Tour d'horizon des meilleurs formats sur les élections US

Par Laure Delmoly, France Télévisions, MediaLab

Les élections ont toujours été l'occasion pour les médias de montrer les dernières innovations technologiques et narratives. Magic walls, dataviz, trackers originaux, mini séries video, simulations en ligne, les formats produits à l'occasion de  “l’Election Day” se sont multipliés. Avec une particularité cette année, des bandeaux d'alerte désinformation et des formats ludiques pour conjurer le stress des résultats. 

Le "magic wall"

David Bohrman avait lancé l'idée du "magic wall" pour CNN en 2002 . La chaîne garde le lead cette année mais tous les autres networks américains utilisent  désormais un "écran tactile" avec un niveau de granularité particulièrement propice aux commentaires. Ce sont vraiment les anchormen qui font la différence. Chacun a ses spécificités : Bill Hemmer sur Fox News, Steve Kornacki sur MSNBC, Chuck Todd sur NBC News, Anthony Salvanto sur CBS News et Tom Llamas sur ABC News. Mais CNN se démarque particulièrement avec les analyses exceptionnelles de John King surnommé the "wall magician" ou "the map guy".

L'expérience de France Télévisions : 3 questions à Christophe de Vallambras du Medialab de l'info

1. L’écran tactile a été au cœur du dispositif de France Télévisions. Comment s'est-il intégré pour les élections US ?

"C’est un format éditorial puissant, mis en place à la création de FranceInfo il y a 4 ans et, désormais, devenu une signature remarquable de l’info du groupe France Télévisions, y compris sur la chaine amirale France 2. Pour les élections US, il a donné toute son ampleur, combinant les utilisations les plus pertinentes pour répondre en temps réel aux besoins d’information.
Les journalistes ont utilisé la carte interactive des résultats, développée en exclusivité par Franceinfo web, qui permettait de visualiser, d'un geste, la situation globale du pays, de chaque candidat, ou état par état. Mais les interventions jonglaient également, d’un glissement de doigt, avec l’application tactile « Compositeur Digital UX », développée par la société rennaise Excense en partenariat avec France Télévisions, permettant d’apporter des contenus de toutes sortes (images, vidéos…) afin d’enrichir l’information brute, la décrypter, la mettre en perspective.
Et pour compléter ces outils tactiles, ouvrant une large fenêtre sur le monde, les journalistes pouvaient aussi afficher, entre autre, un navigateur internet interactif, configuré spécialement pour s’intégrer à l’écran tactile, observant en continu les réseaux sociaux, les sites d’informations américains..."

2. Chaque network américain a son présentateur dédié au magic wall. Ce n'est pas le cas à France Télévisions. Pourquoi ?

"L’expérience de France Télévisions dans l’utilisation des écrans tactiles a permis une grande ouverture dans le choix des utilisateurs à l’antenne.
La stratégie de développement du format tactile sur nos chaînes s’appuie sur la capacité de proposer une mise en œuvre la plus simple possible. D’abord afin de répondre à la nécessité de réactivité de l’information en offrant une grande rapidité de fabrication, mais aussi afin de permettre au plus grand nombre de maitriser ce format. Pas moins d’une demi-douzaine de journalistes se sont relayés sur nos différentes chaines et éditions mobilisées pour cette nuit spéciale américaine, jonglant avec les outils tactiles avec une même dextérité technique. Cela était fondamental dans la réussite de l’offre ambitieuse proposée par la direction de l’Information."

 

3. Les écrans tactiles arrivent sur les autres télévisions françaises. Comment voyez-vous cette tendance ?

"Au-delà d’une utilisation de l’écran tactile pour l’image technologique innovante qu’il représente, et qui tente désormais de nombreux groupes audio-visuels, c’est la richesse, la pertinence et la maitrise de la démarche éditoriale qu’il propose que France Télévisions a su offrir lors de cette nouvelle opération spéciale. Et le groupe continue d’améliorer chaque jour l’écriture tactile d’information, devenue aujourd’hui une signature éditoriale de référence."

