Par Lorraine Poupon, France Télévisions, Direction de la Prospective
L’appel de David Pierce de juillet 2017 a été vastement relayé sur les réseaux sociaux : Désactivez vos notifications. Toutes vos notifications ! Mais si ces alertes qui envahissent l’écran de verrouillage de votre smartphone peuvent paraître bien intrusives, faut-il suivre cette recommandation de manière indifférenciée ?
Breaking news, notification d’un like ou d’un commentaire sur Facebook, promotion dans un magasin devant lequel vous venez de passer sont-elles à toutes ranger dans la même catégorie des indésirables ? Un rapport de Reuters cherche à déterminer la manière d’optimiser le recours aux notifications par les grands titres de presse pour s’adapter aux vraies envies et besoins des utilisateurs.
Ecran verrouillé : chasse gardée
L’enjeu est majeur : parmi les 10 apps les plus utilisées ne figure aucun média d’information selon ComScore. Et les notifications pourraient être un moyen de lutter contre ce monopole. Cela se traduit par le fait, qu’à ce jour et parmi les alertes, celles concernant les nouvelles n’arrivent qu’après les communications mobiles et celles liées aux réseaux sociaux. Si le nombre moyen de notifications reçues, quel que soit leur sujet, est de 10 par jour, seuls 33% des Américains en reçoivent liés aux news et ce chiffre tombe à 24% en Allemagne d'après Reuters.
Ce n’est pas le fruit du hasard. Il existe une véritable réticence du côté des utilisateurs. Réticence à recevoir un contenu inadapté. Réticence à leur format intrusif. Et de fait, 25% des propriétaires de smartphone interrogés ont déjà supprimé une app pour cette raison.
A l’inverse, pour 75% des utilisateurs d’apps d’information, la fonctionnalité notification fait partie de leur prérequis. Ce format d’alerte, par sa visibilité, participe à la fidélisation d’un lecteur à l’égard d’un titre. Il a été un levier puissant pour des leaders TV comme la BBC au Royaume Uni ou CNN et Fox News aux Etats-Unis pour exporter leur réputation pour les breaking news vers le portable.
Une ligne éditoriale pour les notifications ?
Mais alors, comment convaincre ? Au-delà des réglages par défaut acceptés à la va vite lors du téléchargement d’une application, il s’agit d’adapter le format, le contenu et la régularité des envois. En effet, parmi les propriétaires de smartphone ne recevant pas de notifications liées à l’actualité, si 38% ne sont pas intéressés, 31% le seraient avec une personnalisation des sujets concernés et 36% avec une flexibilité de la fréquence.
Le développement d’une offre « sur mesure » représente l’axe majeur d’amélioration recommandé par le rapport.
Et certaines expériences ont été concluantes. En lien avec l’attrait pour les local news, Otherworld à Manchester propose l’envoi de notifications géolocalisées en fonction des déplacements repérés par des balises réparties dans la ville. NZZ Companion anticipe même sur le risque de l’ultra-personnalisation avec le manque de diversité qui peut en ressortir. L’app combine ainsi deux critères pour la création d’une revue de presse personnalisée : à la fois les centres d’intérêt de l’utilisateur mais aussi la pure qualité éditoriale des contenus. A cela s’ajoute un feed commun à tous. Ces deux sources leur permettent de satisfaire leur désir de pouvoir découvrir un contenu qu’ils n’auraient pas trouvé par eux-mêmes. Une autre piste de développement consiste en la création de bots conversationnels en tant que relais d'informations personnalisés à l'instar de celui développé par FranceInfo sur Messenger et ceux d'autres médias d'information qui ont choisi d'expérimenter cette voie.
L’autre enjeu serait de développer des formats exploitant le potentiel de l’écran de verrouillage. The Guardian l’a fait lors des dernières élections générales britanniques avec des infographies, des données intégrées aux notifications mises à jour au fur et à mesure que les résultats tombaient et des contenus reliés interactifs.
Le potentiel de développement existe mais Reuters met en garde les éditeurs : mal utilisées, les notifications peuvent avoir l’effet inverse de celui escompté et détourner le lecteur. Le ton à adopter pour attirer sans tomber dans le titre clickbait est une question que doivent se poser les rédactions. Le New York Times le fait depuis 2 ans avec la création d’une équipe consacrée aux notifications. Elle a convaincu en interne de leur importance pour le succès d’un billet et cherche à développer un style plus relâché. Pour autant, aussi dans l'air du temps soit-il, le recours à des émojis est-il réellement adapté à l’annonce de toute nouvelle ?