Oui, et si la solution à la désinformation passait par un vaccin provoquant des anticorps dans l’esprit des gens, comme un déclencheur qui leur dirait : « Attention, vous avez déjà vu ce type de mécanisme à l’œuvre, méfiez-vous ! »
Comment ?
En les incitant à créer eux-mêmes des fake news afin qu’ils soient immunisés.
Pour créer ces anticorps, il faudra donc s’inoculer une petite dose du virus, a expliqué vendredi à Lille le Néerlandais Ruurd Oosterwoud, fondateur de DROG, qui produit des fake news à la pelle, ou plutôt apprend aux autres comment en fabriquer, à comprendre les techniques de viralité et leur impact.
« La plupart du temps, les initiatives contre la désinformation ne marchent pas. Le bon journalisme ne suffit pas, le blocage équivaut à de la censure, et la démystification demande beaucoup de travail. Or je peux créer des fake news beaucoup plus vite qu’on ne les élimine », a-t-il expliqué lors du Grand Barouf numérique. « Il faut donc que les gens apprennent à vivre avec ! »
Pour cela, DROG leur apprend successivement des techniques bien précises. Et Oosterwoud a été à bonne école : il a fait sa thèse de doctorat sur la désinformation russe !
- D’abord se faire passer pour une personnalité
- Ecrire du contenu bien chargé émotionnellement
- Le pimenter pour bien diviser et polariser des communautés
- Assaisonner de théories complotistes
- Attendre l’arrivée d’un fact checker
- Apprendre à se défendre contre lui, soit en niant, soit en l’attaquant
"Après ça, les gens comprennent bien mieux ! "
Il travaille avec l'université de Cambridge sur ce modèle, mais aussi le parlement britannique et l'armée néerlandaise.
Mais surtout, il forme de nombreux jeunes dans les classes en leur apprenant à fabriquer ces infos bidons le plus simplement possible : « On leur donne un site web, puis on leur demande un titre, de trouver une photo un peu sensationnelle et trois phrases. Nous les aidons à rendre l'article crédible, à poster quelques commentaires plausibles anonymes au-dessous, à truquer les chiffres des partages sur les réseaux sociaux. Reste pour eux à partager l’info dans leurs cercles d'amis, à attendre, puis à entamer des discussions. Peu après un pop-up s'installe automatiquement pour signaler qu'il s'agit d'une fake news. Et elle disparaît automatiquement sous 24 heures. »
Assez convaincant, non ?