Liens vagabonds : L'attentat contre Trump, révélateur d'un paysage médiatique atrophié

Rien de tel qu’une tentative d’assassinat pour alimenter la machine à rumeurs d'Internet. Samedi 13 juillet, l’attentat contre Donald Trump lors d'un meeting en Pennsylvanie, a déclenché une tempête médiatique dès les premières minutes : USA Today, par exemple, a publié son premier article seulement 19 minutes après les coups de feu, avec un titre initial : « Trump évacué de la scène par les services secrets après des bruits forts qui ont effrayé l'ancien président et la foule ». Sur les réseaux sociaux, les spéculations sur le mobile du tireur foisonnent. Et les théories du complot fleurissent dans un terreau fertile de désinformation. Elon Musk n'a laissé passer qu'environ 30 minutes avant de déclarer son soutien financier pour la campagne présidentielle du candidat républicain. Il n’a fallu que 86 minutes à Dave Portnoy, propriétaire du blog Barstool Sports pour poster un lien vers un T-shirt noir avec l'image d'un Donald Trump ensanglanté le poing levé. La soif de sensationnalisme l'emporte-t-elle sur la véracité des faits ? 

Une bataille des récits 

À l’ère des réseaux sociaux, ce drame illustre d’abord l’appétit des utilisateurs pour les fake news. Le journaliste Casey Newton constate : « Les réseaux sociaux détestent le vide, et au cours des 48 heures après l’attaque, les utilisateurs de chaque grande plateforme se sont empressés de le combler avec des nouvelles, des commentaires, des analyses, des théories du complot, des fabrications et des blagues ». C’est particulièrement le cas sur X, où la plupart des modérateurs de contenus ont été licencié après le rachat de l’entreprise en 2022. La prudence initiale des médias avant de parler de « tentative d’assassinat » a vivement été critiquée, considérée par certains comme une volonté de tromper, alors que les autorités n’avaient elles-mêmes pas encore confirmé la nature des faits.  Elon Musk, par exemple, a twitté au lendemain de l’événement : « Les médias traditionnels sont une pure machine de propagande. X est la voix du peuple » accompagné d’une image montrant plusieurs gros titres de la presse. Un porte-parole du New York Times s’explique : « Les organismes de presse peuvent tolérer les critiques, mais les informations inexactes détruisent leur bien le plus précieux : leur crédibilité ».  

 L'essor des réseaux sociaux et le déclin parallèle du journalisme traditionnel ont permis de créer ce que la chercheuse Renee DiResta appelle des « réalités sur mesure » : des versions personnalisées de la vérité qui reflètent ce que les gens veulent croire. Ainsi la désinformation ne serait pas liée à des mensonges du gouvernement et de la presse, mais plutôt à l’amour du consommateur pour cette dernière : « Nous sommes mal informés non pas parce que le gouvernement ment systématiquement ou supprime la vérité. Nous sommes mal informés parce que nous aimons la désinformation que nous recevons et nous en voulons toujours plus » expliquait l’année dernière un article du New York Times.  

L’écosystème informationnel est-il cassé ?  

De son côté, the New Yorker s’indigne : « La tentative d'assassinat d'un ancien président est traitée avec la même légèreté universelle qu'un album pop ou les publicités d'une usine de glycines chinoise ». Les memes internet sont en effet légion depuis l’événement. Un internaute s’amuse même : « vous pensez que les gens dans les années 1800 étaient aussi drôles quand John Wilkes Booth a tiré sur Lincoln ? ». Finalement, les médias ne seraient qu’un rouage d’une grande machine informationnelle qui récompense la rapidité et la provocation : « Il s’agit d’une machine hyper-efficace, vorace, insatiable – qui dévore n’importe quel évènement, quel que soit son ampleur, pour le démanteler jusqu’à ce qu’il ne reste plus de lui qu’une vieille carcasse fatiguée ». 

CETTE SEMAINE EN FRANCE

  • L’Arcom renforce les règles de contrôle du pluralisme dans les médias audiovisuels (Le Monde)
  • Le « gendarme » de l’audiovisuel joue sa crédibilité avec l’attribution des chaînes TNT, en particulier à CNews et C8 (Le Monde)
  • IA aux Jeux Olympiques de Paris 2024 : comment les Jeux seront un terrain d'essai pour les nouvelles technologies (The National)
  • « Marianne » : CMI France et Pierre-Edouard Stérin mettent fin aux négociations exclusives face à la « volonté unanime » des salariés (Le Monde)

 

3 CHIFFRES

  • Google s’apprête à racheter la société de cybersécurité Wiz pour 23 milliards de dollars, selon le Washington Post.
  • Netflix compte désormais 278 millions d'abonnés dans le monde, rapporte le New-York Times.
  • 8 % des fandoms de la génération Z monétisent leur intérêt pour les fandoms (par exemple, les « Swifties » professionnels rapporteront et décoderont les nouvelles et les légendes de Taylor pour les fans plus occasionnels), d’après un rapport de YouTube.

LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE

Où les journalistes travaillent-ils, si ce n'est pas dans les médias

Source : Washington Post

NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ

  • Qu'est-ce que l'IA ? Tout le monde pense savoir, mais personne n'est d'accord. Et c'est un problème (MIT)
  • Une tentative d'assassinat à l'ère des réseaux sociaux (Platformer)
  • “Madmoizelle”, de média pop féministe à “vitrine pour contenus” (Arrêt sur Images)
  • Le doomscrolling sur les réseaux sociaux liée à l'anxiété existentielle, la méfiance, la suspicion et le désespoir, selon une étude (The Guardian)
  • Est-ce que les États-Unis ont toujours autant de journalistes ? (Washington Post)

Capture d'écran MIT

DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION

  • Les données qui alimentent l'intelligence artificielle disparaissent rapidement (New York Times)

DONNEES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE,DÉSINFORMATION 

  • Pologne : RSF ouvre des discussions prometteuses pour le droit à l'information avec le nouveau gouvernement (RSF)
  • Comment le temps pris par les médias pour vérifier les faits de la fusillade de Trump a engendré une vague de critiques (Washington Post)
  • En Russie, le/la journaliste américain(e) Masha Gessen est condamné(e) par contumace pour avoir critiqué l'armée (Associated Press)
  • Vous êtes plus enclin à croire les fake news diffusées par une personne que vous connaissez à peine que par votre meilleur ami (NiemanLab)
  • Un journaliste italien a été condamné à payer 5 000 euros à la Première ministre Meloni pour un tweet se moquant de sa taille (Reuters)
  • L’EFCSN et l’AFP annoncent un partenariat (AFP)

LÉGISLATION, RÉGLEMENTATION

  • RSF et 25 organisations demandent à la présidente de la Commission européenne des garanties fortes en matière de libertés de la presse (RSF)
  • Le gouvernement chinois soutient les entreprises nationales d'IA, mais impose également des règles strictes pour tester leurs modèles de langage (Wall Street Journal)

JOURNALISME

  • Un procureur russe demande 18 ans de prison pour le journaliste Evan Gershkovich (Washington Post)
  • Elon Musk veut que son bot d'IA diffuse les actualités. Il a du mal à accomplir cette tâche (Wall Street Journal)
  • L'Allemagne interdit le magazine d'extrême droite « Compact » (The Guardian)
  • Les éditeurs australiens qualifient de "catastrophique" une éventuelle interdiction des actualités par Meta (Press Gazette)
  • Le Wall Street Journal licencie un journaliste de Hong Kong qui dirigeait un club de presse en difficulté (Washington Post)
  • La presse papier en Haïti est presque éteinte (ijnet)

STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS

  • Spotify et TikTok poussent les artistes à sortir des albums interminables (Business Insider)
  • X ne tient pas ses promesses concernant les nouvelles émissions vidéo (Bloomberg)

ENVIRONNEMENT

  • Comment rendre compte de l'environnement en Ukraine en temps de guerre ?  (The Fix)

RÉSEAUX SOCIAUX, MESSAGERIES, APPS

  • Des influenceurs avec des millions de followers soutiennent Trump, mais peu d'entre eux soutiennent publiquement Biden (NBC News)

  • TikTok a poussé les jeunes électeurs allemands vers un parti d'extrême droite (Wired)
  • Rencontrez les jeunes hommes qui paient pour fréquenter Mogwarts, une école en ligne pour devenir sexy (GQ)
  • Elon Musk souhaite donner 45 millions de dollars par mois pour soutenir Donald Trump (Washington Post)

  • Elon Musk veut déplacer les sièges de SpaceX et de X de Californie vers le Texas (Wired)
  • Meta permet enfin aux chercheurs d’accéder aux données d’Instagram (The Verge)

IMMERSION, 360, VR, AR

  • Le métavers était censé être votre nouveau bureau. Vous êtes toujours sur Zoom (Wired)
  • L'Apple Vision Pro est désormais disponible au Royaume-Uni, au Canada, en France, en Allemagne et en Australie (MacRumors)

STREAMING, OTT, SVOD

  • Warner Bros Discovery étudie la possibilité de séparer ses chaînes de télévision (comme CNN) de ses services de streaming (Deadline)
  • Apple est en discussions pour obtenir des licences de films supplémentaires auprès de Hollywood (Bloomberg)

AUDIO, PODCAST, BORNES

  • Le studio de podcasts Paradiso placé en liquidation judiciaire (La Lettre)
  • Les podcasts politiques explosent à l'approche du jour du scrutin (Press Gazette)
  • Après une année difficile, les podcasts reprennent du poil de la bête (Bloomberg)

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DATA, AUTOMATISATION

  • Meta ne lancera pas son prochain grand modèle en Europe (Axios)
  • OpenAI a illégalement interdit au personnel de parler des risques liés à la sécurité, selon des lanceurs d'alerte (Washington Post)
  • Apple, Nvidia, Anthropic ont utilisé des milliers de vidéos YouTube piratées pour entraîner l'IA (Proof)
  • Les résultats fournis par l'IA de Google apparaissent de moins en moins souvent, d'après une étude (The Verge)
  • L'IA est bénéfique pour la créativité personnelle, mais peut nuire à la créativité collective, selon une étude (TechCrunch)
  •  Gemini sera omniprésente dans la diffusion des Jeux olympiques de Paris (TechCrunch)

MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ

  • Taboola va vendre des publicités pour Apple (Axios)
  • Les annonceurs ne montrent pas un grand enthousiasme pour les publicités sur Threads proposées par Meta (Digiday)

 

Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo