A la recherche d'une information de confiance, idées clés du Reuters Digital News Report

Par Kati Bremme, Direction de l'Innovation et de la Prospective

La pandémie mondiale a attisé la soif d'informations fiables, et une nette majorité de personnes souhaite que les médias soient impartiaux et objectifs dans leur couverture de l'actualité, selon le dernier rapport du Reuters Institute for the Study of Journalism qui analyse l'impact du coronavirus sur la consommation d'information et sur les perspectives économiques des éditeurs. La confiance dans l'information s'est accrue pendant la pandémie, en particulier en Europe occidentale, soutenant les marques réputées pour leur fiabilité. D'un autre côté, la méfiance a été particulièrement manifeste envers les médias polarisés des États-Unis. Même si la pandémie a naturellement renforcé le besoin d'être informé, l'intérêt général pour les actualités a diminué, passant de 64 % en 2016 à 52 % en 2021.

Le rapport 2021 examine les nouveaux modèles économiques en ligne payants, la confiance et la désinformation, l'information locale, l'impartialité et l'équité dans la couverture de l'actualité. Cette année, le rapport révèle aussi de nouvelles informations sur la consommation d'information numérique, basées sur une enquête de YouGov auprès de plus de 92.000 consommateurs d'information en ligne dans 46 marchés, dont l'Inde, l'Indonésie, la Thaïlande, le Nigeria, la Colombie et le Pérou pour la première fois. Voici quelques idées clés à retenir. 

Une information impartiale et objective

"On a constaté une plus grande appréciation des informations dignes de confiance dans l'ensemble", déclare Rasmus Nielsen, directeur du Reuters Institute. "Il est très clair dans nos recherches, pays après pays, groupe d'âge après groupe d'âge, que de larges majorités veulent que le journalisme essaie d'être neutre." La BBC observe que "définir l'impartialité est facile... cela signifie refléter tous les aspects des arguments et ne favoriser aucun côté". Mais ce qui paraît facile à première vue, devient complexe au milieu d'un monde polarisé, animé par le débat et la course à l'information "engageante". Les points de vue partisans sont aujourd'hui plus accessibles que jamais, notamment en ligne, et ils peuvent être attrayants pour le public.

Pour les sujets politiques et sociaux, le rapport révèle qu'une nette majorité de personnes sur tous les marchés souhaite que les médias reflètent un éventail de points de vue différents et leur laissent le soin de décider. Peu d'entre eux sont favorables à ce que les médias "défendent les opinions qu'ils pensent être les meilleures". Cette position minoritaire bénéficie toutefois d'un soutien légèrement plus important chez les jeunes (moins de 35 ans) et les personnes de la gauche politique, mais le pourcentage reste faible.

La diversité, une priorité essentielle pour les rédactions et les lecteurs

En progrès constant, le mouvement de diversité dans les rédaction a été accéléré ces dernières années par des chocs politiques comme l'élection de Donald Trump aux États-Unis et le Brexit au Royaume-Uni. La diversité est en effet le seul moyen pour des salles de rédaction composées principalement de journalistes relativement aisés, urbains et libéraux de comprendre des personnes qui pensent, votent et vivent différemment d'eux. Plus récemment, le mouvement #MeToo a soulevé des questions sur la capacité du journalisme à rendre compte de la situation des femmes de manière équitable. Les manifestations Black Lives Matter ont relancé l'examen critique de la manière dont les médias traitent la race et l'ethnicité.

Du côté de la perception de la couverture par les médias, ce sont, sans grande surprise, les partisans politiques en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis qui pensent que les médias couvrent leurs opinions de manière injuste. Mais si l'on considère les 18-24 ans, on constate aussi que les jeunes femmes sont plus susceptibles de dire que les médias les couvrent injustement plutôt qu'équitablement. Il existe de grandes différences générationnelles dans la façon dont les femmes pensent être couvertes par les médias d'information, les femmes les plus jeunes offrant une évaluation beaucoup moins favorable. Cela montre comment différents facteurs sociodémographiques peuvent se croiser, avec des conséquences sur les attitudes des gens.

L'information locale défiée par les plateformes

Les journaux locaux, en particulier, ont été durement touchés par les bouleversements du comportement des consommateurs et des modèles économiques, et la pandémie n'a fait qu'accroître les difficultés. L'attachement aux informations locales est défié par la concurrence croissante des plateformes de la Big Tech et des sites web et applications spécialisés qui se concentrent sur la fourniture d'un service particulier, comme les prévisions météorologiques ou la recherche d'emploi. Les autorités locales, les entreprises et les hommes politiques fournissent également souvent des informations sur des questions locales en utilisant leurs propres sites web et médias sociaux.

Les médias traditionnels - y compris les journaux, la télévision et les radios locales - sont les plus appréciés pour les sujets d'actualité tels que la politique locale, la criminalité, l'économie ou le coronavirus, ainsi que le sport local. Entre 50 et 60 % des personnes pensent que ces médias offrent les meilleures informations sur ces sujets. Les médias sociaux et les moteurs de recherche sont les plus utilisés pour obtenir des informations sur les magasins et les restaurants (49 %), les services locaux (47 %) ou les choses à faire dans la région (46 %). Bien sûr, la recherche et les médias sociaux peuvent servir de lien avec les informations locales, mais dans la plupart des cas, l'information recherchée est contenue dans la plateforme, ce qui en fait une destination à part entière.

 

Nouveaux modèles économiques pour les médias

Les recettes publicitaires vont de plus en plus à Google, Facebook et quelques autres grandes plateformes qui ont perturbé un secteur déjà mis à mal par le passage au numérique. Si certains organes de presse génèrent encore d'importants revenus publicitaires hors ligne et en ligne, la part de la publicité qui va aux médias d'information est en baisse. Le premier point, et peut-être le plus important, que l'étude révèle est que le financement des médias n'est pas une question particulièrement importante pour la plupart des gens. Cela a bien sûr des conséquences sur le soutien du public face à des réformes et des changements de modèle économique, et influencera peut-être la priorisation de ces questions par les responsables politiques.

 

Dans le monde entier, un nombre légèrement plus élevé de personnes s'abonnent à des informations en ligne, notamment, sans surprise, dans les pays riches. Aux États-Unis, les abonnements multiples sont de plus en plus courants. Ici, 21 % des personnes interrogées ont déclaré payer pour au moins un organe d'information en ligne, et pour ceux qui paient, le nombre médian d'abonnements est de deux.

Réseaux sociaux : Peu de gens obtiennent des informations directement de la source

Sur l'ensemble des marchés, à peine un quart des lecteurs préfèrent commencer leur parcours d'information par un site web ou une application. Les 18-24 ans (génération Z) ont un lien encore plus faible avec les sites web et les applis et sont presque deux fois plus susceptibles d'accéder aux actualités via les médias sociaux, les agrégateurs ou les alertes mobiles.

Pendant que l'utilisation des smartphones pour les actualités s'est développée (73 % des personnes interrogées dans tous les pays accèdent aux actualités depuis un smartphone, contre 69 % en 2020), la portée des alertes d'actualités s'est également accrue. Ces alertes ne proviennent pas uniquement des applications des éditeurs : les agrégateurs mobiles semblent également en profiter, Apple News, notamment, est en pleine croissance aux États-Unis.

Conclusion

L'accélération de la révolution technologique signifie que l'on accède majoritairement aux actualités via un smartphone, tandis que la GenZ utilise essentiellement les réseaux sociaux ou les applications de messagerie pour consommer ou discuter des actualités. TikTok touche désormais 24 % des moins de 35 ans, avec des taux de pénétration plus élevés en Asie et en Amérique latine. Les médias sociaux sont l'un des principaux moyens de diffusion des fausses informations, Facebook et WhatsApp en tête, mais les géants de la technologie ont également servi de vecteur à la dissidence dans les manifestations au Pérou, en Indonésie, en Thaïlande, au Myanmar et aux États-Unis.

Le message général du Reuters Digital News Report est que la plupart des gens veulent des informations justes et équilibrées qui leur laissent le choix de se faire leur propre opinion, et malgré les problèmes croissants du modèle économique de la presse écrite, beaucoup sont prêts à payer pour cela.

 

Image de couverture : Muhammadtaha Ibrahim Ma'aji sur Unsplash