Demain, nous n'irons plus SUR Facebook mais DANS Facebook !

Par Jérôme Derozard, consultant et entrepreneur. Billet invité.

Pour Mark Zuckerberg, le "réseau social du futur" passe par une VR sociale qui place au centre les personnes et non les applications. Demain, nous n'irons plus SUR Facebook mais DANS Facebook !

Quelques jours après le lancement par Google de sa plateforme VR Daydream, Facebook vient de présenter, lors de la « keynote » Oculus Connect 3*, sa vision de la réalité virtuelle. Mark Zuckerberg y dialogue avec deux personnes représentées par leurs avatars, joue avec eux aux échecs ou les « téléportent » dans une photo ou une vidéo à 360°. Dans une scène à la Inception, il se téléporte dans son salon avec ses collègues, y reçoit un appel vidéo de sa femme (via Messenger) et prend un « selfie » de son avatar (virtuel) et de sa femme (réelle) depuis l’intérieur de sa maison qu’il poste ensuite sur son mur…

Ouf !

évolution

Encore 250 millions $ d'investissements

Si Facebook veut être à la pointe de la VR sociale, la société encourage les autres à créer des contenus, y compris en les finançant. 250 millions de dollars ont déjà été investis, et le même montant sera à nouveau proposé aux développeurs et créateurs de contenus VR, dont 10 millions de dollars pour les contenus éducatifs et autant pour soutenir les développeurs venant des minorités.

La société couvrira également les coûts de licence du moteur 3D Unreal Engine pour les applications vendues sur le store Oculus jusqu’à 5 millions de dollars de chiffre d’affaires. Facebook met ainsi les grands moyens pour créer son un écosystème Oculus, face à des concurrents qui peuvent capitaliser sur une plateforme existante : Google avec Android, Sony avec PlayStation et HTC/Valve avec Steam. De nouveaux contenus exclusifs ont été annoncés à la conférence, dont un karaoké VR SingSpace par les créateurs de Rock Band, une vidéo à 360° du cirque du soleil et des expériences VR associées au nouveau film Blade Runner 2049 de Disney.

Casque autonome sans fil

Pour étendre sa plateforme Facebook travaille sur un nouveau casque VR complètement autonome (ne nécessitant ni PC ni smartphone pour fonctionner) nommé Santa Cruz. Ce casque permettra comme l’Oculus Rift de suivre les mouvements de la tête mais sans capteur externe (« inside out tracking), tout en étant utilisable partout comme la Gear VR. Le casque embarquera sa propre « unité centrale », logée derrière la tête de l’utilisateur. Il s’agit pour l’instant d’un prototype pas de date de disponibilité ni de prix annoncé toutefois.

santacruz

Le cofondateur d’Oculus Nate Mitchell a ensuite présenté les nouveautés de la plateforme Oculus Rift pour les développeurs. Un nouveau SDK (kit de développement) Audio permet de créer plus facilement des environnements audio immersifs. Un SDK web basé sur le standard webVR et le framework web maison « React » permettra de créer simplement des contenus VR en utilisant des technologies web (html, Javascript), et sera accompagné d’un nouveau navigateur web nommé « Carmel ». L’avantage d’utiliser des technologies web est d’étendre la base des développeurs et de simplifier le partage et la découverte des contenus via le navigateur. Plusieurs expériences web VR ont été présentées dont un configurateur de voiture proposé par Renault.

renault

Editeur d'avatar

La société n’oublie pas non plus sa mission principale et propose de nombreux outils pour faire d’Oculus une plateforme sociale. Oculus Avatar offrira la possibilité aux développeurs d’intégrer dans leurs expériences sociales un avatar VR personnalisé commun à toutes les applications. Un « éditeur d’avatar » permettra à chaque utilisateur de configurer son apparence : visage, cheveux, couleur, col, lunettes – bonne nouvelle pour les porteurs de verres correcteurs, tout le monde porte des lunettes dans le monde Oculus.

Autres outils : « Oculus Parties » permettra d’inviter et de parler à d’autres utilisateurs et « Oculus Rooms » de partager un espace commun, par exemple pour visionner une vidéo ensemble. Oculus Rooms permettra également aux participants de rejoindre ensemble d’autres applications VR sociales, notamment Hulu VR.

oculusroom

Outils anti-nausée

L’un des points noirs de la VR est sa propension à déclencher un inconfort (allant jusqu’à la nausée) chez certains utilisateurs, notamment lorsqu’une application n’atteint pas le seuil de 90 images par seconde. Pour résoudre ce problème Facebook propose deux nouveaux outils aux développeurs : Timewarp et Spacewarp qui génèrent de façon intelligente des images intercalaires même sur les PCs les moins performants.

