Par Morad Koufane, France Télévisions, Responsable du planning stratégique
Alors qu’elle avait presque disparu de nos lucarnes, la science-fiction est de retour, pour le plus grand bonheur des téléspectateurs. Le genre a pourtant toujours disposé d’un public acquis à sa cause. Alors pourquoi maintenant ? Productions internationales, baisse des coûts, moyen de se différencier… Analyse des facteurs qui portent cette renaissance.
1Une renaissance portée par les plateformes de SVOD, notamment Netflix
Début 2018, Ampere Analysis a annoncé que la science-fiction et le fantastique étaient désormais les genres préférés des abonnés Netflix. Ils devancent ainsi de justesse la comédie qui occupait la première place au 1er trimestre 2017. Un an plus tard, la science-fiction recueille 12% des voix contre 11% pour la comédie. Cette évolution des goûts et préférences de ces utilisateurs, Netflix semble l’avoir anticipé car, toujours selon Ampere, le service de SVOD consacrera 29% de son line-up à venir à ces deux genres, aussi bien pour les films que pour les séries.
Et pour cause, l’engouement est mondial. La série Dark, par exemple, a été vue à 90% par des téléspectateurs en dehors de l’Allemagne. Les projets sci-fi et fantastique se multiplient donc à travers le monde pour Netflix, à l’instar d’une deuxième production coréenne, Kingdom, une série de zombies se déroulant au Moyen-Âge, ou la prochaine production française, Osmosis, une série d’anticipation dans laquelle un site de rencontres sonde les cerveaux des célibataires pour trouver leur âme sœur. Entre temps, Nightflyers, une série adaptée d’une novella du créateur de Game of Thrones, George R.R. Martin, sera diffusée cette année ; les abonnés du service pourront suivre huit scientifiques et un télépathe partir au contact d’extra-terrestres.
2Une base de fans acquis à la cause
Les fans du genre sont prêts à tester toutes les productions pour trouver leur miel, du post-apocalyptique à la dystopie, des adaptations des grands classiques du genre au reboot des séries cultes, du film aux séries, du Made in America aux productions mondialisées.
Cette forte demande et l’ouverture du public favorise la prise de risque et les investissements.
3Un fort potentiel à l’international
L’un des avantages comparatifs les plus efficaces du genre est probablement sa capacité à traverser les frontières sans problème et à captiver un public mondialisé acquis au genre. Quelques semaines après son début de diffusion cette année, la série américaine de Starz, Counterpart, a été vendue dans 40 territoires. Delphine Ernotte Cunci, Présidente de France Télévisions le rappelait très récemment à l’occasion de la création de L’Alliance dans Le Monde :
« Je suis convaincue que l’empreinte viable pour produire, promouvoir et exposer des séries de niveau international, c’est l’Europe » (…) Deux domaines sont adaptés à la fiction « européenne » : « Les histoires très locales avec une portée universelle et la science-fiction, par définition plus apatride que les drames traditionnels. »
4Une offre singulière pour se différencier dans le trop-plein de la Peak TV
L’offre visuellement cinématique et ambitieuse (comprendre chère à produire) permet aux diffuseurs linéaires ou non-linéaires de sortir du lot et d’imprimer une identité forte et sexy auprès du (jeune) public.
La liste des projets de grande envergure, menés par des talents triple A, montre plus que jamais la forte attractivité du genre : du reboot d’Amazing Stories par Spielberg à la mise sur orbite de la trilogie Fondation d’Asimov pour Apple ; du « remix » des Watchmen par Damon Lindelof (Lost, The Leftovers) à la prochaine production de J.J. Abrams (Demimonde) pour HBO ; un retour aux sources victoriennes pour La guerre des mondes à la BBC ; Beau Willimon (créateur de House of Cards) et Sean Penn embarquent sur Mars pour Hulu sur le projet The First ; sans oublier les 5 saisons attendues sur Amazon Prime Video de la nouvelle adaptation du Seigneur des anneaux à $1 milliard (CF. liste non exhaustive ci-dessous).
5Un coût à la baisse
Enfin, le raccourcissement des temps de production et de post-production nécessaires à la réalisation des formats de science-fiction profite à l’industrie. Couplé à la baisse des coûts en matière d’effets spéciaux, cela fait de la science-fiction un genre de plus en plus compétitif sur le marché.