Le numérique, moteur du marché de la publicité en France en 2018

Par Alexandre Bouniol, France Télévisions, MediaLab

La publicité en France se porte bien, merci pour elle. L’Institut de Recherches et d’Etudes Publicitaires (IREP), France Pub et Kantar Media ont présenté les résultats du BUMP, baromètre unifié du marché publicitaire. Croissance à deux chiffres pour le numérique, stabilité pour les autres investissements publicitaires ou encore poussée de l’affichage DOOH, Méta-Media revient sur la présentation des résultats du marché publicitaire en 2018.

Un marché global en croissance

A périmètre égal, il aura fallu onze années au marché global de la communication pour retrouver son niveau d’investissement publicitaire d’avant la crise des subprimes. En 2007, le montant net global des investissements en communication des annonceurs s’établissait à 33,15 milliards d’euros. En 2018, il s’établit à 33,33 milliards d’euros, en croissance de 2,3% par rapport à 2017. C’est le plus haut niveau jamais atteint par le marché.


C’est « le maintien de la croissance qu’on avait retrouvé depuis deux ans » nous confie Xavier Guillon, Fondateur et Directeur général de France Pub. « L’ensemble de la croissance du marché est tiré par les médias digitaux » poursuit-il. Parmi les médias digitaux, sont comptabilisés « les médias propriétaires et l’internet classique ». Ils représentent environ 20% du marché global, soit 6 milliards d’euros et ont connu une croissance de 14,7% sur l’année. Les médias propriétaires sont ceux qui ont été le plus été investis avec pas moins 3,4 milliards d’euros dépensés, enregistrant une croissance de 16,8% par rapport à 2017.

L’année 2018 a connu une forte hausse grâce au phénomène de la coupe du monde de football. Ces valeurs restent relativement élevées jusqu’à la fin de l’année par rapport à l'année précédente avant de connaître une vraie chute au mois de décembre suite à la crise des Gilets Jaunes. Par rapport aux trois mois précédents, le mois de décembre accuse une baisse de 4,5%.

Médias digitaux, télévision et DOOH, locomotives des recettes publicitaires des médias

Les recettes publicitaires globales des médias s’établissent en 2018 à 14,443 milliards d’euros soit une progression de 4,2% par rapport à l’année dernière. En plus des recettes « historiques » des médias, sont inclues pour la première fois dans cette comptabilisation les recettes issues du numérique. Là aussi, « le secteur est tiré par le digital » enchérit à son tour Christine Robert, Directrice déléguée de l’IREP.

En regardant de plus près, les recettes liées aux extensions des marques médias en digital (c’est-à-dire l'ensemble des plateformes des médias en excluant les pureplayers détenus par des groupes médias, comme Aufeminin par TF1) ont joué un rôle majeur cette année en engrangeant près de 400 millions d’euros de recettes soit une croissance de 9,4% en un an. Dans une autre étude menée quelques mois plus tôt, le SRI revient sur le détail de l’ensemble des recettes publicitaires  digitale, le search et le display social enregistrant les recettes les plus importantes. Cette année n’est que la confirmation des années précédentes, où la croissance du numérique est bien supérieure à celle de l’ensemble du marché.


La télévision est l’autre média qui tire les recettes publicitaires vers le haut. Avec 3,43 milliards d’euros de recettes en 2018, ce marché croît de 2,4% par rapport à 2017. Cette croissance provient principalement des revenus générés par le parrainage qui croît de 32,7% sur l'année, sachant qu’il représente entre 9% et 10% des recettes de la télévision. Elle s’explique par l’assouplissement des critères du parrainage opéré en 2017. L’autre levier de croissance est le numérique qui croît de 14,2%, et qui représente entre 4% et 5% des recettes globales. La vente d’espaces publicitaires classiques est quant à elle stable (-0,3%) mais représente toujours près de 85% des recettes totales.

La publicité extérieure enregistre une progression de 2,3% atteignant 1,24 milliards d'euros de recettes. Cette croissance est massivement soutenue par l’affichage DOOH qui affiche 22,3% de croissance par rapport à 2017.

Les recettes publicitaires des autres médias sont quant à elles en stagnation ou en récession, malgré des croissances significatives dans le digital. Le problème majeur vient de la trop faible part que représente le numérique dans les recettes pour compenser la baisse des autres : les recettes publicitaires de la radio atteignent 701 millions d’euros (stagnation par rapport à 2017 à -0,2%, avec une tendance à la baisse pour les radios locales) ; celles de la presse (PQN, PQR, PHR, Magazines, Presse spécialisée, Gratuits) accusent toutes un recul, celles des magazines étant les plus touchées accusant une chute de 8,5%. Les recettes dans l’adressage suivent le même chemin que celles de la presse, la plus grande perte étant attribuée aux annuaires qui perdent 7,5% par rapport à 2017 pour un total de 693 millions d’euros.

Les recettes publicitaires du cinéma, très dépendantes des entrées en salles accusent cette année une baisse de 3,5%. « Le résultat est à nuancer. Comme c’est un petit marché, il est plus soumis aux aléas. Mais tendanciellement, il suit la courbe de croissance du marché » argumente Christine Robert.

Elle attire notre attention sur « un média à regarder » à savoir celui de l’audio numérique (podcasts et plateformes de streaming musical). Ce média a enregistré 1,2 milliards d’impressions, soit une augmentation de 12% par rapport à l’année dernière et un intérêt massif des annonceurs qui sont 79% de plus qu’en 2017 pour un total de 379.

Une croissance portée par l’ensemble des secteurs d’activité

Le BUMP décompose les investissements publicitaires selon les secteurs d’activités, à savoir l’industrie, les biens de consommation, la distribution et les services. En 2018, chaque secteur connait de la croissance. L’industrie étant celui qui a le plus investi en proportion avec une augmentation de 5,8% (soit 2,9 milliards d’euros de dépenses au total). C’est la deuxième année consécutive de forte croissance pour l’industrie, « même si la tendance était baissière lors des dix dernières années » nous affirme Xavier Guillon. Quant à la distribution, « c’est le seul secteur depuis dix ans à être en progression continue ». Le secteur des services, « compte-tenu de son poids très important, près de 11 milliards d’euros et de cette très forte progression (3,9%), ce secteur explique à lui seul la moitié de la croissance du marché publicitaire cette année » analyse-t-il.


Ces secteurs n’ont pas adopté les mêmes stratégies de communication, se traduisant par des investissements dans des moyens de communication complètement différents. Par exemple, l’industrie investit principalement dans la télévision, les médias propriétaires numériques et l’internet classique. Les biens de consommation sont eux dans « une logique de flux et de contact ». Internet et la radio sont privilégiés par rapport à la presse qui est délaissée par ce secteur. Le secteur de la distribution investit massivement dans les médias propriétaires où l’on peut constater « un transfert du rôle des catalogues, qui étaient physiques, vers les médias propriétaires ».

En prévision du prochain BUMP, Xavier Guillon, Christine Robert et Florence Doré, directrice marketing et communication de Kantar Media estiment une croissance du marché publicitaire inférieure ou égale à 2% pour 2019. En cause, un « climat attentiste, mais pas alarmiste » conclut Xavier Guillon.