Par Alexandre Bouniol, France Télévisions, MediaLab
Il est coutume de dire que le Brexit a eu lieu à cause des fake news propagées sur les réseaux sociaux. Fake news souvent relayées par un certain Boris Johnson… tout juste élu Premier ministre du Royaume-Uni le 24 juillet dernier. Coïncidence, l’Ofcom (le CSA britannique) a sorti le même jour son rapport sur la consommation de l’information au Royaume-Uni en 2019. Tour d’horizon des pratiques.
La prise de pouvoir des réseaux sociaux
C’est une tendance lourde que l’Ofcom a tenu à mettre en évidence dans son rapport. Les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés comme source d’information par les britanniques. En 2019, 49% des adultes s’informent par les réseaux sociaux, soit 5 points de plus par rapport à l’an dernier. Sur internet, ils sont plus utilisés que les autres moyens d’information (search ou site internet), qui restent stables à 38% d’une année à l’autre.
Parmi ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour s’informer, « trois quarts le font via Facebook, un tiers le font via Twitter et 30% via WhatsApp et Instagram ». L’hégémonie de Facebook est flagrante. La plateforme est même la troisième source d’information la plus populaire tous médias confondus ! Seuls la BBC et ITV sont devant. À noter également les fortes croissances de WhatsApp et Instagram comme sources d’information qui gagnent respectivement 8 et 7 points entre 2018 et 2019.
Les britanniques suivent majoritairement les comptes de médias sur les réseaux sociaux, mais la proportion tend à se réduire au profit des informations partagés par les amis et la famille. Par exemple on constate sur Facebook une bascule de 5 points entre ces deux catégories. Ils ont également générés plus d’interactions en 2019 qu’en 2018. Cette tendance étant sûrement corrélée à la précédente – l’engagement étant plus fort avec le cercle proche. Mais cela ne suffit pas à expliquer cette hausse globale puisque l’on observe également une hausse auprès des contenus des médias et des influenceurs. Les changements d’algorithmes des plateformes ont sûrement leur part de responsabilité.
Même si l’utilisation des réseaux sociaux comme source d’information est une tendance globale de la société britannique, on observe des disparités, notamment générationnelles. Les 16-24ans (76%) s’informent bien plus via les réseaux sociaux que les 65+ (16%). C’est d’autant plus fort en symbole que les 16-24ans s’informent désormais plus via les réseaux sociaux que la télévision (51%)…
…qui suscitent malgré tout de la défiance
C’est tout le paradoxe. De plus en plus de personnes s’informent par les réseaux sociaux, mais ils suscitent toujours autant de défiance. Seuls 38% des de ceux qui s’informent par les réseaux sociaux ont confiance dans les informations qu’ils trouvent, contre 82% parmi ceux qui s’informent par les magazines, 71% pour la télévision, 67% pour la radio et 66% pour la presse.
La TV reste (pour l’instant) source d’infos numéro 1
Malgré le changement progressif de la manière de s’informer des britanniques, la télévision reste la principale source d’information pour 75% d’entre eux. La tendance est en baisse puisqu’en 2018, 79% des adultes s’informaient par ce biais. La durée d’écoute d’information suit la même voie. En un an, elle est passée de 110h par an à 99h. A l’instar des réseaux sociaux, on observe là aussi des disparités liées à l’âge. Les 16-24 ans ne passent plus que 17h par an à consommer de l’information par la télévision. 10 fois moins que les 65+ qui consomment 204h d’information par an.
La toute-puissance de la BBC
Les britanniques sont très attachés à leur audiovisuel public. Dans des proportions qui feraient envier n’importe quelle télévision publique en Europe. BBC One reste la source d’information la plus consommée parmi les adultes (58% des adultes la consomment), malgré une baisse de 4 points en un an. Ce sont mêmes 24% d’entre eux qui la considèrent comme la plus importante (- 3 points vs 2018). Nous constatons les mêmes disparités générationnelles évoquées ci-dessus, puisque les 65+ estiment que BBC One est la source d’information la plus importante pour 40% d’entre eux alors que les 16-24ans placent Facebook en tête (17%).
La marque BBC est également très forte sur le digital puisque c’est le média britannique le plus suivi sur les réseaux sociaux, suivi de Sky News et de Buzzfeed. Même le moteur de recherche Google est moins utilisé que le site de la BBC dans la recherche d’information. Deux tiers de ceux qui s’informent par internet vont sur le site ou l’application de la BBC contre 51% sur le moteur de recherche Google. Lorsque l’on compare le site de la BBC avec d’autres médias, c’est là aussi le site qui compte le plus de visiteurs uniques chaque mois (près de 28 millions). Devant le Daily Mail (27,5 millions) et The Guardian (24 millions) qui sont les titres de presse le plus consulté en ligne.
Les ados s’intéressent aux infos !
C’est l’un des enseignements du rapport. 60% des 12-15ans disent s’intéresser aux informations. Ceux qui ne sont pas intéressés trouvent qu’elles sont présentées de manière « ennuyante ». Mais ¾ d’entre eux accèdent à de l’information au moins une fois par semaine. La télévision reste pour cette classe d’âge le principale moyen d’accès (29%), puis viennent ensuite les réseaux sociaux (21%) et enfin « parler avec la famille » (15%).
La BBC s’impose là aussi comme une référence dans l’information, même auprès de cette classe d’âge puisque 40% des 12-15 ans regardent soit BBC One soit BBC Two. Tendance baissière avec une perte de 5 points en un an. Les ados s’informent ensuite par Facebook (32%) et par YouTube (30%).
En ce qui concerne la confiance accordée à une source d’information, les 12-15ans considèrent que la famille est la plus digne de confiance pour 80% d’entre eux, suivi de la radio (77%) et la télévision (70%). Les réseaux sociaux ferment la marche avec seulement 35% d’entre eux ont confiance dans les informations trouvées sur les plateformes. Fait plus surprenant, cette classe d’âge est pleinement consciente des fake news. 87% d’entre eux en ont déjà entendu parler contre 78% en 2018. Plus inquiétant, ce sont la moitié des 12-15 ans qui en ont déjà vu contre 43% en 2018.