Par Barbara Chazelle, France Télévisions, Prospective et MediaLab
Lancé il y a 4 ans, Discord revendique plus de 250 millions d’utilisateurs (comme Fortnite!), soit deux fois plus que l’an dernier. 56 millions s’y connecteraient au moins une fois par mois et 850 millions de messages y seraient échangés chaque jour. Ce service à mi-chemin entre un réseau social et un chat est désormais valorisé à deux milliards de dollars.
Parfois surnommé le « Slack des gamers », Discord a réussi à fédérer une communauté plus large que celle des joueurs en ligne et est, avec TikTok, la nouvelle plateforme vedette des ados.
D’un chat pour les gamers...
La page d'accueil du site annonce la couleur : « L'heure est venue d'abandonner Skype et TeamSpeak. Chat vocal et textuel tout-en-un gratuit, sécurisé, qui fonctionne sur PC et smartphone, et pensé pour les gamers. Arrête de payer pour des serveurs TeamSpeak et de galérer avec Skype. Simplifie-toi la vie. »
L’interface de Discord est en effet relativement intuitive pour qui a l’habitude de passer un peu de temps sur des services en ligne. L’idée, c’est de créer ou de rejoindre des « serveurs », sorte de salons de chat où les utilisateurs se retrouvent et communiquent à l’écrit ou à l’oral (particulièrement utile lorsque ses mains sont prises par des manettes). Chaque serveur a un fonctionnement et des discussions organisées par hashtags (appelées « channels ») propres à sa communauté.
Les serveurs certifiés les plus populaires sont ceux des jeux en ligne à succès : Fortnite, Spellbreak, PUBG, Minecraft, Clash Royale, ZombsRoyale et Rainsbow Six. Les sites Discord.me ou Disboard permettent de trouver des serveurs selon vos centres d’intérêt.
Pour prendre un exemple concret, un joueur va réunir ses fans dans un serveur et échanger avec eux via un channel #livestreaming où ils commenteront une partie en direct ou via un fil de discussion #announcements où le joueur sera le seul à poster un contenu qui intéresse sa base de fans. Là où ça devient intéressant, c’est que ces hashtags couvrent désormais des sujets qui peuvent être assez éloignés de ceux du jeu.
… à une plateforme mainstream ?
Dans cette vidéo de communication de Discord, l’entreprise explique que les utilisateurs du service s’y retrouvent pour « créer des symphonies pour trombones ou pour apprendre une deuxième langue ».
La force de Discord, c’est de proposer un service gratuit, conversationnel, fun, facile à modérer grâce à l’attribution fine de rôles et permissions. C’est un espace personnel, personnalisable et maîtrisé, où l’on peut se protéger des trolls d’une part et de la pression des likes et des commentaires des réseaux sociaux d’autre part. Discord n’est pas régi par un algorithme, la voix de chacun peut être entendue, en tout cas davantage qu’au sein d’une section de commentaires.
Les gamers ont ainsi été rejoint par des créateurs de contenus (youtubers, podcasters, instagrammeurs et autres influenceurs) mais aussi des personnes lambda, dont pas mal d’ados qui s’y retrouvent pour parler de leur journée de cours ou s’échanger des mèmes.
Les défis
Alors que la communauté Discord grandit, elle doit faire face à quelques indésirables. Des groupes de suprémacistes blancs y ont établi domicile et le FBI regarderait de près des serveurs investis par de cybercriminels. Rappelons que Discord ne compte que 165 employés et n’a pas les mêmes moyens que d’autres plateformes pour lutter contre les multiples dérives que voient malheureusement fleurir les espaces de libre expression.
Enfin, la question de la monétisation reste ouverte. Discord a lancé l’année dernière sa boutique de jeux en ligne proposés en illimité contre un abonnement à 9,99 dollars par mois. Et pour bien s’affirmer contre son concurrent direct Steam, Discord a décrété un partage 90/10 avec les développeurs.
Par ailleurs, certains influenceurs ont commencé à faire payer le droit d’entrer sur leur serveur ou pour certains accès ou privilèges, via des services de paiement tel que Patreon. Mais cela ne rapporte rien à Discord pour le moment.