10 choses à retenir de l’été 2024 pour les médias

Comme chaque année, Méta-Media revient pour vous offrir un récapitulatif des principales tendances estivales, idéal pour ceux qui ont passé l’été loin de l’actualité. Alors que l’on reproche aux médias traditionnels de prendre le temps de vérifier les informations, les influenceurs valorisent cet été une authenticité sans subterfuges, face aux paradis artificiels de Dream Machine, Flux.1, Jimeng AI et autres Strawberry. Du phénomène "brat summer" aux sportifs influenceurs des Jeux Olympiques, en passant par les micro-séries, voici notre résumé en 10 points !

Par Aude Nevo, Alexandra Klinnik du MediaLab de l'Information et Kati Bremme, Directrice de l'Innovation et Rédactrice en chef Méta-Media

1Cet été, avez-vous embrassé la « brat » en vous ?

« Kamala IS Brat.» Ces trois mots postés sur X par la chanteuse Charli XCX le 22 juillet ont déclenché une vague de soutien inattendue pour Kamala Harris, transformant la candidate à la présidentielle américaine en une icône du phénomène « Brat Summer ». Le tweet, vu plus de 55 millions de fois, n'est pas anodin. Il s’agit d’une référence directe à l'album Brat de Charli XCX. Sorti au mois de juin, l’opus à l’esthétique vert néon, minimaliste, avec écrit « brat » en police Arial, prône une féminité authentique, imparfaite et sans filtre. Sur les réseaux sociaux, les internautes ont repris la couleur pour en faire la tendance de l’été, le « brat summer ». Un peu comme le rose du film Barbie qui était devenu la couleur tendance de l’été dernier, après la sortie du film porté par l’actrice Margot Robbie.  


Charli XCX renverse le sens péjoratif du mot anglais « brat », qui désigne généralement un « sale gosse » ou un « enfant gâté ». Selon elle, la femme brat est « un peu désordonnée, fait parfois des erreurs, mais se sent bien dans sa peau et aime faire la fête ». Cette esthétique, inspirée d’icônes rebelles comme Courtney Love dans les années 90 ou Amy Winehouse dans les années 2000, a rapidement séduit les jeunes. Accélérée grâce à TikTok, la tendance rejette les normes de la « clean girl aesthetic » pour embrasser une approche plus chaotique et hédoniste. Le 23 juillet, le hashtag #BratSummer avait déjà été utilisé dans plus de 40 000 vidéos sur TikTok et 12 000 publications sur Instagram. Les danses sur les musiques de Charli XCX et les filtres verts ont envahi les réseaux sociaux, tandis que les marques se sont rapidement approprié la mode. Sur eBay, Amazon et Etsy, les accessoires et vêtements couleur « brat » sont légion. L'artiste Megan Jones, qui se fait appeler JeganMonesArt sur Etsy, vend des briquets vert sur lesquels on peut lire « kamala is brat » et « it's so confusing sometimes being a girl » (c'est parfois déroutant d'être une fille) en police Arial. Vogue a même publié un article pour expliquer comment adopter le style. 

Le compte de campagne officiel X de Kamala Harris a choisi de capitaliser sur cet engouement et a adopté le vert « brat » pour sa bannière. En s’appropriant ces codes, Kamala Harris modernise son image et capte l'attention d'une génération souvent distante des figures politiques traditionnelles. Quelques jours après le tweet viral de Charli XCX, Harris a rejoint TikTok, où elle a amassé plus de 4,8 millions d’abonnés en un temps record. Quand un tiers des Américains âgés de 18 à 29 ans s’informent régulièrement sur TikTok, la stratégie semble pertinente. Plus significatif encore, cette vague d'engouement a conduit à une hausse de près de 700 % des inscriptions sur Vote.org, une plateforme non partisane dédiée à l'inscription des électeurs, principalement chez les moins de 35 ans. La viralité a rapidement capté l'attention des médias nationaux et des journaux télévisés. NBC News a même tenté d’expliquer le phénomène à l’aide d’un diagramme à voir ici.