Pour rappel il faut disposer d’un ordinateur « Oculus Ready » pour utiliser le casque Rift. Au lancement, les premiers PCs compatibles coûtaient 1.000 $. Pour étendre le marché de la VR Oculus a annoncé le premier ordinateur « Oculus Ready » à 499 $, ainsi que les premiers portables compatibles Oculus.

D’autres nouveaux accessoires Oculus ont aussi été annoncés. Pour améliorer l’expérience d’immersion, la société va mettre en vente des écouteurs intra-auriculaires optimisés (49 $), des manettes tactiles Touch (199 $) et un nouveau capteur de présence (79 $) pour suivre les mouvements de l’utilisateur dans l’espace comme sur HTC Vive (« room scale »). En ajoutant à ces accessoires l’ordinateur et le casque lui-même (599 $) il faudra compter au minimum de 1.400 $ pour bénéficier de la meilleure expérience VR Oculus… autant dire que le marché cible reste limité aux « early adopters » fortunés.

touch

Pour l'instant le mobile domine

La majorité des utilisateurs continueront donc probablement à utiliser leur téléphone mobile pour accéder à la VR. Plus de 400 applications (dont de nombreuses applications vidéo) provenant de 55 pays différents sont disponibles sur la Gear VR, le casque mobile fabriqué par Samsung. Aujourd’hui le temps passé par les utilisateurs se répartit équitablement entre expériences « passives » (par exemple regarder une vidéo à 360°) ou actives (type jeux). Oculus a aussi amélioré son SDK mobile pour simplifier le développement et améliorer les performances. Facebook capitalise sur sa plateforme vidéo pour offrir aux développeurs la possibilité d’héberger et de diffuser gratuitement les vidéos à 360° en streaming, mais aussi de capturer et diffuser en direct depuis une application VR vers Facebook Live.

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Demain 32 millions de pixels

Dernier intervenant à la keynote, le « Scientifique en chef » d’Oculus Mickaël Abrash a présenté sa vision de l’avenir de la VR haut de gamme dans 5 ans. Au programme : une résolution de 4K sur 4K par œil soit 32 millions de pixels en tout ! Les futurs casques proposeront également un champ de vision de 140 degrés avec une profondeur de champ variable.

VR future

Pour atteindre ce niveau de performance il faudra apporter des améliorations substantielles non seulement aux écrans mais aussi aux capteurs et aux processeurs. Pour éviter de devoir générer et diffuser 32 millions de pixels en permanence, il sera nécessaire de suivre le mouvement et la forme des pupilles afin d’ajuster la qualité du rendu en fonction du regard de l’utilisateur (seule la zone fixée par l’utilisateur étant rendue précisément, les autres zones restant plus floues). L’audio sera aussi un point d’amélioration majeur, le rendu sonore devant évoluer en fonction de l’environnement virtuel. Les manettes resteront essentielles pour l’interaction avec la VR, non seulement pour capturer les mouvements mais aussi pour fournir un retour haptique vers l’utilisateur.

VR augmentée mieux que la réalité augmentée ?

Mickaël Abrash pense enfin que la « VR augmentée », la capacité de numériser le réel (avec des capteurs similaires à ceux utilisés par le Projet Tango de Google) pour l’intégrer dans le virtuel, prendra le pas sur la réalité augmentée (la possibilité de superposer du virtuel sur le réel comme sur HoloLens). Et de décrire son application VR idéale : un environnement de travail virtuel, où les collaborateurs apparaissent sous forme d’avatars réalistes et peuvent échanger librement comme s’ils étaient situés dans un même lieu.

virtualworkspace

Au final entre les contenus et la recherche fondamentale, il va encore être nécessaire pour Facebook d’investir encore des milliards de dollars dans la réalité virtuelle, sachant que les revenus resteront sans doute modestes. Mais il s’agit d’une société prospère, dirigée par un fervent partisan de la technologie qui en contrôle la majorité des droits de vote et semble prêt à investir sur le long terme.

Quel que soit le futur de la VR dans 5 ans, on peut parier que Facebook en fera encore partie, ce qui ne sera pas forcément le cas des autres acteurs.

(*A noter l’absence du fondateur d'Oculus, Palmer Luckey, suite à la polémique autour de son soutien financier à la campagne de Donald Trump.)