Par Mickaël Mavoungou-Nombo, MediaLab, France Télévisions.
Eléonore Costes, Marion Séclin et Justine Le Pottier sont des visages très connus du « Youtube Game ». Présentes sur la plateforme depuis près d’une décennie, leurs carrières ne décollaient pas avant qu'elles ne sautent le pas du web.
« Qu’on me dise que je suis Youtubeuse, influenceuse ca m’énerve ! Je suis créatrice, actrice mais youtubeuse ou influenceuse ça ne veut rien dire. Dire qu’on est Youtubeuse, c’est très réducteur et insupportable » explique Marion Séclin.
Loin des clichés, les trois jeunes femmes ont témoigné de leur parcours professionnels lors de la soirée #EllesFontYoutube* à la Maison des Auteurs à Paris il y a quelques jours.
La découverte : les collectifs comme tremplin
Sur Youtube, les 3 actrices sont issues de collectifs comme Golden Moustache (le média d’humour et marque leader de Golden Network), Studio Bagel ou madmoiZelle. Après quelques années de galère à la sortie de leurs écoles d’acteur et de théâtre, elles ont saisi l’opportunité de créer et d'exercer leur passion en ligne.
« On a une formation d’actrice mais le téléphone ne sonnait pas. Quand j’ai découvert Youtube, j’ai travaillé à fond, c’est en créant l’action qu’on engraine l’action. J’avais envie de faire un maximum de choses, puis j’ai décidé ensuite d’être auteure et j’ai créé une série qui s’appelle « Les Topos de Lolo » disponible sur ma chaîne Youtube », raconte Eléonore Costes.
Justine Le Pottier, présente dans de nombreuses séries de Studio-4 de France Télévisions, et une des actrices phares de la web-série "Les Emmerdeurs" a lancé sa carrière sur Daylimotion, la plateforme vidéo concurrente de Youtube :
« Je sortais de mon école de théâtre avec Florent Dorin qui interprète le visiteur du futur dans la web-série de science-fiction du même nom créée, écrite et réalisée par François Descraques et lancée sur Daylimotion. Il m’a fait intégrer la série à ses débuts en 2009 ».
« Aujourd’hui, il y a des producteurs sur Youtube et ça change tout ! Maintenant, il y a de l’argent » explique Eléonore Costes.
Surfant sur la vague d'une renommée naissante , Eléonore Costes et Marion Séclin ont lancé leurs chaînes. En tant qu’auteure, c’est alors posé la question de la monétisation de leurs vidéos…
Professionnalisation et monétisation
En tant qu’auteures, elles gagnent de l’argent grâce aux droits d’auteur que leur verse la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD). Toutes les deux ont été co-auteurs et comédiennes de ZéroStérone, série aussi produite pour Studio-4.
« Ce qui a changé c’est qu’on a plus le temps d’attendre. Aujourd’hui, on vit des vidéos que l’on créer sur Youtube, c’est notre métier, nous sommes actrices » précise Marion Séclin.
En revanche, elles ne travaillent pas avec des producteurs sur leur chaîne propre et n’ont donc pas de structure pour payer les gens qui travaillent pour elles.
« J’ai honte de demander aux gens de travailler gratuitement », admet Eléonore Costes avec un rire jaune.
Marion Séclin n’est pas du avis :
« J’ai passé beaucoup de temps à travailler gratuitement et ça m’a beaucoup servi dans ma carrière ».
Mais cette situation pourrait rapidement changer grâce au Fonds d’aide aux créateurs vidéo sur Internet (CNC talent) qui permet de rémunérer les gens qui travaillent pour les créateurs de contenus. Eléonore Costes espère en bénéficier : « Je ne l’ai pas encore et j’espère l’obtenir. C’est demain que je vais avoir la réponse, je stresse ».