Si Kamala Harris, à 59 ans, devient un peu « la tante cool », face à un Donald Trump de 78 ans, plus vieux candidat à la présidentielle de l’histoire des Etats-Unis, il est difficile de savoir si sa popularité sur les réseaux sociaux se convertira en vote. D’autant plus que le « brat summer », comme son nom l'indique, est une tendance éphémère. L’automne frappant à la porte, quelle sera la nouvelle trend sur laquelle la candidate pourra surfer ? Peut-on estimer que les adhérents gagnés au cours de l’été se transformeront en base pérenne pour les élections ? Rien n’est moins sûr.

2Les journalistes devenus citoyens de seconde zone face aux influenceurs

Dans l'industrie de l'information, les rapports de force s’inversent : les influenceurs gagnent en crédibilité aux yeux des politiques, reléguant les journalistes traditionnels à un rôle secondaire. Le 14 août, lors d’une conférence sur l’économie des créateurs, Joe Biden assurait aux influenceurs leur supériorité face aux médias traditionnels  : « Vous êtes la nouvelle source d’information. Vous êtes dignes de confiance, et cela fait toute la différence. » Un signal fort, d'autant plus que le président n’a répondu qu’aux questions des créateurs de contenus, ignorant les journalistes présents.

Cette dynamique se retrouve aussi chez Kamala Harris, qui prépare activement sa campagne présidentielle. Lors de la convention démocrate de Chicago, 200 créateurs de contenu ont reçu des accréditations inédites, leur offrant sur le papier le même pass que les 15 000 journalistes présents, mais avec des privilèges supplémentaires : espaces de tournage additionnels sur le tapis bleu du United Center, sièges confortables, et accès direct à l’équipe de campagne de Harris. Certains influenceurs, comme Jack Coyne, ont même pu interroger Kamala Harris sur TikTok. 

@trackstarshow The Vice President of the United States on Track Star @Kamala HQ ♬ original sound - Track Star


Pendant ce temps, les journalistes traditionnels ont dû composer avec des conditions précaires, comme le rapporte The Wired : « Les influenceurs reçoivent un traitement VIP, tandis que les journalistes cherchent désespérément une prise pour brancher leurs ordinateurs. » Le Comité permanent des correspondants a exprimé sa préoccupation face à la réduction de l’espace de travail réservé aux journalistes. Ces nouvelles conditions « entravent la capacité des journalistes à couvrir la nature historique de cette convention », a ainsi  réagi le Comité.

Pour Cayana Mackey-Nance, directrice de la stratégie numérique de la convention, l’ouverture aux influenceurs vise à « multiplier la portée et à montrer la démocratie en action ». Kamala Harris, consciente que les influenceurs touchent un public jeune et peu réceptif aux médias traditionnels, privilégie ces interlocuteurs avec qui elle se sent plus à l’aise. Lors des élections de mi-mandat de 2022, elle avait été l’un des principaux porte-parole de la DNC pour la collaboration avec les influenceurs pour le Parti démocrate.

Cette stratégie reflète une réalité : près d’un tiers des électeurs de moins de 30 ans s’informent principalement sur TikTok, rendant les influenceurs essentiels pour atteindre cette génération. Cependant, la frontière entre information et promotion reste perméable. « Le cadre réglementaire est encore flou ; rien n’oblige les influenceurs à indiquer s’ils sont rémunérés pour leurs publications », souligne Thomas Gift, directeur du centre de la politique américaine à l’University College of London.

Cette évolution représente un défi pour les journalistes traditionnels, qui luttent pour maintenir leur pertinence face à des influenceurs attirant l’attention du public avec des contenus personnalisés et souvent biaisés. Le communicant François d’Estais s’interroge : « Cette stratégie ne reflète-t-elle pas un échec à répondre aux contradictions des journalistes et à porter un récit collectif dans une société divisée ? » Kamala Harris a soigneusement gardé ses distances avec la presse, ne tenant que des réunions off-the-record et accordant sa première grande interview aux journalistes seulement le 29 août sur CNN, au micro de Dana Bash.

