Les jeunes enfants face aux écrans : les moins de 8 ans quasiment autant connectés que leurs parents !

Par Mickaël Mavoungou-Nombo, France Télévisions, MediaLab

Le Sénat français vient d'adopter en première lecture un texte pour lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans, voté à l’unanimité par sa commission de la culture. Cette surexposition des plus jeunes aux écrans est due en partie aux parents, les millennials nés entre 1980 et 2000, qui, grandis avec Internet, sont hyper connectés. Et leurs (mauvaises) habitudes façonnent celles de leur progéniture, selon l'étude de la société faireparterie*, réalisée en juin avec l’institut de sondage GECE.

Pour le bon développement de l’enfant, il est préférable de ne pas l’exposer aux écrans avant l’âge de trois ans. Elsa Job-Pigeard, orthophoniste et co-fondatrice de l'association « Joue Pense Parle » explique : « Avant 3 ans, pas d'écran : le jeune enfant a besoin de tout son temps et de toute son attention pour découvrir et comprendre le monde avec ses 5 sens et un adulte disponible à ses côtés. Après 3 ans, le parent est le garant de la variété du jeu, des échanges, des sollicitations qui nourrissent la pensée et l'imaginaire. […] Entre 3 et 10 ans, le temps d'exposition aux écrans ne devrait pas dépasser 10 à 20 % du temps libre de l'enfant. »

Mais ce conseil est loin d'être appliqué : la moitié des enfants de moins d’un an et demi regarderait ainsi la télévision et la majorité des enfants de plus de 3 ans utiliseraient un écran interactif.

Les parents prennent des mesures concernant l'utilisation des écrans, mais trop peu

Les parents ont deux types de comportements pour protéger leurs enfants : l’encadrement de l’accès aux écrans et celui de l’accès à Internet.

En général, les parents sont conscients de la nécessité de mettre en place des mesures pour protéger leurs enfants et leur apprendre un usage plus sûr du numérique. Près de 25 % des parents éloignent leurs enfants des écrans. Leur motivation principale est fondée avant tout sur la peur qu'une surexposition entraîne ultérieurement des déficits d’attention et de langage chez leur enfant. 40 % des parents déclarent montrer l'exemple en évitant de rester scotchés à leur smartphone. Mais une majorité d'entre eux utilisent leur mobile fréquemment en présence de leur enfant.

Serge Tisseron, psychiatre, membre de l’Académie des technologies et Président fondateur de l'Association « 3-6-9-12 » donne les mesures fondamentales à prendre pour réguler l’activité des enfants avec les écrans : « Nos enfants ont le désir d'imiter nos comportements avec les objets numériques avant même de les posséder. Cela veut dire qu’il faut être très vigilant. Dès qu’on a un bébé, il est très important de ne pas utiliser son téléphone mobile pendant qu'on est avec lui. Et quand il grandit, Il faut établir des règles familiales, notamment pas de téléphone pendant les repas, et jamais dans la chambre la nuit

Outre des risques portant sur le développement de la psychomotricité de l’enfant, avec des retards d’acquisition du langage et des difficultés à communiquer, des craintes existent sur les effets physiologiques de certaines technologies sur les plus jeunes, qu’il s’agisse de la 3D (possible conflit d’accommodation-vergence) ou de la lumière bleue (cristallin pas totalement formé).

     L’utilisation excessive des écrans chez les enfants de moins de 8 ans

92% des parents utilisent internet quotidiennement et les moins de 8 ans sont quasiment autant connectés que leurs parents. Mais avec plus de restrictions !

89 % des enfants de moins de 8 ans sont régulièrement exposés aux écrans. 89 % utilisent un écran tactile et un tiers utilise un smartphone.

À partir de 3 ans, la majorité des enfants utilisent un écran interactif. 28 % des moins de 8 ans préfèrent les écrans interactifs aux jouets traditionnels. A 6-7 ans, une large majorité des enfants y sont familiers. Cette utilisation se fait le plus souvent sur une tablette classique (32 %) ou sur un smartphone (29 %). Les tablettes pour enfants sont quant à elles utilisées minoritairement (16 %).

 

Certains parents incitent également leurs enfants à utiliser des écrans, afin qu’ils ne prennent pas de "retard" sur les autres dans l’apprentissage du numérique. Cela concerne 12 % des enfants ! 

Chaque jour selon l’UNICEF, plus de 175 000 enfants se connectent à Internet pour la première fois de leur vie. Cela représente un enfant toutes les demi-seconde. Les parents ont un rôle important à jouer dans ce nouveau type d’apprentissage, dans un monde de plus en plus digitalisé, en questionnant également leur propre comportement face aux écrans.

Bientôt une loi ?

Les pouvoirs politiques n’ignorent pas la situation et pour corriger le tir, une proposition de loi (« Lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans ») est désormais examinée au Parlement, après adoption en première lecture au Sénat. La loi contient trois dispositions :

  • Imposer sur les produits dotés d’un écran la présence d’un « message à caractère sanitaire avertissant des dangers liés à leur utilisation par des enfants de moins de trois ans pour leur développement psychomoteur ».
  • Ajouter un bandeau d’avertissement à chaque fois qu’une publicité est consacrée aux équipements en cause (smartphone, téléviseur, etc.).
  • Organiser chaque année une campagne nationale de sensibilisation sur ce sujet, en lien avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.

« La surexposition aux écrans constitue une réalité. Or, si elle est contre-indiquée pour tous les enfants, elle est particulièrement néfaste pour les enfants de moins de trois ans car elle peut nuire gravement à leur développement », estime Catherine Morin-Desailly, la sénatrice derrière le texte. Elle espère que cela fera « prendre conscience aux parents des enjeux liés à une exposition précoce aux écrans de leurs enfants ».

 

*Cette étude a été menée en France. Le questionnaire a été diffusé sur Internet du 7 au 18 juin 2018. 1 011 jeunes parents dont les enfants sont âgés entre 0 et 7 ans ont été interrogés. Certaines questions sont à choix multiples, ce qui explique que certaines réponses dépassent les 100 % une fois additionnées.

Crédit photo de Une : Alexander Dummer via Unsplash