[Etude] La fin des fake news… Mais pas celle que vous croyez !

Par Lorraine Poupon, France Télévisions, MédiaLab

Tout ou presque semble avoir été dit sur les « fake news » et leur viralité. Mais elles perdurent et même prospèrent. Ce rapport de First Draft commandé par le Conseil de l’Europe revient aux racines du problème : le concept-même de fake news: trop vague, peu rigoureux et galvaudé, il désigne en vérité des réalités variées qui appellent des réponses adaptées.

Car comment mettre au même niveau un titre d’article parodique du Gorafi et une vaste entreprise de manipulation de millions d’électeurs ? L’expression fake news ne possède pas de définition unique et précise.  Les hommes politiques qui en abusent pour servir leur discours poussent le vice jusqu’à l’utiliser pour dénoncer des médias fiables et reconnus lorsque la réalité ne les arrange par ou leur déplaît.

L’autre mort des fake news

C’est pour cette raison que les auteurs du rapport la rejettent, purement et simplement. Ils appellent plutôt à une typologie rigoureuse des différents types de « dysfonctionnements » de l’information afin de leur apporter une réponse adaptée, et lutter efficacement et de manière ciblée. La seule question du format n’est pas anodine. Si la « désintox » prend le plus souvent la forme d’articles, ce sont les images ou vidéos retouchées qui sont les plus partagées. Cela rend plus difficile leur repérage, car il ne peut être automatisé, et donc leur désamorçage.

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Il faut également différencier les acteurs à l’origine du dysfonctionnement, leur message et ceux qui le reçoivent et donc l’interprètent. Selon que l’individu aura des intérêts politiques ou économiques à défendre, il ne faudra pas lui répondre de la même manière.

 

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Enfin, il faut bien distinguer les différentes étapes dans la chronologie de la diffusion de cette soi-disant information. S’il y a trois phases dans un premier temps, l’avènement des réseaux sociaux en a créé une quatrième : celle de la reproduction. Et c’est cette étape finale qui est cruciale car permettant la viralité d’un contenu.

04 les trois phases of information disorder

 

La communication rituelle

C’est l’autre conclusion majeure de ce rapport. Appliqué aux réseaux sociaux, il ne convient plus de réduire le partage de contenus à une action neutre. C’est un vrai acte social car public et exposé à son cercle de connaissances. C’est ce qui différencie la communication dite rituelle de la communication de simple transmission (d’après les travaux de James Carey).

Et les producteurs ou fabricants de désinformations en sont tout à fait conscients. Les individus ont une propension à fréquenter sur les réseaux sociaux des personnes partageant des opinions similaires aux leurs.

Cela est amplifié par les algorithmes qui mettront en avant des contenus que vos contacts auront aimés ou commentés et qui seront donc susceptibles de vous intéresser. A cela s’ajoute la tendance à accorder une plus grande confiance aux « informations » partagées par une connaissance que par une organisation reconnue comme fiable et sérieuse.

A terme, cela crée un véritable effet de caisse de résonance, de chambre d'écho, où l’utilisateur n’est, dans un cas extrême, confronté plus qu’à des contenus qui le confortent dans ses opinions.

Le rapport se clôture sur pas moins de 35 recommandations adaptées aux différents formats et acteurs impliqués, entreprises de la tech, gouvernements, médias ou membres de la société civile. Retenons qu’il s’agit essentiellement d’un appel à une plus grande transparence du côté des GAFA, à une collaboration plus transversale dans ce combat (aussi bien entre acteurs du secteur privé qu’avec le secteur public) et également à mieux former et éduquer les populations.

Il s’ouvre également sur un défi, et pas des moindres : celui des applications de messagerie, véritables viviers de désinformation. L’enjeu est , en apparence, simple à saisir puisqu’il est impossible de connaître les contenus partagés. Insolvable ?