Le format dataviz

L'heure est bien sûr aussi à la Dataviz pour suivre les résultats de chaque Etat en temps réel. Aux Etats-Unis, les meilleures dataviz sont sur le NYT (complet), la NPR (simple)  et le Washington Post. En Europe, celles du Guardian, du Monde et The Economist se démarquent avec toujours 3 grilles de lecture disponibles : les Etats, les Grands Electeurs et les pronostics. Une mention pour la dataviz du Washington Post qui montre les représentants de la chambre qui ont changé de camp via des flèches.

Le tracker original

Si la plupart des médias concentrent leurs efforts de dataviz sur les pronostics et les résultats par Etat, certains font un pas de côté comme le LA Times, avec des données sur la représentation des femmes dans les résultats, France Info avec de nombreuses visualisation de données sur la génération Z, ces jeunes Américains qui votent pour la première fois et le New York Times, qui propose un traitement du traitement des élections par les médias américains (CBS, NBC, Fox, CNN, ABC, AP, Reuters, NYT) intitulé "Quel Média a confirmé quel Etat ?" : une jolie mise en abîme.

Le format pronostics

Les résultats se faisant attendre cette année, les pronostics font l'objet de nombreuses simulations. Les fameuses "aiguilles" du New York Times permettent de prédire les résultats par Etat  mais le journal américain propose également un chemin de probabilités vers la victoire pour chaque candidat avec tous les scenarii possibles.

L'application du Monde permet, elle, de simuler les résultats dans les derniers Etats.

Et le format plus sobre de The Economist présente les chances d'élection de chaque candidat.

Le format alerte "désinformation"

Les médias en ligne reprennent le bandeau d'alerte si cher aux télévisions pour sensibiliser les lecteurs de la toile à la désinformation. La Une du Guardian est la plus impressionnante avec un bandeau rouge imposant mais également celle du Washington Post et de  Buzzfeed qui rappellent qu'aucun des deux candidats n'a encore gagné l'élection.

Politico fait un choix plus modéré avec un encart "Ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas" reprenant les faits importants des élections. Et Buzzfeed News dresse la liste des Fake News les plus populaires sur la toile (et les débunke).

Le format documentaire

A voir : les pastilles vidéo de 2 min 30 de France Info tournées au smartphone par de jeunes Américains dans leur chambre. Au programme de cette série intitulée #MonAmérique : le réchauffement climatique, la politique d'immigration, la liberté de religion, la place des Noirs, l'endettement des étudiants, le rôle de la finance, ou encore la bataille entre démocrates et républicains. Un format artisanal, authentique et touchant.

Le court documentaire de Vox Media en trois épisodes de 25 min intitulés "Le droit de vote, peut-on acheter une élection, quel vote compte vraiment ?" est disponible sur Netflix. En plus de nombreux articles explicatifs, Vox Media a réalisé une série d’une rare pédagogie, notamment le dernier épisode consacré aux swing states.

Le format jeu de société

Le bingo électoral du Monde propose aux lecteurs de se détendre en attendant le résultat final des élections. Le principe ? Cocher la case lorsque la phrase est prononcée par un candidat, un journaliste ou un invité en plateau ou lorsque le fait décrit se produit. L’objectif : remplir une ligne, colonne ou diagonale complète pour faire « bingo ! ».

Le format zen

Puisque ces élections sont un marathon, le New York Times a mis en place un «Election Distractor» plein d'images, de vidéos et de paysages sonores afin de vous transporter loin de la réalité de novembre 2020. Le principe, vous fixez l'écran et vous visionnez au hasard : une femme se préparant un chocolat chaud,  une vidéo en timelapse d'une plante en pleine croissance etc.

Le format jeu vidéo

La télévision japonaise, elle, couvre les élections comme un jeu video avec deux candidats présentés sous forme d'avatar avec des "barres de vie". Un format osé qui permet de prendre un peu de hauteur sur ce mois de novembre.

 

Crédit photo : Unsplash, Clay Banks