Par Pascal Doucet-Bon, France Télévisions, directeur délégué de l'Information.
Hazel Baker est persuadée que les journalistes ne jouent pas à se faire peur, que les progrès de la création de personnages de synthèse sont ultra rapides, et que les deepfakes ultra réalistes seront bientôt là. C'est aussi l'avis de tous les chercheurs présents cette à La Nouvelle Orléans pour l'ONA, la conférence annuelle du journalisme en ligne aux Etats-Unis.
"Vous ne la trouvez pas bizarre, cette vidéo ? J'ai attiré leur attention en disant que j'avais un doute, mais c'est tout. Je suis restée vague, parlant d'un sentiment diffus." Hazel Baker, Directrice de la vérification de l'UGC, Reuters.
"Je me suis adressée à la société Synthesia pour réaliser ces vidéos en Français. L'image est en partie réelle. Seul le bas du visage est modifié pour faire dire à la présentatrice un texte enregistré par une autre, totalement différent, de ce qu'elle dit en réalité." C'est un deepfake typique.
"Nous poursuivions deux buts : comprendre dans le détail comment un deepfake est fabriqué, et mesurer notre éventuelle vulnérabilité."
Bien sûr, Hazel Baker a présenté la vidéo à son équipe sans les "masques verts" visibles sur le document partagé sur internet. Les journalistes de Reuters, intrigués par les doutes de leur patronne, n'ont pas validé cette video. Celle-ci n'aurait donc pas pu être envoyée aux clients de Reuters (dont France Télévisions fait partie). Ils sentaient eux-aussi que quelque chose n'allait pas.
"Certains ont invoqué la lumière (sic), d'autres une simple désynchronisation du son et de l'image, qui appelait une vérification technique. Aucun n'a prononcé le mot "deepfake".
Hazel Baker va-t-elle renouveler l'expérience ? "Je ne l'exclue pas, dit-elle, même si tout cela a un coût" -nous ne saurons pas lequel-,"mais d'autres manipulations moins chères sont possibles, et je pense qu'il faudra tester nos capacités de détection régulièrement."