Par Diane Touré, France Télévisions, Direction de la prospective.
Le Reuters Institute for the Study of Journalism a publié le 16 juin dernier son rapport annuel sur la consommation d'information en ligne. L'étude, réalisée à partir d'un sondage YouGov auprès de 20 000 personnes dans douze pays, montre comment la consommation d'information continue d'évoluer. Si le rapport ne révèle pas l’arrivée de nouveaux usages, les grandes tendances se confirment et s'accélèrent : vidéo, mobile first, et médias sociaux sont les mots clés de l'info.
La vidéo d'info en forte progression
La consommation d’information en ligne via la vidéo est la tendance la plus forte de ces derniers mois, avec en moyenne 21% des sondés concernés par cette pratique chaque semaine : +10% en Espagne par rapport à 2014, +8% pour le Danemark, +5% pour le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon. Ce phénomène reflète l'augmentation des contenus vidéo sur les réseaux sociaux ainsi qu'une plus grande importance et attention donnée à la vidéo par de nombreux éditeurs de presse.
Cependant, parmi ceux qui n’utilisent pas la vidéo, 40% déclarent trouver plus pratique de lire un texte, près d'un tiers (29%) sont rebutés par le pré-roll vidéo dont les temps de chargement sont jugés trop longs et un cinquième (21%) expriment une préférence pour regarder du contenu vidéo sur des écrans plus grands.
Un accès à l’information "mobile first" pour 25% des interrogés (41% pour les moins de 35 ans)
Les appareils mobiles pourraient bien être considérés en 2016 comme le dispositif le plus important pour la consommation d'information en ligne. L’utilisation hebdomadaire moyenne d'un smartphone pour s'informer a augmenté de 37% à 46% contrairement à l’utilisation de la tablette ou de l’ordinateur, qui ralentit dans la plupart des pays.
25% des interrogés, tous pays confondus, déclarent que leur smartphone est leur premier moyen d'accéder à de l'information en ligne ; cela concerne 41% des moins de 35%. La France est dans la moyenne, à 25% et à 8% pour ceux qui utilisent leur tablette comme moyen d'accès principal aux news.
La manière de trouver l’information diffère chez les consommateurs en fonction des pays. Au Royaume-Uni, Danemark et Finlande, les internautes passent directement par un site de grands groupes de presse. En Italie, en Espagne, en Allemagne ou en France, les moteurs de recherche restent souvent la principale porte d'entrée à l’information tandis que les médias sociaux sont régulièrement utilisés en Australie et au Brésil.
Près de la moitié des enquêtés admettent s’informer la plupart du temps via une seule source d'information, souvent sur un seul navigateur et moteur de recherche.
Les grands groupes médias inspirent confiance chez la plupart des internautes mais l'usage d'une application dédiée à l'info reste à la marge. 70% des consommateurs d'info ont téléchargé une application de news mais seulement 33% les utilisent chaque semaine. Le Royaume-Uni, avec 51% des interrogés qui utilisent les nouvelles applications BBC fait exception ; parmi les consommateurs allemands 15% utilisent Spiegel et aux États-Unis, c'est l'application Fox News qui ouvre la voie avec 14%.
Les push de notifications ont doublé dans la plupart des pays : 14% des sondés français reçoivent des notifications liées à l'info chaque semaine, 10% en Grande Bretagne.
Le faible taux d'usage des applications d'info s'explique par la montée en puissance des médias sociaux comme plateforme d'information, devenant ainsi les plus forts concurrents des grandes marques d’information.
Les médias sociaux, première source d'info des jeunes
Reuters a observé en 2014 une croissance spectaculaire en ce qui concerne le partage d’information sur les médias sociaux. +10% pour les Etats-Unis, +15% pour le Brésil, +14% au Royaume-Uni et +13% en France. L’Italie reste le seul pays constatant une baisse de 2%.
Si les médias sociaux deviennent des sources d’information de plus en plus importantes au cours des quatre dernières années, tous ne deviennent pas référents en matière de news et d’audience. Facebook est de loin le réseau social le plus populaire pour la consommation d’information, profitant de plus en plus du public de son plus proche rival, YouTube. 41% des répondants ont déclaré utiliser Facebook pour trouver, lire, regarder, partager, ou commenter les informations chaque semaine. La popularité de Twitter parmi les médias sociaux ne se reflète pas dans les habitudes d'utilisation du panel : seulement 11% d'entre eux déclarent utiliser ce réseau de partage. Toutefois comme le rapport l’indique, les chiffres ne démontrent pas les différentes façons dont les utilisateurs exploitent ces réseaux.
" Parfois nous cherchons des news sur Twitter, mais les croisons sur Facebook" indiquent les sondés.
Facebook et Twitter restent les plus importants réseaux de news en termes de références et d’engagement mais l’enquête soulève des différences entre les deux. Facebook détient un public très généraliste où la recherche d’informations reste secondaire puisque le but principal est de communiquer avec ses amis. A contrario, Twitter est construit comme un réseau destiné à la recherche active de news pour un public profondément intéressé par l’actualité.
WhatsApp commence à être utilisé pour les news, principalement au Brésil pour 34% des sondés et en Espagne pour 27% d'entre eux... mais 1% aux Etats-Unis !
Pourtant les réseaux sociaux ne constituent pas le moyen le plus fiable pour trouver des informations. Seulement 12% des interrogés considèrent que les réseaux sociaux sont fiables contre 37% pour la télévision. Pour les enquêtés, les médias sociaux restent néanmoins un moyen efficace pour obtenir l’information facilement.
La télévision reste la principale source d’information dans 8 pays sur les 12 pays sélectionnés, c’est le cas pour les États-Unis, le Danemark, l'Australie et la Finlande... mais fédère surtout le public le moins jeune.
La publicité dérange
Les internautes sont de plus en plus lassés par la publicité. Si les éditeurs essaient de les habiller au mieux via la publicité native, 43% des lecteurs américains sont déçus lorsqu’ils réalisent qu'il s'agit en fait qu'un contenu publicitaire ; quant aux jeunes, ils ne sont tout simplement pas intéressés. Résultat, 47% des américains et 39% des anglais ont déclaré qu'ils utilisent régulièrement un logiciel de blocage des pubs.
« C'est clair que les lecteurs sont perdus par la variété de termes présentant ces publicités et le manque d'un standard commun, analyse Nic Newman, éditeur du rapport Reuters. En retour, ça sape leur confiance, ce qui aura des conséquences pour les annonceurs et les publications. »
Comment faire rentrer de l'argent dans les caisses ? Moins d’un interrogé sur cinq paie pour de l’information en ligne. Les abonnements séduisent davantage les finlandais (14%) et les danois (13%) que les britanniques (6%) et les irlandais (7%). Un espoir peut-être avec les modèles de micropaiement que proposent de plus en plus d'éditeurs. Une tendance à surveiller.