Par Barbara Chazelle, France Télévisions, Prospective et MediaLab
"Where it bleeds, it leads". Les événements relayés par les médias sont principalement négatifs et leur traitement dans les médias tend à renforcer leur caractère anxiogène. Cette négativité a un impact direct sur la consommation de nouvelles. 32% des personnes interrogées par le Reuters Institute dans sa dernière étude annuelle évitent régulièrement ou parfois les actualités.
"La négativité conduit à un manque de confiance, car la société décrite par les médias n’est pas celle que les gens voient", explique Nina Fasciaux, rédactrice et coordinatrice du Solutions Journalism Network en Europe, qui est intervenue lors du Festival de l’Info Locale fin juin à Nantes. "Mais lorsque l'on propose une solution, le public est plus réceptif à l'information : 52% sont plus enclins à lire plus d'articles du même journal et 60% à partager l'article."
Certains médias ou organisations dans le monde ont d’ores et déjà tenté de corriger le tir à travers diverses initiatives. Journalisme positif, d’impact, de solutions, de construction… On utilise parfois un terme pour un autre, mais les approches diffèrent quelque peu. Tour d'horizon.
Le journalisme positif
Le journalisme positif ou journalisme de bonnes nouvelles se concentre… sur les nouvelles positives. Bonne humeur garantie.
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Le journalisme constructif
Ulrik Haagerup, ancien patron de l’info de l’audiovisuel public danois (DR) et fondateur du Constructive Institute, affiche l'ambition de changer la culture des médias d'ici à cinq ans. Pour ce faire, le journalisme constructif émet un certain nombre de principes à suivre.
Le journalisme constructif s'appuie sur des méthodes de psychologie positive dans la couverture de l'actualité, impliquant davantage le public en tâchant de créer des liens sans polariser. Le journaliste devient un "médiateur" qui regarde vers le futur et répond à la question "qu'est-ce qu'on fait maintenant".
constructiveinstitute.org / capture d'écran
À noter que le journalisme constructif est européen et n'existe pas Outre Atlantique. Il reste relativement complexe à appréhender faute de consensus clair sur la méthodologie. Considérant le projet trop vague, la BBC a ainsi choisi de s'orienter vers un "solutions focused journalism".
Le journalisme de solution
Le journalisme de solution enquête sur une ou plusieurs réponses à un problème, en s’intéressant à leur fonctionnement et à leur efficacité.
Le journalisme de solution ne propose pas de remède miracle et ne fait pas la promotion d’une solution plutôt qu’une autre, mais propose un bilan des avantages et des inconvénients. L’article doit répondre à la question "qui fait mieux".
"Parfois, une réponse n’est pas une solution. Mais même si le résultat est insatisfaisant, cela reste néanmoins intéressant à raconter. C’est pourquoi je préfère parler de journalisme de réponse", explique Nina Fasciaux.
Elle conseille aux journalistes qui veulent se lancer "d’enlever tout le vocabulaire positif" de leur article afin d’éviter de tomber dans le piège du plaidoyer.
Le Learning Lab du Solutions Journalism Network propose par ailleurs un guide de base pour qui voudrait aller plus loin dans la méthodologie et a recensé plus de 6000 enquêtes correspondant à leurs critères.
Le journalisme de solutions se distingue du journalisme d'impact :
"Notre mission première reste d'informer. Si l’on crée de l’impact, de l’inspiration, c’est un bonus" précise Nina Fasciaux.
Le journalisme d'engagement
Cette approche journalistique met les communautés (géographiques ou thématiques) au cœur de la production éditoriale, du modèle de revenus ou du financement du média qui l'adopte.
A ne pas confondre donc avec le « journalisme engagé » qui prend ouvertement parti pour une cause ou une idéologie.
Nous détaillons cette approche dans notre article : L’engagement, la clé pour un journalisme durable ?
Le journalisme d'impact
L'objectif final affiché du journalisme d’impact est l'engagement de la part du citoyen. Les articles visent ainsi à encourager certains projets ou initiatives. Le but est l'action, l'activation de communauté(s).
Sur le site de espagnol En positivo, on trouve par exemple cette déclaration :
"Le journalisme en tant qu'outil de service social ne doit pas rester uniquement une simple interprétation de la réalité ; il peut aussi et doit inviter à l'action, générant finalement un impact positif sur l'environnement immédiat."
Cela se traduit aussi par des rubriques "passez à l'action", avec des tutos Do It Yourself sur le site de Kaizen par exemple ou via des pétitions en ligne à l'instar du journal néerlandais De Correspondent ou du chatbot d'information Voxe.
Le risque pour un journaliste, c'est de "fleureter avec l’activisme" selon Nina Fasciaux.
Toutes ces approches visent à renouveler la pratique journalistique et à renforcer le lien avec le public. Rares sont les sites qui ne se revendiquent que d'une seule approche. La plupart du temps, il s'agit d'articles ponctuels ou de numéros spéciaux. L'idée étant d'équilibrer au maximum la ligne éditoriale du média.
"On aura toujours besoin du journalisme "chien de garde" qui met les problèmes en lumière. Mais il faut aussi un journalisme "chien guide" qui éclaire sur les solutions" conclut Nina Fasciaux.