Par Barbara Chazelle, France Télévisions, MediaLab et Prospective
On a beaucoup parlé de Facebook Libra cet été mais on avait un peu oublié que l'application de messagerie cryptée Telegram avait aussi un projet dans ses cartons... Ce qui relance les discussions autour de la régulation des cryptomonnaies.
Gram : une deadline au 31 octobre 2019
L’application de messagerie Telegram, réseau social dominant en Russie, pourrait lancer sa propre cryptomonnaie, dénommée Gram, fin octobre, selon The New York Times.
La compagnie travaille sur le sujet depuis 2017. Deux levées de fond avaient permis de réunir 1,7 milliard de dollars. Restée très discrète depuis, les choses devraient s’accélérer, car contractuellement, Telegram est tenu de lancer ses Gram avant le 31 octobre 2019.
Si la deadline n’était pas respectée, Telegram devrait rendre aux investisseurs leur 1,7 milliard.
Les régulateurs sur le qui-vive
Depuis l’annonce de Facebook de lancer sa propre cryptomonnaie, le Libra, la plateforme est dans le collimateur des régulateurs.
Aux États-Unis, le Trésor américain s'est inquiété de la manière dont la cryptomonnaie pourrait être utilisée pour le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent et la Federal Reserve a mis en place un groupe de travail chargé de suivre le projet en coordination avec d’autres banques centrales à travers le monde.
Lors de l’audition par le Sénat américain d’un responsable de Libra, Sherrod Brown, membre de la commission sénatoriale des banques, a déclaré :
"Facebook a démontré scandale après scandale qu'il ne méritait pas notre confiance. Nous serions fous de leur donner une chance de les laisser toucher les comptes bancaires des gens."
En Europe, le projet Libra fait l’objet d’une enquête anti-trust.
Au G7, les ministres des Finances et gouverneurs de banque centrale se sont mis d'accord pour « agir rapidement » contre des risques « systémiques ».
La particularité du Gram
L’idée de Telegram est de permettre de transférer de l’argent dans le monde et de mettre à disposition de ses 200 à 300 millions utilisateurs des porte-monnaie électroniques.
Comme le Bitcoin, le Gram devrait reposé sur une structure décentralisée et ne serait donc pas contrôlé par Telegram. Son cours ne serait pas adossé à une autre monnaie et suivrait donc la loi (et les spéculations) du marché.
Un rapport de l’agence financière russe Aton paru en mai dévoilait de nombreuses informations sur la blockchain TON sur laquelle Telegram va s'appuyer mais aussi sur l’offre de GRAM, qui serait au lancement d'environ 5 milliards de tokens. Si les prévisions concernant le taux d’inflation à 2%, sont justes, l’offre totale de GRAM devrait atteindre les 10 milliards dans 35 ans.
Une version d’essai des GRAM et de sa blockchain TON est attendue dans deux semaines. Il est fort à parier que Telegram, qui était restée sous le radar jusqu’à présent, doive alors affronter les régulateurs à son tour.
Pendant ce temps, en Chine….
La Chine s'apprête à lancer sa cryptomonnaie souveraine le 11 novembre prochain à l’occasion du Single Day (le Black Friday local), et deviendrait le premier pays à se doter d’une monnaie virtuelle officielle.
Forbes a révélé le 27 août que le lancement sera appuyé par sept institutions : l’Agricultural Bank of China, la Bank of China, Union Pay (son réseau de carte bancaire), l’Industrial and Commercial Bank of China, la China Construction Bank, et les deux géants du numérique Alibaba et Tencent.
Si l’on en croit les 80 brevets déposés – la Chine travaille sur ce projet depuis 2014.