Il y a deux ans, les patrons de l'info des grandes chaînes de télés britanniques s'étaient pincé le nez avec des hauts le coeur devant le culot et les pratiques peu orthodoxes de la rédaction de Vice News. Hier, fort de sa réussite quasi mondiale, le président de Vice est venu leur dire la messe, leur conseillant même de laisser les rênes aux jeunes.
Et là, les patrons des chaînes n'ont vraiment pas aimé ! Ce matin à Edimbourg, au lendemain de la fameuse conférence MacTaggart donnée par Shane Smith, leurs directeurs des contenus, réunis sur la scène du Festival annuel de la TV, ont tous rejeté les propos du porte-parole de la génération "no bullshit". Même si la BBC a été plus modérée.
"Odieux", a résumé Kevin Lygo, directeur d'ITV. "Pas d'inquiétude. Tout va bien. Il suffit de faire de bons programmes".
"Je n'y étais pas. Très content de ne pas avoir perdu une heure et demi !", s'est exclamé Ban Frow, patron des programmes de Channel 5. "Je ne donnerai jamais un budget à un jeune : on irait au désastre".
Ridicule "de diaboliser les vieux. Faire des programmes pour les plus de 34 ans reste OK", a estimé Jay Hunt, responsable des contenus de Channel 4.
Pour Gary Davey, patron des programmes de Sky, "jamais la TV n'a été aussi palpitante".
En gros, impossible donc d'opposer, comme l'a fait si crûment Shane Smith, les millénials aux baby-boomers. D'ailleurs, pour eux, ces derniers ne s'intéressent qu'à la télé-réalité, au sexe.
Faux, a quand même dit Charlotte Moore en charge des chaînes et de l'iplayer à la BBC : "ils veulent aussi être informés correctement".
Quid de l'ouverture aux jeunes alors ?
"Nous le faisons déjà", assure Channel 5.
Shane "dit ça car les networks américains ne la pratique pas, nous oui", a renchéri la BBC.
Pourtant les chiffres de l'âge moyen de leur public, donnés sur scène par l'animatrice du débat, ont été sévères :
- 62 ans pour BBC1 et BBC2,
- 60 ans pour ITV,
- 58 ans pour Channel 5,
- 55 ans pour Channel 4.
Un peu plus tard, Shane Smith, interrogé de nouveau dans un climat tendu jeudi, en a rajouté une couche, indiquant que "l'âge moyen du staff de Vice est aujourd'hui de 25 ans".
Mais il a aussi joué l'apaisement, car il développe en ce moment Viceland, son propre réseau de chaînes de TV dans 58 pays avec des accords importants avec des opérateurs telcos.
"Quand la génération Y était une niche, nous étions une niche. Maintenant qu'elle grandit, nous grandissons. Et comme elle a plus d'argent, elle veut aussi des grands écrans". Pour lui, "la télévision n'est pas une vitrine, mais une usine à contenus à monétiser partout". La clé du succès est de diffuser "tout le temps, toutes plateformes".
Et en bon mégalo, qu'il avoue être, il assure qu'il "sera dans 12 mois en couverture de Time Magazine comme celui qui a ramené les millénials à la télé".
Mais il sait aussi que des nouveaux arriveront un jour pour le mettre à terre : "ceux qui nous boufferont sont déjà aujourd'hui en maternelle !".