Dans les gradins, un spectateur interpelle les actrices sur le fonctionnement de la monétisation de leurs créations. Marion Séclin répond du tac au tac : « Quand on a une chaîne Youtube, on décide nous-mêmes si l'on veut monétiser nos vidéos. Il faut appuyer manuellement sur un bouton pour les monétiser et désactiver ce même bouton si on veut les démonétiser. Pour ma part, cela fait un an que mes vidéos sont monétisées ».
Mais les sommes d’argent ne sont pas mirobolantes, contrairement à ce que croit beaucoup d’internautes, bien moins importantes que pour des productions pour la télévision ou le cinéma.
Eléonore Coste a quant à elle choisi de démonétiser ses vidéos. Cette décision découle d’une anecdote cocasse :
« Dans une de mes vidéos, il y a une scène où j’ai un rapport sexuel, YouTube l’a donc placé dans la catégorie « moins de 18 ans » (dans ce cas seul les internautes titulaires d’un compte youtube peuvent voir la vidéo) et l’a démonétisé. Mais toutes mes vidéos sont démonétisées car dans toutes mes vidéos j’ai des rapports sexuels (rires), donc j’ai préféré démonétiser complètement ma chaîne Youtube ».
YouTube, une vitrine pour des activités plus rémunératrices
Marion Séclin affirme pour sa part que Youtube est davantage une vitrine qu'un gagne pain.
« Je ne compte pas sur l’argent que je gagne avec Youtube. J’ai d’autres activités à côté de ça : je vends des scénarios, je poste du contenu et je fais des placements de produits sur Instagram. Cela me rémunère et j’utilise justement cet argent pour créer mes vidéos sur Youtube et vivre. Il faut être heureux dans ce que l’on fait ! Tout simplement ».
Autre mythe : celui des revenus issus de la publicité :
« Avant on pouvait s’acheter une maison avec de la pub maintenant ce n’est plus du tout le cas. Sur internet la pub est beaucoup moins bien rémunérée qu’ailleurs », déclare Marion Séclin.
Mais consciente d’être devenue un « canal super puissant pour les marques », la comédienne sait en jouer pour en tirer un bénéfice maximum :
« Aujourd’hui nous n’avons plus besoin des marques, c’est elles qui ont besoin de nous donc j’essaie de négocier des gros contrats quand une marque veut travailler avec moi ».
Les trois actrices ont des agents qui négocient pour elles leurs contrats avec les marques et les productions. Expérimentée et déterminée, malgré son détachement à l’argent, Eléonore Costes fait valoir ses conditions lorsqu'on la sollicite :
« Il faut se faire respecter ! Je ne travaille pas avec une boîte de production en dessous d'un montant minimum que je me suis fixée. Il faut savoir ce que l'on vaut, surtout que ça fait 12, 13 ans que l'on travaille ».
Youtube a permis à ces comédiennes de s’épanouir dans leur métier, puis de partager leurs œuvres avec les communautés qu’elles se sont constituées au fil de leurs performances. Mais aucune d'elles ne pensait à ses débuts devenir salariée de la plus célèbre plateforme de vidéo en ligne au monde. C’est ce que confie modestement Justine Le Pottier :
« A l’époque du début de la série "Le visiteur du futur", jamais je n’ai pensé que Youtube allait être mon métier. Je n’attendais rien d’internet. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être bien payée avec mes créations et mes rôles d’actrices sur YouTube. J’ai arrêté les petits boulots comme le baby-sitting »
* #EllesFontYouTube est un programme qui promeut la diversité sur YouTube, encourage la création au féminin, et rassemble tous ceux et celles qui participent à ce mouvement. Le programme a déjà formé plus de 300 vidéastes qui ont pu collaborer lors de tournages épaulées par des mentors expérimentées, suivre des formations techniques, ainsi que sur la monétisation et des séances de coaching, participer à des rencontres inspirantes... Fédérer et former les créatrices tout en célébrant leur succès, tel est le fil rouge de #EllesFontYouTube !