Chatbots, vidéo 360, live : l'info fait sa mue

Par Alexandra Yeh, France Télévisions, Direction de la Prospective

Comment informer à l’ère de Snapchat, du live et de la vidéo 360° ? C’est la question qui a réuni jeudi les éditeurs de contenus et services en ligne lors d'une table ronde* organisée par le GESTE dans les locaux de L'Express. Plusieurs journalistes éditoriaux sont venus présenter des nouveaux formats narratifs testés par leurs rédactions et partager leur retour d’expérience.

Du quotidien gratuit 20 Minutes aux "legacy media" Le Monde et France Télévisions en passant par le pure player BuzzFeed France et le magazine de mode et lifestyle Elle, ce sont des médias très différents qui étaient représentés. Enfin… différents certes dans leurs lignes éditoriales, leurs publics et leurs modèles économiques, mais unis par un même défi : se saisir des opportunités offertes par les progrès de la technologie et des plateformes sociales pour créer des formats innovants et transformer la manière de mettre en forme leurs contenus.

L’innovation oui, mais pas au détriment de la qualité des contenus

Toutes les expérimentations de nouveaux formats le prouvent : l’innovation doit avant tout servir le propos. Qu’il s’agisse de réaliser une vidéo 360, de créer un chatbot ou une story Snapchat, la nouveauté du format ne dispense pas de produire un contenu de qualité.

C’est ce qu’explique Anne Kerloc’h, rédactrice en chef adjointe en charge des réseaux sociaux et de la vidéo chez 20 Minutes, lorsqu’elle évoque les premières publications du quotidien en vidéo 360. Visite de la fan zone de l’Euro et de la patinoire du Grand Palais, immersion dans des manifestations : chez 20 Minutes, la vidéo 360 a toujours une raison d’être, qu’elle réside dans l’esthétisme du Grand Palais filmé à 360° ou dans la possibilité de faire vivre un événement sur le terrain, au plus près de l’action.

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Cette priorité donnée à la qualité des contenus se retrouve dans les propos de Jean-Guillaume Santi, responsable des contenus du Monde sur Snapchat Discover. Pour lui, l’un des défis majeurs a consisté à s’adresser aux (très) jeunes (71% des utilisateurs ont moins de 25 ans) en inventant une ligne éditoriale et un ton adaptés à Snapchat, tout en conservant « l’identité Le Monde » et l’image de marque d’un média sérieux. Pour cela, l’équipe dédiée aux contenus Snapchat a imaginé un design ludique et coloré et réécrit les articles pour les rendre plus pédagogiques et accessibles aux plus jeunes. Et ça marche : Le Monde a atteint 600.000 visiteurs uniques pour son édition spéciale sur l’élection de Donald Trump !

Innover pour instaurer une relation de proximité avec son public

L’émergence de nouveaux formats permet aussi aux médias de diversifier leur ligne éditoriale et de proposer des contenus moins institutionnels que les traditionnels articles. C’est notamment le cas pour Elle, dont la directrice marketing audience et réseaux sociaux, Lucia Lagarigue-Aumonier, est venue présenter les contenus proposés sur Instagram, Twitter ou encore Pinterest.

Elle s’est notamment lancé sur les stories Instagram pour proposer, parallèlement aux articles traditionnels, des mini vidéos sur les coulisses d’événements ou encore des pastilles pour accompagner les live Facebook du magazine. Des contenus qui plaisent particulièrement à son public, toujours friand de découvrir l’envers du décor et de nouer une relation plus intime avec son magazine.

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Chez 20 Minutes, la relation avec les lecteurs passe aussi par des opérations participatives comme le générateur de Une personnalisée. Pour fêter ses 2 millions de fans sur Facebook, le quotidien a demandé à un panel de lecteurs de proposer des idées de projets et a retenu ce générateur qui permettait à chacun de créer sa une personnalisée.

Les nouveaux formats permettent donc aux médias d’élargir leur ligne éditoriale et de proposer des contenus plus spontanés et plus participatifs. Mais à vouloir se montrer proche de ses lecteurs, le risque est d'en faire trop et tomber dans le fameux effet "Papi met une casquette à l'envers".

Eviter l’effet « Papi met une casquette à l’envers »

C’est la grande crainte des journalistes lorsqu’ils proposent un format nouveau : se ridiculiser auprès des jeunes à force de vouloir trop adopter leurs codes et leur langage. Pour Julien Pain, responsable de l’atelier des modules de franceinfo:,

« il faut miser sur l’humour pour éviter un excès de pédagogie qui donnerait aux jeunes l’impression de se retrouver à l’école. Mais pas n’importe comment : en s’adressant à des humoristes, des personnes dont c’est le métier ».  

C’est ainsi, en assurant un contrôle éditorial des contenus mais en laissant libre cours à l’imagination de jeunes humoristes, que la chaîne réussit à proposer de l’info à la fois sérieuse et décalée.

Même approche chez BuzzFeed, où Cécile Dehesdin, rédactrice en chef de l’édition française, explique vouloir « memifier l’info » (c’est-à-dire créer des memes) tout en proposant un contenu qualitatif. Pour proposer des contenus d’info de qualité adaptés aux codes des réseaux sociaux, les journalistes de BuzzFeed s’inspirent des bonnes pratiques partagées par les équipes dédiées aux contenus distribués du pure player, c’est-à-dire les contenus postés uniquement sur les réseaux sociaux. Une approche concluante, puisque BuzzFeed est devenu une référence en matière d’infotainment.

L’humour est aussi de mise pour le 20bot, le chatbot de 20 Minutes. Le quotidien ne s’est pas contenté de créer un robot capable de vous envoyer des articles d’actualité, il l’a doté d’une personnalité et d’un grand sens de l’humour qui permet de créer une certaine complicité avec ses interlocuteurs et de plaire aux Millennials.

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La course vers les nouveaux formats est donc bel et bien lancée et tous les médias s'y mettent.

Mais les écueils sont nombreux : vouloir à tout prix innover sans apporter de valeur ajoutée au contenu ou encore trop chercher à être proche des jeunes et renier son identité de média traditionnel, c'est risquer d'être contre-productif et de perdre son lectorat. Proposer des nouveaux formats c'est bien, mais ce n'est que la moitié du chemin : le plus important reste encore de les intégrer dans une offre éditoriale cohérente.

(*Full disclosure: table ronde animée par Eric Scherer)