Des robots-journalistes déjà bien meilleurs que les vrais !

Et en plus, des journalistes aiment travailler avec eux ! C’est ce qu’ont affirmé des professionnels de médias scandinaves qui publient des articles produits automatiquement par des machines.

« Ce sont même nos employés les plus efficaces ! », a assuré Robin Govik, directeur du numérique de MittMedia devant une salle comble et médusée lors du festival South by SouthWest au Texas. Car, en gros, ils sont plus productifs, plus fiables et plus lus.

Défendant l’automatisation de la rédaction pour la libérer des tâches ingrates et mieux servir son audience, ce groupe de presse suédois (30 journaux) assure qu’après les avoir testés, les journalistes sont désormais ravis de travailler avec des robots. « Car avant, c’étaient eux les robots ! »

« Avec la chute de 25% des effectifs dans les rédactions suédoises ces dernières années, les machines produisent les contenus que les journalistes ont arrêté de fournir mais que les gens réclament. »

Les robots-journalistes de MittMedia donnent la météo, rendent compte de centaines de rencontres sportives le week-end, affichent les résultats boursiers, des descriptions de produits et surtout fournissent les dernières informations des marchés immobiliers locaux (localisations, acheteurs, vendeurs, prix).

La rédaction s’appuie aussi de plus en plus sur des données pour ses choix et sur des logiciels pour renforcer le contenu des articles.

Cette automatisation éditoriale a donc déjà deux composantes:

1/ La publication automatique par les machines, directement sur les sites web et les applis, de certaines infos (autour de 3 000 par mois) sans intervention humaine. Cela concerne notamment jusqu’à 500 comptes rendus de matchs de foot locaux chaque fin de semaine, mais aussi de hockey sur glace, de handball et d’autres sports nordiques. Et bientôt de sports plus confidentiels comme le badminton, le tennis de table, le volleyball, les courses de motos.

2/ L’envoi de messages courts à la rédaction qui choisit, ou pas, de les intégrer dans sa production. Exemples : infos du trafic routier, des transports publics, alertes météo… via des API venant de services officiels et de confiance. « Elles sont plus fiables que celles des journalistes ! »

Les infos du bot immobilier (plus de 10 000 articles), qui s’appuie sur Google Street View pour les photos des logements, sont même celles qui sont le plus lues, y compris derrière un paywall.

« Les robots font des choses en quelques nanosecondes là où il faudrait parfois des années à un journaliste. »

Tous les articles produits par des machines sont clairement identifiés comme tels.

La qualité et la quantité des articles s'en trouvent améliorées, assure Govik.

Des journalistes heureux de travailler avec des robots

« Jusqu’ici nous pensions que les journalistes, traditionnellement conservateurs, détestaient les robots et les jugeaient non fiables. En fait, ce n’est pas vrai », a commenté sur l’estrade la journaliste finlandaise Hanna Tuulonen, chercheuse à l’université d’Helsinki sur l’automatisation de l’information. « En deux semaines, leurs a priori sont tombés. »

Ce n’est donc pas : les journalistes contre les robots, mais : les journalistes avec les robots !

« Certains les considèrent même comme des collègues et leur donnent des images et des prénoms », raconte Govik. « Les avantages l’ont largement emporté sur les craintes qu’ils pouvaient avoir. »

Et les lecteurs n’y voient que du feu !

 Une étude menée auprès de l’audience a indiqué, selon Govik, que la plupart des lecteurs (plus des deux tiers) ne remarquaient pas que les auteurs étaient des robots. Même si c’était écrit noir sur blanc !

Quelques critiques toutefois : les articles sont moins bien écrits.

Tout de même !

Un premier bilan :

 De nouvelles pistes tirées de cette expérience, selon MittMedia :

1- Vers plus de personnalisation :

La plus grande personnalisation des contenus d’infos souhaitée par les lecteurs va accroître mécaniquement le recours aux robots.

Et si de mauvais robots ne remplaceront jamais la sérendipité – l’heureux hasard des rencontres avec des contenus inattendus, proposés par une rédaction –, les journalistes ne devront jamais oublier de rester pertinents pour répondre aux besoins de la société.

2- Recours aux journalistes-citoyens en complément des robots-journalistes

Non seulement le groupe de presse suédois utilise des robots pour écrire les articles, mais il demande aussi au public de participer. Le journaliste éditant le tout. C’est le cas notamment pour certaines rencontres sportives où une citation et une photo sont demandées (et obtenues) auprès des coaches des équipes pour améliorer le papier.

3- Vers des narrations plus dynamiques

Il est temps, juge MittMedia, d’enrichir la forme des articles qui est restée inchangée depuis des siècles pour offrir au public des contenus plus en phase avec ses nouveaux usages. Le recours aux données et métadonnées sera renforcé pour composer les nouveaux formats d’infos.

Des extraits de conversations de bots pourront ainsi être ajoutés à des articles écrits par des journalistes.

4 – Un nouveau rôle pour les journalistes ?

Que se passe-t-il quand certaines des missions des journalistes sont remplies par des robots qui répondent aux besoins précis du public ? Peut-être est-ce l’occasion, se demandent nos amis scandinaves, pour que la rédaction s’interroge sur son rôle dans notre nouvelle société.

5 – Ethique et écriture indemnes 

Au moins, pour l’instant, le style, la plume, la morale, l’éthique, la déontologie, restent bien du ressort des journalistes.

Conclusion

Le journaliste va continuer à accomplir les tâches à forte valeur ajoutée – écriture, style, poser les questions qui font mal –, à analyser les données, et à choisir les angles, assure Govik.

 « Le futur du journalisme sera fait de journalistes créatifs, concentrés sur leur style et leur valeur ajoutée, et travaillant avec des robots efficaces. »

Mais, ajoute-t-il,  « si un journaliste pense qu’il peut être remplacé par un robot, c’est qu’il peut l’être ! »