expérience TV morcelée, modifier les comportements par la loi ou la règlementation semble illusoire.
Le nouveau PAP, paysage audiovisuel personnel
Mais la qualité d’ensemble progresse grâce aux nouveaux acteurs qui savent proposer avec talent, audace, des idées nouvelles à des niches et des communautés, jusqu’ici mal servies par les généralistes obsédés par le plus petit dénominateur commun et incapables de discerner des variables qu’ils ne voient pas venir. Ces nouveaux venus sont désormais des champions du développement de l’audience, de l’engagement avec elle, de la distribution virale, de l’accès et de l’abonnement. Et dans la révolution vidéo, à l’ère de la génération « tout, tout de suite », les changements sont quotidiens.
YouTube a développé en quelques années sa propre culture, ses codes, ses genres, et chahuté les modèles d’affaires établis. Ses stars montantes font de l’ombre à celles d’Hollywood, qui rêve encore de détruire Internet. Apple, annoncée bientôt dans la TV en ligne, saura-t-elle, à l’image de Netflix, rapprocher la Silicon Valley des studios de Los Angeles ? Steve Jobs était bien l’un des plus gros actionnaires de Disney et le patron de Pixar.
Internet c’est une vaste démocratisation qui court-circuite les acteurs en place en favorisant aussi une ré-intermédiation via quelques nouveaux venus quasi-monopolistiques qui entendent régenter nos vies connectées et deviennent, grâce à l’apprentissage des machines, chaque jour plus pertinents. Internet profite aux très grands, à des géants à la croissance forte, rapide, mondiale, souvent même exponentielle, qui parviennent à rassembler des centaines de millions de personnes autour de marchés multi-faces.
Pistes et perspectives : vers des modèles hybrides
Les changements continuent de déferler, venant d’endroits imprévisibles et obligent les acteurs à rester attentifs, ouverts aux vents nouveaux. Ce basculement vers une consommation à la carte sur mobiles favorise le streaming qui, redessinant l’ensemble du paysage, deviendra dominant.
Dans un secteur où la seule constante c’est le changement, impossible de rester dans le déni ou le marchandage. Seuls sont possibles l’acceptation de ces bouleversements et l’action pour se transformer en complétant les expertises et les savoir faire.
Reste à adopter les technos, langages et codes … numériques des nouveaux barbares pour surmonter le grand défi de l’engagement. A aider au tri, à la curation, à la découverte. A rester pertinent en offrant de nouvelles expériences, à les rendre cohérentes dans de multiples contextes grâce aux données. A changer les méthodes de travail (tester, échouer, recommencer), à accompagner la transition numérique de la société et d’un public de plus en plus exigeant sur la qualité. A revendiquer une ligne éditoriale tout en proposant aussi de l’info-service. A coopérer et nouer des partenariats entre anciens et modernes. La réussite récente des podcasts et des newsletters, par de vieux acteurs, en témoigne. A rapprocher, voire mêler les métiers entre créateurs, développeurs, diffuseurs, producteurs …
A ne pas chercher aussi à se faire plaisir, mais à chérir l’utilisateur et le citoyen en restant le ferment de l’espace public. A expérimenter de nouveaux types d’expériences partagées qui passeront peut être par les technologies de réalité virtuelle, nouvelle frontière et vrai média nouveau à part entière qui arrive et va donner à voir ce qui n’existe pas encore.
Jeunes et vieux allument aussi la télé pour avoir une présence quand ils sont seuls. Mais même si la télé linéaire a encore la possibilité de créer des rendez-vous fédérateurs et non discriminants, notamment dans le sport et les divertissements, la télévision n’est déjà plus un média passif où l’audience regarde passer un flux. Les formats TV et web sont de plus en plus imbriqués dans de nouvelles formes narratives cross média à développer. Multiplier les coopérations avec les start-ups numériques est une des clés de l’innovation indispensable. Tout comme maîtriser les technologies de base du numérique : code, cloud, terminaux connectés.
Dans cette nouvelle ère multi-écrans du streaming, sous influence des « millenials », les acteurs classiques se demandent comment atteindre une audience connectée en permanence et parsemée sur des centaines de terminaux différents. L’exploitation des données multiples et traces fines laissées par le public en ligne -- lors de ses passages sur écrans connectés et réseaux sociaux autour des programmes de TV -- est une solution moderne pour développer l’audience, améliorer les contenus et plaire aux annonceurs. Et peut être, demain inventer de nouveaux modèles économiques.
La télé libérée
Mais attention, nous sommes dans des modèles instables. Les vagues technologiques continuent de se succéder. Une à une, elles démocratisent les médias de masse dont les vieux modèles s’érodent. Internet, soumis comme les autres à des forces technologiques, économiques et politiques, varie lui aussi chaque jour. Le désordre règne encore dans ce nouveau monde.
Internet est devenu l’agitateur permanent qui s’infiltre dans chaque faille d’inefficacité. Le monde est à portée de doigt 24 h sur 24. Jamais une seule plateforme n’avait autant dominé. Capter l’attention dans un tel environnement sera un sacré défi.
Le streaming vidéo via Internet, l’hyper-abondance de contenus vidéo souvent gratuits, les mobiles et la consommation à la carte ubiquitaire, sont en train de s’imposer et de libérer la TV de ses contraintes historiques : pas de grilles de programmes, pas de limites, ni pour les contenus, ni pour les cibles à atteindre, pas de bon pour tous et pas de mesure unique du succès.
A elle d’en profiter.
Eric Scherer
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ps : nous développerons tous ces sujets dans notre Cahier de Tendances Méta-Media N°9, Printemps – Eté 2015, et notamment le suivi des nouveaux usages, pistes, modèles et outils de la mutation, mais aussi des indications sur la télévision et les médias de demain. Comme toujours une liste d'ouvrages sera proposée.
Le cahier sera disponible ici, ici, sur Méta-Media en pdf, début juin.
(Illustration : Jean-Christophe Defline)