Par Gabrielle Madé, Chef, Analyse et développement numérique chez Attraction Images, Montréal (billet invité)
La 6e édition de VidCon vient de fermer ses portes à Anaheim, en Californie : on en sort énergisé, impressionné, mais surtout étonné par la maturité des propos entendus. Retour sur la plus grande conférence sur la vidéo en ligne au monde.
VidCon est reconnu pour être un immense rassemblement où les fans viennent à la rencontre de leurs YouTubers préférés. Encore cette année, on a pu témoigner de longues lignées de jeunes filles attendant de rencontrer les créateurs qu’elles aiment pour faire signer leur casquette ou la coque de leur iPhone.
Mais VidCon est aussi une conférence sur l’industrie de la vidéo en ligne ainsi que sur celle du divertissement au sens large. Un des grands constats qui émerge cette année : YouTube n’est pas la plateforme du futur ; YouTube, est déjà établi comme plateforme de création à part entière, et ce depuis un moment déjà.
YouTube existe depuis une décennie, un star système y évolue et de nombreuses vidéos de grande qualité sont désormais mises en ligne tous les jours. On sent qu’on arrive à un point où une première génération de créateurs s’est établie, et une seconde est en train de faire sa place. Ce qui n’est pas tellement étonnant, quand on y pense; sur Internet, une période de 10 ans est largement suffisant pour constituer une génération en soi. YouTube arrive ainsi à une certaine étape de maturité.
La première génération de YouTubers, c’est-à-dire ceux qui créent régulièrement pour la plateforme depuis 4, 6, 8 ans, compte parmi ses rangs les superstars qu’on connait désormais : Taylor Oakley, Michelle Phan, PewDiePie, Grace Helbig, Bethany Mota (photo ici bas) et plusieurs autres. Ces créateurs se sont forgés un nom et une communauté alors que les «règles» de YouTube restaient encore à inventer et que des habitudes d’utilisation des utilisateurs étaient en train de se forger. Cette première génération a établi la plupart des fondements de la culture YouTube.
La seconde génération de YouTubers a grandi (littéralement) en regardant le contenu produit par la première, a été inspiré par ses créateurs-vedette et a appris de leur parcours. Les membres de cette 2e génération sont pleinement conscients du fait qu’ils ne sont pas seulement des créateurs, mais également des petites entreprises en soi. À 19 ou 20 ans, ils sont informés et articulés; ils énoncent leurs objectifs et leurs stratégies et parlent ouvertement de leurs partenariats avec certaines marques ainsi que des produits qu’ils vendent en ligne. Puisqu’ils sont sensibles à l’aspect «business» de YouTube, nombre d’entre eux réussissent à vivre de leur art avec des communautés de 200 000, 300 000 abonnés.
Bref, YouTube a 10 ans, et on sent clairement qu’une page est en train de se tourner. La 2e génération de créateurs prend sa place, les marques comprennent de mieux en mieux comment collaborer avec les YouTubers, et les fans sont plus nombreux et plus à l’écoute que jamais.
À VidCon, on entend fréquemment:
- Un créateur qui en salue un autre en s’exclamant: «Hey ! Justement, j’allais faire un Periscope !»
- Une jeune fan à une créatrice : «J’aimerais une photo avec toi ; peux-tu tenir mon selfie stick?»
- Des créateurs qui paraphrasent le rapper Jay-Z lors des panels : «I’m not a businessman ; I’m a business, man !»
À VidCon, on voit fréquemment:
- Beaucoup, beaucoup d’adolescents qui se filment en marchant.
- Des Viners (créateurs sur Vine) qui se déplacent en Cyboard, sorte de croisement entre un hoverboard et un Segway.
- Bon nombre de licornes qui dansent (ce costume est associé à la YouTuber Lilly Singh).
À VidCon, on se dit :
- En arrivant sur le site pour la première fois : «Wow ! Je dois certainement faire monter la moyenne d’âge !» (NDLR : l’auteure de cet article a 28 ans)
- En se promenant d’un panel à l’autre: «Et moi qui pensais connaître tous les YouTubers à succès… Ouf ! On est loin du compte !»
- … et on se dit surtout qu’il y quelque chose de fondamentalement beau dans la très grande communauté que forment les créateurs et leurs fans. Quelque chose de très vrai aussi, parce qu’aucun des créateurs n’a eu à attendre qu’un producteur, manager, diffuseur ne les choisisse; ils en sont là grâce à des milliers d’individus qui les ont choisis, sur leur mobile et leur ordinateur, dans leur chambre, au bureau, dans l’autobus. Difficile d’imaginer une relation plus authentique entre vedettes et fans.