Cet article est tiré d’un billet originellement publié sur media-innovation.news. Il est présenté dans le cadre d’un partenariat éditorial entre WAN-IFRA et Méta-Media. © [2018] Tous droits réservés.
Au sein du technopole de Lindholmen, des organisations médiatiques, des universitaires et des institutions publiques cherchent à innover en menant des recherches expérimentales.
Le programme de recherche et d’innovation Media and Democracy a été lancé au cours de l’été 2017 pour faciliter la collaboration entre des universités et des entreprises médiatiques en Suède sur des projets expérimentaux. Ses missions principales sont de créer une dynamique de recherche innovante et de financer des projets qui feront émerger de nouvelles connaissances et de nouveaux outils, bénéfiques au journalisme et au dialogue citoyen.
Martin Holmberg, responsable du programme, et son collègue Jonathan Falck ont réuni différents acteurs au cours d’un séminaire pour échanger sur la manière dont l’innovation influence les médias et la démocratie. Leur action s’inscrit dans une logique d’open innovation : la participation citoyenne est ainsi accueillie à bras ouverts.
Alors que les entreprises médiatiques ne collaborent pas les unes avec les autres autant qu’elles le pourraient ou le devraient, les universitaires, eux, cherchent de plus en plus à accéder à ces entreprises afin de donner un volet pratique à leurs recherches. D’après Martin Holmberg, le technopole de Lindholmen constitue un espace neutre au sein duquel il peuvent se rencontrer physiquement et intellectuellement pour développer ensemble des idées innovantes.
« Lindholmen est une organisation à but non lucratif, pas un concurrent. Notre mission est de rendre service à la société et de contribuer à la réussite de ses acteurs et de l’ensemble des membres de notre réseau. »
Renforcer la démocratie locale
Le journal suédois Borås Tidning, RISE Interactive et l’université de Södertörn ont pris part à l’un des premiers projets du Lab. Dans la perspective de renforcer le journalisme local, ils ont conduit une expérience à partir de sujets et de formats qui intéressent les jeunes audiences :
« Ils ont choisi quatre personnes de 25 à 35 ans qui travaillent pour le journal ; certains sont journalistes, d’autres non. Ils n’ont pas de compte à rendre aux rédacteurs en chef comme c’est le cas des autres journalistes, afin que l’on puisse comparer les différences. C’est typiquement de cette façon que nous souhaitons travailler, par expérimentation. »
C’est avec ce type de projet que Lindholmen entend développer le local dans le paysage des nouveaux médias. Dix ans plus tôt, les discussions avaient encore lieu sur des plateformes locales ; elles se tiennent désormais majoritairement sur les réseaux sociaux. Cela pose de sérieuses questions pour les médias et la démocratie, explique Martin Holmberg :
« Comment peut-on s’assurer qu’à l’avenir il sera possible d’alimenter des débats publics à l’échelle locale et que les gens partageront suffisamment d’informations importantes pour éventuellement avoir entre eux des discussions démocratiques ? Sur les réseaux sociaux, on ne partage pas les mêmes informations, dès lors, développer une communauté locale devient un défi. »
Les nouveaux usages médiatiques
Une société évolue, et avec elle la façon dont les gens interagissent avec les médias :
« Je constate par exemple que ma femme et moi-même ne vivons pas du tout de la même façon que mes parents. Je vis dans une petite ville au nord de Göteborg, on se déplace en train donc on ne peut pas prendre le temps de faire les mêmes choses que mes parents à l’époque. Mes parents travaillaient à 10 minutes à vélo de notre maison. Ils passaient prendre le journal le matin et le soir. Je me souviens que de temps à autre mon père repassait déjeuner à la maison et repartait en vélo. Je ne connais personne de mon âge qui fait la même chose. »
Le but de chacun des projets est de mieux comprendre comment les gens agissent, ce qui est important pour eux, et quels types de technologies peuvent être développés pour les accompagner. Mais ce n’est pas la technologie qui est au centre, ce sont les besoins des gens.
Une résolution des problèmes en « bottom-up »
De la même manière, Media and Democracy décide des sujets qui sont abordés en interrogeant les membres du réseau qui partagent les principaux défis auxquels ils doivent eux-mêmes faire face. Quatre fois par an, ils invitent autour de la table des personnes aux compétences et aux expériences diverses, y compris des chercheurs, des entreprises média et des citoyens :
« Nous discutons des défis qu’ils entrevoient, des projets qui leur semblent adaptés pour acquérir plus de connaissances sur ces défis, des expérimentations que l’on pourrait mener, des gens à qui nous devrions parler, et nous leur demandons si eux-mêmes souhaiteraient participer à un tel projet. »
C’est incroyable à quel point différents acteurs partagent en définitive des problèmes similaires, explique Martin Holmberg. Le rôle de Media and Democracy est de collecter ces considérations et d’en faire des projets concrets :
« Après cette table ronde, ils retournent à leur quotidien, mais nous avons le temps et l’opportunité de réfléchir à la façon dont nous pouvons mettre tout ça en place, quels partenaires nous pourrions inviter, où nous pourrions trouver des financements. Nous travaillons beaucoup dans l’ombre pour mettre ces projets sur pied et les faire tourner. »
La plupart du financement provient de la région Västra Götaland, mais l’initiative est aussi soutenue par des médias privés, des télévisions publiques et des acteurs clés du monde universitaire suédois.
Un écosystème innovant
Le technopole de Lindholmen a fait son apparition récemment dans le vieux port de Göteborg. Quand les chantiers navals ont fermé leurs portes dans les années 1970, le technopole les a remplacés et a commencé à attirer des entreprises du secteur de l’IT, de l’automobile et des médias. Les technopoles suédois sont généralement portés sur le business, mais celui de Lindholmen est assimilé à la technologie et à la créativité. Il a pour but de réunir différentes perspectives et talents pour trouver de nouvelles solutions :
« L’incubateur de jeux vidéo lance des produits qui sont téléchargés et génèrent du business. La moitié des films suédois sont d’une manière ou d’une autre liés au technopole de Lindholmen. Et de nombreuses entreprises et collectivités ont recours à nos technologies de visualisation et profitent de notre écosystème, y compris pour renforcer la démocratie. Nous pouvons combiner des expertises et des technologies dont nous disposons pour innover dans les médias. »
En dépit de la jeunesse du programme, Martin Holmberg espère que son succès sera similaire à celui des labs plus « matures » du technopole de Lindholmen.
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