Par Bernard Fontaine, Direction de l'Innovation et de la Prospective, France TV
Première mondiale cette semaine à Paris ! Le Louvre a montré la plus avancée des technologies numériques audio-visuelles pour sublimer ses collections : la 8K dans un film de 59 minutes co-produit avec la télévision publique japonaise NHK. « La Beauté Eternelle », intégralement tourné et produit en définition 8K, porte sur neuf des plus grandes œuvres exposées connues du monde entier comme La Joconde de Léonard de Vinci, ou la Dentellière de Vermeer, le « maître de la lumière hollandaise ».
Qu’est-ce que la 8K ?
On connait tous la haute-définition (2 millions de pixels) qui équipe nos écrans depuis presque dix ans. Mais une technique en chasse une autre, et aujourd'hui l’Ultra-HD (ou 4K) est en passe de démoder la HD avec près de 8 millions de pixels sous vos yeux. Elle devrait être remplacée dans quelques années par la 8K, technologie qui portera la résolution de nos futurs écrans à 7680 X 4320 pixels soit 4 fois la 4K, ou 16 fois la résolution HD, et donc un total de 33 millions de pixel !
La télévision de demain ?
La NHK et la 8K
Après de premiers tests en 2002, la NHK a déjà expérimenté la 8K en vraies conditions de production TV lors des JO de Londres en 2012, puis ceux de Rio l'été dernier. Depuis août, la NHK teste déjà en diffusion satellite sur l’archipel nippon et vise, nous dit Yukinori Kida, patron de la diffusion, un déploiement grand-public dans deux ans en 2018 afin d'être fin prêt pour l’évènement phare des JO de 2020 à Tokyo.
L’industrie japonaise du broadcast suit ces avancées majeures: les ingénieurs de la NHK ont ainsi su réduire d’un facteur 40 le poids d’une simple caméra 8K High Vision, passée entre 2002 à 2016 de 80 à seulement 2 kg.
La production du film 8K à Paris : 2 ans d'études, 10 jours de tournage, 6 mois de post-production
Interview Laurence Castany, Le Louvre
Les équipes du Louvre et celles de la NHK n’ont rien improvisé : elles ont étudié pendant deux années le principe d’une collaboration née de l’émotion du président du musée Jean-Luc Martinez dans les studios japonais face à la qualité de restitution permise par cette technologie.
La NHK qui ne laisse rien au hasard est venue deux fois à Paris pour repérer les moindres détails du lieu. Une équipe de 25 personnes et trois camions de matériel ont pendant une dizaine de jours filmé jour et nuit hors de la présence des visiteurs complétés par quelques plans indispensables sur la ville de Paris.
L’équipe de production NHK Paris a coordonné ce lourd dispositif utilisant deux caméras 8K du Japonais Hitachi, couplées avec un enregistreur Panasonic, équipé de huit cartes P2 pour les scènes du musée et le making-of du tournage ainsi qu’une caméra 8K de Sony sur disque SSD, dédiée elle aux scènes extérieures.
Une grue de huit mètres a été utilisée pour filmer certaines scènes complexes comme l’imposant tableau de Jacques-Louis David, Le Sacre de Napoléon ainsi qu’une grue Magnum Duo Jib indispensable au reste de la captation 8K. Des techniciens français rompus à l’exercice ont été associés au dispositif. Ceux-ci pouvaient être rassurés car une grande partie du matériel était disponible en double, sécurité et sérieux de la NHK lorsqu’elle est loin de chez elle…
La post-production faite à Tokyo a duré 6 mois, utiles à l’étalonnage du film, qui au passage utilise la technologie HDR (High Dynamic Range), très visible sur certaines scènes à l’éclairage complexe. On est bien loin d’une production TV en direct dans ce type d’opération. La bande son 3D 22+2 commentée en japonais, mais aussi en français, provoque quelques réactions de surprise par le ton magnifiant imposé. Heureusement que l’excellente musique d’Akira Senju donne à ce son un relief sonore en totale adéquation avec l’image, un peu troublé parfois par les imposants ventilateurs refroidissant la plateforme de démonstration 8K installée sous la Pyramide du Louvre lors de cette démonstration.
Le film « La Beauté Eternelle »: détails invisibles à l'oeil nu
Ce film de 59 mn, dont il existe aussi une version courte de 10 mn, est à mi-chemin entre une véritable œuvre artistique et une approche scientifique au vu des détails captés par les caméras 8K de la NHK.
Le grand public sera, même si il connait parfaitement les œuvres filmées, surpris d’y découvrir des détails inconnus souvent microscopiques absolument impossibles à voir à l’œil humain qu'il nous a été donné de voir sur les dalles 8 K des énormes moniteurs professionnels de 85’ du japonais Sharp.
Attention il faudra cependant être assez près de l’écran pour voir ces détails, le pouvoir de résolution optique de notre rétine reste lui bien présent. Seule hélas la NHK saura utiliser ce film lors de ses actuelles diffusions expérimentales au Japon; n’essayez pas de le trouver sur Internet ou de scruter vos guides de programmes TV pour le moment.
Révolution de la TV observée de près. Fin de la TNT ?
En tout cas cette révolution annoncée de la télévision dans seulement 24 mois au Japon sera observée de près par toute une industrie d’équipements grand public, puisque Coréens, Chinois et autres fabricants de TV ont tous annoncé ou présenté leurs prototypes d’écrans ces derniers mois lors de salons professionnels.
Sachez qu’il vous faudra au moins 100 Mb/s en terme de débit pour recevoir (H265, HEVCV) un tel programme par internet, un chiffre qui devrai refroidir et rendre obsolètes nos actuelles connexions ADSL qui peinent à fournir quelques Mb/s aux foyers raccordés. Une voie royale pour le satellite, le câble et la fibre optique et pourquoi pas la 5G.
Mais la TNT risque elle aussi de souffrir de son incapacité à permettre quoi que ce soit en 8K dans la décennie à venir avec les limitations qu’on lui connait hélas dès aujourd’hui pour son passage à la 4K.