Par Laura Mingail, responsable du marketing et du développement des affaires chez Secret Location. Billet invité présenté dans le cadre d’un partenariat éditorial entre la plateforme FMC Veille du Fonds des Médias du Canada (FMC) et Méta-Media. © [2019] Tous droits réservés.
La réalité virtuelle (VR) est un marché en plein développement, lui-même divisé en sous-marchés à travers le monde. Pour envisager un développement international, il est nécessaire d'en comprendre les usages, les attentes des consommateurs, les politiques de développement technologique du bassin de consommation en question. La complexité de ce(s) marché(s) est d'autant plus accentuée par la spécificité de la forme du contenu en VR par rapport à d'autres formes de contenus plus traditionnelles. Pour mieux saisir les enjeux régionaux de la réalité virtuelle, Laura Mingail a rencontré Greenlight Insights qui est le référent en la matière de données de la réalité augmentée et virtuelle.
Clifton Dawson, le fondateur et PDG de Greenlight Insights, annonce que, à compter de 2019, « il y aura des choses qui se produiront hors du contexte de toute grande partie prenante individuelle qui rendront le paysage du divertissement par médias immersifs vraiment stimulant, car la géopolitique et les investissements en technologie se matérialiseront ». Et ces influences proviennent de partout dans le monde. Voici celles auxquelles les créateurs de contenus devraient porter le plus d’attention :
La propension des consommateurs à dépenser sur la réalité virtuelle
Le montant que les consommateurs sont prêts à dépenser sur la VR varie selon la région. L’analyste Natalie Yue explique que, par exemple, le marché chinois des casques HMD (head-mounted display) pour la maison « est colossal, mais très complexe. […] En raison de la nature très concurrentielle de ce marché, les consommateurs sont sensibles aux prix […] » et optent donc pour des casques plus économiques à l’achat. De plus, elle avertit que « il existe une corrélation positive entre le coût du casque et la propension du consommateur à dépenser sur du contenu ».
Et cette corrélation est évidente à l’échelle planétaire. La directrice de la recherche de Greenlight Insights, l’analyste Alexis Macklin, ajoute que « un propriétaire de HTC Vive dépensera plus sur du contenu qu’un propriétaire de Gear VR, toutes régions confondues ». Pourquoi? « À l’heure actuelle, les consommateurs se procurent des casques en fonction de l’utilisation qu’ils souhaitent en faire. Par conséquent, le contenu est un facteur très important dans la décision d’achat. Les propriétaires d’un HTC Vive, d’un Oculus Rift ou d’un Sony PSVR s’attendent à payer plus pour du contenu, car leur plateforme est plus interactive que celle d’un casque mobile. »
Lorsqu’il est question de centres de divertissement hors foyer, « ce sont les marchés émergents de l’Asie-Pacifique qui devraient en compter le plus grand nombre en 2019 […], mais cela ne se traduit toutefois pas en revenus ».
Cependant, cela pourrait bientôt changer, car de plus en plus d’expériences premium sont proposées dans des pays clés de cette région. « On observe en Chine une augmentation du nombre de centres qui exploitent des systèmes de VR mobile (free-roam VR). De nombreux petits centres proposant du contenu relativement bas de gamme ont fermé leurs portes au cours des deux dernières années, ce qui a incité les consommateurs à s’exposer à du contenu de meilleure qualité. »
La région où les consommateurs dépensent actuellement le plus sur la VR à l’extérieur du foyer est l’Amérique du Nord. Macklin nous partage ceci : « Un dollar la minute est le montant que de nombreux chefs de file de l’industrie considèrent actuellement comme un objectif réaliste. Aux États-Unis, une majorité des consommateurs ne sont pas prêts à payer plus d’un dollar la minute la plupart du temps. »
Par ailleurs, selon Greenlight Insights, la moyenne se rapprocherait de 40 cents la minute ailleurs dans le monde. C’est considérablement moins en partie en raison du nombre colossal de centres dans le monde qui proposent de la VR de base à un taux fixe par demi-heure ou par heure.
Cependant, Macklin fait valoir que « au bout du compte, c’est davantage une question de combien coûte l’expérience globale au consommateur ». À la fois le contenu et la durée de l’expérience auront une incidence sur la propension des consommateurs à sortir leur portefeuille. Par exemple, aux États-Unis, l’expérience Jurassic World VR Expedition proposée par Dave & Buster’s coûte 5 dollars pour environ cinq minutes de divertissement. Cela représente un prix accessible pour de très nombreux consommateurs. En revanche, une expérience d’une durée de 50 minutes proposée au prix de 50$ sera jugée moins accessible sur les plans autant du prix que de l’engagement en temps.
