Cette position hégémonique, les GAFA – et leurs homologues chinois, coréens, russes – n’y sont pas parvenus par hasard. Ils ont bâti leur empire sur une stratégie simple : proposer des services utiles et addictifs, devenir indispensables, donc incontournables dans nos vies quotidiennes. Et surtout, ils savent qu’il ne suffit pas de collecter la donnée pour être puissant : il faut aussi maîtriser la seule technologie capable de la traiter, l’intelligence artificielle. Investissant depuis des années dans la recherche fondamentale, ils ont réussi à se positionner comme leaders d’une techno qui attire toutes les convoitises.
Alors que les revenus de la pub digitale ont dépassé ceux de la télévision, le duopole Google/Facebook capte déjà l’immense majorité du gâteau publicitaire, et ni le scandale de l’adpocalypse sur YouTube, ni les aveux « d’erreur » de Facebook sur les mesures d’audience communiquées aux annonceurs ou d’élections biaisées, ne semblent entraver leur ascension.
Pourtant, des voix commencent à s’élever pour dénoncer le danger de laisser ces quelques géants devenir aussi (voire plus ?) puissants que des Etats. Les uns dénoncent l’impuissance des plateformes à endiguer les fausses nouvelles qui circulent sur leurs réseaux, les autres s’alarment du danger que représente l’enfermement dans des chambres d’écho. D’autres aussi rappellent ce que certains ont parfois tendance à oublier devant les beaux discours humanistes des CEO de la Silicon Valley : les plateformes ne sont pas des ONG, mais bel et bien des entreprises poursuivant avant tout le profit et qui ont accumulé des montagnes de cash.
Bref, les consciences s’éveillent. Dans ce contexte, notre devoir sera, avant tout, d’admettre le changement, pour tenter d’ouvrir un peu les boîtes noires, de reprendre du contrôle sur nos données et de prendre nos responsabilités.
Dans cette nouvelle édition de notre Cahier semestriel de Tendances sur l’évolution des médias et du journalisme, nous avons donc tenté de dresser le portrait d’un monde dominé par les GAFA, sans catastrophisme, ni idéalisme.
Nous avons aussi la chance d’y accueillir sur le sujet les contributions d’experts comme Sébastien Soriano, le président de l’ARCEP, Nicolas Becquet, journaliste à L'Echo en Belgique, Benjamin Théreaux, réalisateur de social live streaming, Nathalie Pignard-Cheynel, professeure en journalisme numérique à l'Université de Neuchâtel, Nohza Boujemaa, directrice de recherche à l'INRIA, Clara Schmelck, journaliste et philosophe des médias.
Pour cette 14ème édition, notre gratitude va aussi à Barbara Chazelle (responsable d'édition), Alexandra Yeh, Hervé Brusini, Kati Bremme, Lorraine Poupon, Gautier Roos, pour leurs articles pertinents sur tous ces sujets. Et comme toujours à l'ami Jean-Christophe Defline, pour son énorme talent d'illustrateur de la couverture et sa fidélité.
Comme chaque fois, vous retrouverez aussi décrites en détail la mutation accélérée des médias internationaux et l'évolution des principaux usages médias, de même que notre sélection d’ouvrages recommandés pour les fêtes.
Très bonne lecture et excellente fin d'année à toutes et tous.
Comme celle-ci, les précédentes éditions semestrielles sont toutes disponibles gratuitement en pdf dans la colonne de droite de ce blog.