Par Clara Schmelck, journaliste à Integrales, philosophe des médias et chroniqueuse radio, billet invité
Le « detox », « la traçabilité » et la qualité : trois tendance du marché alimentaire bio que l’on retrouve aussi dans l’information en ligne en cette rentrée 2017. Preuve que les internautes se demandent non seulement ce qu’il y a dans leurs assiettes, mais aussi dans leur smartphone.
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Les fake news sont aux médias ce que sont les pesticides aux fruits. Elles font gonfler les audiences, mais empoisonnent les contenus.
L’info sera t-elle bientôt à son tour labellisée, à l’instar d’un produit ou d’un ouvrage soumis à une norme ISO ? En juin 2017, l’ONG Reporters Sans frontières discutait avec plusieurs acteurs du secteur, dont des syndicats de journalistes, autour de l’éventuelle mise en place d’un label anti-fakenews. La création d’un label « journalisme » ou « presse » pourrait indiquer aux lecteurs qu’ils se trouvent en présence d’un site ou d’un média qui répond aux critères de qualité du journalisme : vérification de l’info, recoupements, correction, édition.
Suite à une demande et après avoir passé une procédure normalisée selon des critères transparents, une station de diffusion, un journal ou un portail Web serait classé et approuvé comme «TJ» ou rejeté. La note de travail de RSF esquisse trois critères :
- Responsabilisation: l’existence et l’exécution des mécanismes de plainte et de correction;
- Conformité: l’existence et l’application de normes professionnelles et éthiques;
- Transparence: disponibilité et validité des informations sur le modèle commercial, la propriété des bénéficiaires et le contrôle externe.
A son tour, Facebook, nid à fake news, vient de déclarer l’interdiction de publicité les pages renvoyant vers de fausses informations :
« Si des pages partagent de façon répétée des articles considérés comme des fausses infos, ces pages ne seront plus autorisées à faire de la publicité sur Facebook », spécifie un billet posté sur le blog de l'entreprise.
Traçabilité des données
La traçabilité est une autre préoccupation du secteur alimentaire. Dans la presse en ligne, la question se pose en sens inverse : quel est le trajet des données produites par les internautes et récoltées par les sites et applications notamment via les cookie de traçage ?
Les applis mobiles sont accusées de vendre à l’insu des internautes les données qu'elles récoltent de leur part. Une cinquantaine d'applications françaises, dont Le Figaro ou L’Équipe, fournissent à une entreprise tierce les données de localisation de 10 millions de Français, toutes les trois minutes, à des fins publicitaires, rapporte une enquête de Numérama. La startup Teemo développe un SDK (Software Development Kit) publicitaire pour des grandes applications populaires. Ce SDK est un logiciel dans le logiciel qui va, en se masquant derrière l’appli éditeur, accéder à vos données de localisation afin de les envoyer, toutes les 3 minutes, à Teemo, explique Numerama.
Certains médias anticipent une défiance croissance des internautes, et veulent leur garantir une gestion transparente de leurs données personnelles.
Dans un film diffusé le 29 août sur l’ensemble des chaines du groupe France Télévisions et bientôt visible sur france.tv, France Télévisions et Publicis Conseil communiquent sur la protection des données des utilisateurs de la nouvelle plateforme france.tv à travers la mise en scène de l’inscription à la plateforme de replay et de vidéos à la demande. Le court-métrage dépeint avec humour et ironie l’effet domino que provoquerait la fuite des données personnelles du héros du film.
Qualité des contenus
La qualité, le goût : autre axe de communication convergeant entre l’alimentation « alternative » et les médias en ligne, dont la TV délinéarisée. De la V.O, des émissions de qualité, expurgées d’infotainement. Lors de sa conférence de rentrée, la chaîne européenne ARTE a fait savoir qu’elle cultivait des programmes de qualité. Au menu de 2017-2018, : beaucoup de documentaires et du cinéma d’auteur (avec des cycles Clouzot, Spielberg et Melville). Bruno Patino, le directeur des programmes, a promis de proposer une «télévision ni assourdissante ni stroboscopique» qui «échappe aux standards et aux formatages» et produit parfois «quelques ovnis que nous revendiquons». Exactement comme l’agriculture biologique promet de se différencier des productions de masse avec des produits frais.
Toutes ces recettes de communication mises en place par les médias et les GAFA permettront-elles de gagner la confiance des citoyens ? En attendant, la tendance au « bio » dans l’info en ligne traite la presse tel un produit de grande consommation comme les autres, et sans doute même comme celui qui comprend le plus de malfaçons…