Le patron de Vice aux vieux médias : donnez vite les clés aux jeunes !

Shane Smith ne donne jamais de conférences. Le patron de Vice déteste ça. Au pire, il dit préparer parfois “cinq bullet points, toujours arrosés de whiskey”.

Alors quand il cache jeudi soir ses tatouages sous un costume pour parler au gratin de la télé britannique, réuni comme chaque fin d’été à Edimbourg, il parle cru, même avec prompteurs. Car l’enjeu est crucial selon ce pionnier numérique qui prédit pour les prochains mois "un bain de sang" dans les médias et une vive consolidation des géants américains, voire "l'extinction" de certains d'entre eux.

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“Ouvrez-vous, merde ! Ou vous allez perdre la génération montante. Les médias fonctionnent aujourd'hui comme un club privé, fermé, où la plupart des jeunes se sentent exclus. Vous devez en remettre les clés aux jeunes”.

Son message "aux baby boomers" est brutal, mais clair : “votre main mise sur les médias et la pub est terminée”. “Et si vous ne changez pas, vous allez vous alièner une génération entière, celle qui est en train de prendre le pouvoir en politique, économie, culture et médias”.

         "Or nous nous contentons de répliquer les succès d'avant. La raison principale de tout ce chaos dans les médias vient de cette nouvelle audience, ce nouveau pouvoir d'achat, qui réalise que la merde insipide (que nous leur livrons) ne nous aidera pas à nous rendre là où nous devons aller".  

        "Laissez les filmer, monter, héberger, utiliser leur langage. Ne trichez pas. Ne cherchez pas à les imiter. Cassez les règles ! Certes, ce n'est pas facile de mettre des millions de dollars dans les mains de jeunes de 23 ans, mais le plus souvent il reviennent avec de l'or".

"Les millenials sont la génération la plus smart de l'histoire avec le meilleur détecteur de bullshit". "L'étau (des baby boomers) a finalement été brisé par une génération très éduquée, diverse ethniquement, difficile à atteindre et qui pense mondialement. Les médias ont du mal à s'adapter à ce changement rapide".    

Même Vice a dû changer : "de la bible des hipsters – sex, drug & rock’n roll -- aux vrais sujets de société"

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"Bien sûr que les jeunes s'intéressent à l'info. Mais pas n'importe comment".

Oui, “même Vice a dû changer sous la pression”, avoue le président canadien d'un média, jusqu'ici largement destiné aux jeunes hommes urbains.

”La generation Y sait de quel côté de l'histoire, elle veut être. Mais où sont les médias qui répondent à leurs passions ? Posez-vous la question -- et faites le honnêtement-- pour savoir si nous faisons assez d’efforts pour cela ? Si nous nous battons ? Je me suis posé cette question et réalisé que, honnêtement, la réponse était non”.

“Nous avons donc changé notre positionnement. Du jour au lendemain, nous sommes passés de la bible de hipsters qui parlait des jeans rares, de cocaïne et de super models, aux programmes sur l’environnement, la justice sociale, les problèmes des femmes, les droits civiques, et, bien sûr toujours ... la musique. Nous ne sommes pas dingues ! Et devinez quoi ? Notre entreprise a grandi. Notre audience a explosé. Et nous avons fait plus d'argent. Ce qui est bien, parce que plus d'argent signifie plus de contenus". 

"Le secret de notre réussite date de ce jour là". 

Et puis de l'ouverture de 58 chaînes de TV dans le monde appuyées sur quelques bons accords le licence avec des opérateurs telcos, avides de données sur le public.

Un "bain de sang" dans les médias, jeunes et vieux

Shane Smith prédit une énorme consolidation dans les mois qui viennent parmi les géants Time Warner, Fox, Disney, Viacom, Apple, Netflix, et la disparition de nombreux médias numériques. Peut être même "30% en moins" dès l'an prochain. "Tout le monde va vouloir acheter tout le monde". 

Time Warner, dit-il, craint de se faire racheter par Murdoch et vise Viacom, Apple serait intéressé par Time Warner et Netflix, Viacom est en train d'exploser, les telcos Comcast, AT&T, Verizon rachètent des studios et des nouveaux médias. Ceux-ci s'allient avec des médias traditionnels.

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"Tout cela car le spot de 30 secondes est en train de mourir, la pub display a disparu, le programmatique fait s'effondrer les CPM et la moitié des gens utilisent des ad-blockers". "Même les grandes plateformes souffrent et vont devoir changer".

Ajoutez à cela l'archi domination de Facebook et de Google et leurs coups de tournevis dans les algorithmes : "Facebook a même commencé à privilégier les billets personnels sur les articles du New York Times".

"Moins de trafic, donc moins d'argent, donc le chaos. Seuls les plus agiles survivront. Et si la conjoncture se dégrade, ce sera encore pire". 

"Or tout le monde sait ce qu'il faut faire : une distribution tous écrans, toutes plateformes, OTT, des pubs natives et de la production interne". Ou alors s'allier avec les plus riches. 

Mais personne n'aime le changement. Les médias traditionnels réagissent comme la musique il y a 20 ans en se rétractant avec des avocats. 

Vice de son côté constitue son trésor de guerre pour être prêt à saisir toutes les opportunités, prévient-il.

"Oui, il y a bien une révolution dans les médias. Elle est effrayante, elle est rapide, et elle va devenir très moche". 

"La seule chose à faire est d'essayer. Nous, nous n'avons jamais perdu d'argent". 

Lui propose, s'il est nommé à la tête de la BBC, de remplacer les émissions de jardinage par des documentaires sur des cannibales mangeurs d'enfants et un show culinaire avec le président nord-coréen Kim Jong Un.

Just kidding !

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Voici la vidéo de la fameuse MacTaggart Lecture : 

(ps : certaines des déclarations reprises dans ce billet ont été faites dans un briefing destiné aux journalistes à Edimbourg quelques heures avant la conférence).