« UN DOLLAR LA MINUTE EST LE MONTANT QUE DE NOMBREUX CHEFS DE FILE DE L’INDUSTRIE CONSIDÈRENT ACTUELLEMENT COMME UN OBJECTIF RÉALISTE »
Les prix peuvent être fixés par région afin de tenir compte de la propension des consommateurs locaux à dépenser sur du divertissement et il devient donc important d’en tenir compte au moment de développer le modèle financier d’une expérience de VR. De plus, les créateurs de contenus peuvent penser autrement qu’en termes d’un prix fixe par téléchargement de jeu ou par billet d’entrée.
La montée du divertissement hors foyer (LBE)
Contenus régionaux d’intérêt
Comme le démontrent les marchés du divertissement les plus matures – pensons à ceux du cinéma et de la télévision, par exemple –, les contenus qui intéressent les auditoires varient d’une région à l’autre et d’un créneau à l’autre.
Les créateurs de contenus de VR ont à peine effleuré la surface lorsqu’il est question de la diversité des expériences pouvant être proposées. Pour l’instant, alors que l’accès relativement restreint qu’ont les consommateurs à des expériences est néanmoins en hausse, les créateurs de contenus qui développent des expériences évolutives sont ceux qui sont les plus susceptibles de survivre et de prospérer à long terme.
Cela exige le développement d’une compréhension poussée des consommateurs qui dépensent sur la VR à la maison et hors de la maison ainsi que de ce qu’ils cherchent à obtenir en échange de leurs achats. En guise d’exemple, aux États-Unis, Macklin observe un intérêt accru pour la VR consommable à la maison parmi les consommateurs âgés entre la fin vingtaine et la fin trentaine qui disposent de revenus élevés et ont un intérêt pour la technologie.
Bien que le niveau d’intérêt puisse varier d’une région à une autre, la plupart des créateurs de contenus trouveront qu’il est complexe de réaliser un profit à partir de contenu de langue anglaise qui ne convient qu’à un tel auditoire. Dawson considère que le « rendement immédiat » est la capacité qu’ont les éditeurs d’internationaliser leur contenu et révèle qu’il existe de solides titres dans le marché aujourd’hui qui auraient tout intérêt à poursuivre davantage d’occasions de distribution mondiale.
Influence gouvernementale sur l’adoption des technologies de VR
« Nous ne pouvons sous-estimer les effets géopolitiques sur l’industrie, explique Dawson. Des gouvernements très favorables, comme ceux de la Chine, sont associés à des courbes d’adoption plus prononcées. » Cela influence la pénétration du matériel de VR et du contenu de VR, à la fois dans les foyers et les centres de jeux électroniques fixes.
Yue explique que, au-delà de ce que pensent les consommateurs des marques de casques HMD et des divers contenus qu’ils permettent de consulter, c’est la réglementation gouvernementale qui dicte les règles du jeu pour ce qui est de la distribution du matériel. D’abord, les casques autonomes sont de plus en plus populaires auprès des consommateurs partout dans le monde et la plupart [des fabricants d’équipement d’origine] proposent leurs propres systèmes comme Oculus et Pico. Cependant, Oculus est la propriété de Facebook et Facebook est interdit en Chine. Ensuite – et surtout –, il y a l’enjeu de la protection commerciale. La Chine protège ses marques locales, ce qui complique la tâche aux marques occidentales qui cherchent à pénétrer le marché chinois.
Greenlight Insights estime qu’un total de 66,1 millions de casques HMD se trouveront dans le marché en 2019, dont 15,3 millions en Amérique du Nord. Alors qu’un peu plus des trois quarts des ventes de casques devraient être réalisées à l’extérieur de l’Amérique du Nord, il est important que les créateurs de contenus évaluent la possibilité d’étendre leur travail de développement au-delà des grandes marques nord-américaines dans l’optique d’accéder à de plus grands marchés qui sont actuellement inexploités ou sous-exploités.
Yue fait aussi valoir que « les marchés émergents de l’Asie-Pacifique forment la plus importante région pour ce qui est des unités de casques HMD qui y sont expédiées, tandis que l’Amérique du Nord représente la deuxième région en importance. Les chefs de file dans ces régions varient considérablement. Par exemple, Sony et Oculus dominent le marché nord-américain, mais ce n’est pas le cas en Chine. Le marché chinois favorise fortement des fabricants locaux comme UGP, iQiyi et Pico. » En revanche, HTC Vive est un chef de file mondial qui affiche une forte pénétration du marché nord-américain et n’a aucune restriction en Chine, par exemple.
Le type d’expérience de VR – par exemple une expérience interactive qui se déroule dans une pièce et requiert un certain seuil de surveillance – dictera, bien entendu, le type de casque qui y est approprié.
Crédit de Une : Mali Maeder via Pexels