Par Mona Kasra, Professeure adjointe en design des médias numériques, Université de Virginie.
Il peut être difficile de déterminer si une image est réelle. Comme les participants à notre récente recherche l’ont fait, regardez ces deux images et essayez de deviner si l’une ou l’autre – ou les deux – ont été falsifiées.
Image A, à gauche : est-elle réelle ? / Image B, à droite : qu’en est-il de celle-là ? Mona Kasra, Author provided
Vous avez peut-être fondé votre évaluation uniquement sur les éléments visuels ou avez peut-être pris en compte la source de diffusion de l’information ou encore du nombre de personnes qui ont aimé et partagé ces images.
Mes collaborateurs et moi avons récemment étudié comment les gens évaluent la crédibilité des images qui illustrent des articles en ligne et les éléments qui sont pris en compte dans cette évaluation. Nous avons constaté que vous êtes beaucoup moins susceptibles de vous tromper si vous êtes un habitué d’Internet, de la photographie numérique et des plates-formes de médias en ligne – c’est ce que les universitaires appellent « l’éducation aux médias numériques ».
Qui est dupé par les fausses photos ?
Avez-vous été dupé ?
Les deux images sont fausses.
Nous voulions savoir dans quelle mesure chacun des facteurs contribuait à l’exactitude du jugement. Nous avons émis l’hypothèse que la fiabilité de la source initiale pouvait être un élément déterminant, de même que la crédibilité de toute source secondaire, telles que les personnes qui ont partagé ou republié l’image en question. Nous nous attendions également à ce que l’opinion des internautes puisse les influencer. S’ils sont en désaccord avec quelque chose que l’image montre, ils seront plus susceptibles de la considérer comme fausse et, inversement, plus susceptibles de croire qu’elle est vraie s’ils sont d’accord avec ce qu’ils ont vu.
De plus, nous voulions savoir si le niveau de connaissance d’une personne dans les outils et techniques permettant aux utilisateurs de manipuler des images et d’en générer des fausses jouait un rôle dans le jugement. Ces méthodes ont progressé beaucoup plus rapidement ces dernières années que les technologies capables de détecter les manipulations numériques.
Tant que les vérificateurs d’images n’auront pas rattrapé leur retard, les risques et les dangers que des personnes mal intentionnées utilisent de fausses images pour influencer l’opinion publique ou provoquer une détresse émotionnelle restent élevés. Le mois dernier, pendant la période de troubles suivis aux élections en Indonésie, un homme a délibérément répandu une fausse image sur les médias sociaux pour attiser le sentiment anti-chinois auprès de la population.
Notre recherche visait à mieux comprendre comment les gens prennent des décisions concernant l’authenticité de ces images en ligne.
Tester les fausses images
Pour notre étude, nous avons créé six fausses photos sur divers sujets, notamment la politique nationale et internationale, les découvertes scientifiques, les catastrophes naturelles et les problèmes sociaux. Ensuite, nous avons créé 28 maquettes montrant comment chacune de ces photos pourrait apparaître en ligne, telle que partagée sur Facebook ou publiée sur le site Internet du New York Times.
Chaque maquette présentait une fausse image accompagnée d’une brève description textuelle de son contenu ainsi que quelques indices et éléments contextuels, tels que le lieu où elle la photo était supposée avoir été prise, des informations sur sa source et si quelqu’un l’avait repartagée – ainsi que le nombre de likes ou toute autre forme d’interaction.
Toutes les images et les textes et informations qui figurent à leur côté étaient des fabrications – y compris les deux en haut de cet article.
Nous avons utilisé uniquement de fausses images pour éviter la possibilité que des participants à notre étude aient déjà été confrontés à l’image originale. Notre recherche ne s’est pas intéressée à un problème connexe appelé « mauvaise attribution », dans lequel une image réelle est présentée dans un contexte indépendant ou avec de fausses informations.
Nous avons recruté 3 476 participants d’Amazon Mechanical Turk, qui avaient tous au moins 18 ans et vivaient aux États-Unis.
Chaque participant a d’abord répondu à un ensemble de questions ordonnées au hasard concernant ses compétences Internet, son expérience de l’imagerie numérique et son attitude à l’égard de diverses questions sociopolitiques. On leur a ensuite présenté une image mise en forme dans une maquette choisie au hasard et leur a demandé de regarder attentivement l’image et d’évaluer sa crédibilité.
Le contexte n’a pas aidé
Nous avons constaté que les jugements des participants sur la crédibilité des images ne variaient pas en fonction du contexte. Nous avons placé la photo d’un pont effondré dans une publication Facebook partagée par seulement quatre personnes. Ils l’ont jugé fausse de la même manière quand cette image illustrait un article du site Internet du New York Times.
Au lieu de cela, les principaux facteurs qui ont déterminé si une personne pouvait correctement percevoir une image comme fausse étaient liés à leur niveau d’expérience avec Internet et la photographie numérique. Les personnes familiarisées avec les médias sociaux et les outils d’imagerie numérique étaient plus sceptiques quant à l’authenticité des images et moins susceptibles de les estimer comme vraies.
Nous avons également découvert que les croyances et les opinions existantes influaient grandement sur la manière dont ils jugeaient la crédibilité des images. Par exemple, lorsqu’une personne désapprouvait la prémisse de la photo qui lui était présentée, elle était plus susceptible de croire qu’il s’agissait d’une fausse image. Cette constatation est cohérente avec les études montrant ce qu’on appelle le « biais de confirmation » ou la tendance des gens à croire qu’une information est réelle ou vraie si elle correspond à ce qu’ils pensent déjà.
Un biais de confirmation pourrait aider à expliquer pourquoi les fausses informations se répandent si facilement en ligne – lorsque les personnes rencontrent quelque chose qui confirme leur point de vue, elles les partagent plus facilement en ligne avec leurs communautés.
D’autres recherches ont montré que les images manipulées peuvent altérer la mémoire des internautes et même influencer leur prise de décision. Le préjudice que peuvent causer de fausses images est donc réel et significatif. Nos résultats suggèrent que, pour réduire les dommages potentiels liés aux fausses images, la stratégie la plus efficace consiste à former la population aux médias en ligne et au traitement d’images numériques, notamment en investissant dans l’éducation. Ensuite, ils en sauront plus sur la façon d’évaluer les images en ligne et seront moins susceptibles de se faire piéger par une fausse image.
Billet originellement publié en anglais sur The Conversation et republié sur Méta-Media avec autorisation. Version également disponible en français sur The Conversation.