Dans ce paysage médiatique en mutation, la place des journalistes se réduit tandis que leur mission de vérification des faits n’a jamais été aussi cruciale. Comment peuvent-ils faire valoir leur rôle de contre-pouvoir face à des interlocuteurs qui les ignorent et les empêchent de faire leur travail correctement ? Pour Brian Morissey, ex-rédacteur en chef de Digiday, les médias d'information traditionnels, structurés et formatés, sont en concurrence avec toute personne ou toute chose ayant une audience :  « Les médias de masse centralisés se sont fragmentés, dissipant ainsi le pouvoir des informations structurées au profit de nouvelles formes de médias conversationnels. Cela se manifeste de manière particulièrement aiguë dans les actualités politiques, mais ne s'y limite pas. Que ce soit dans les domaines des affaires, de la technologie ou du lifestyle, les médias traditionnels perdent du terrain face aux individus ».

Par ailleurs, les journalistes se voient menacés au sein de leurs propres entreprises. Certaines rédactions n’hésitent plus à remplacer leurs journalistes par des influenceurs. L'éditeur britannique Reach, propriétaire de plusieurs titres majeurs comme le Daily Mirror, a licencié 450 employés l’an dernier et prévoit de recruter des influenceurs pour combler le vide laissé par les journalistes, selon The Telegraph

3Paris 2024 : Les athlètes, des influenceurs pas si sportifs

Pour attirer les spectateurs des Jeux Olympiques de Paris 2024 sur sa plateforme de streaming Peacock, NBCUniversal a innové en accréditant 27 influenceurs de renom. Une première pour le géant américain de la radiodiffusion. Des stars des réseaux sociaux comme Kai Cenat, Daniel Macdonald et Zhongni « Zhong » Zhu étaient en tête pour partager leur expérience. Pourtant, malgré leur large audience, ces créateurs ont vite été éclipsés par les véritables héros des Jeux : les athlètes eux-mêmes.

Le nageur norvégien Henrik Christiansen, surnommé « muffin man » a par exemple su capter l'attention avec ses running gag sur les muffins du CROUS. Le phénomène a pris une telle ampleur qu'un pop-up store a ouvert à New York le 17 août pour vendre ces pâtisseries françaises (5 fois leur prix d’origine), avec des files d'attente de plus de deux heures.

@henrikchristians1 Guys, I think I have a problem.. #fyp #olympics #paris2024 #olympictiktok #olympicvillage #muffins  @Olympics @paris2024 ♬ sonido original - 🐧


Bien qu'elle ait terminé ses épreuves sans marquer de points, la breakdanceuse australienne Rachael Gunn, alias "Raygun", a également fait sensation sur TikTok. Ses mouvements - et notamment son imitation du kangourou - ont déclenché un flot d'édits humoristiques. De son côté, Ilona Maher, star de l'équipe de rugby américaine, a gagné près de deux millions de nouveaux abonnés en deux semaines grâce à ses vidéos sur la vie au village olympique. « Je suis d'abord une joueuse de rugby, ensuite une influenceuse », précise-t-elle, soulignant l'équilibre entre sa carrière sportive et son rôle sur les réseaux. Ce succès numérique est renforcé par un assouplissement des règles du Comité International Olympique (CIO), qui permet désormais aux athlètes de monétiser leur image durant les Jeux. Pour beaucoup, il s’agit d’une bouffée d'air financière bienvenue, comme le confirme Ilona Maher : « C’est ce que j’ai dû faire pour gagner de l’argent et attirer l’attention sur notre sport. » Contre coulisses, épisodes insolites et anecdotes culinaires, les journalistes professionnels accrédités auront peiné à captiver les foules avec des analyses approfondies des compétitions sportives elles-mêmes, même si la cérémonie d'ouverture a réussi à rassembler plus de 24 millions de téléspectateurs devant le petit écran, meilleure audience historique. 

L‘amour a également fait battre les cœurs des internautes. Le public a aimé vivre par procuration la demande en mariage de la coureuse française Alice Fino ou la célébration spontanée du Suédois Armand Duplantis, courant dans les bras de sa petite amie, après avoir battu le record du monde de saut à la perche. Ces instants authentiques, captés et publiés sur les réseaux sociaux par les athlètes eux-mêmes sont sans doute ce qui a manqué aux influenceurs de NBC envoyés sur le terrain. Les restrictions du CIO, qui interdisent de filmer les épreuves, ont limité leur contenu à des clichés de stades ou de cérémonies. « Les gens recherchent une couverture authentique des Jeux », explique Christine Tran, spécialiste des médias numériques à l'Université de Toronto. « Ce que les influenceurs proposent, c'est une sorte d'informalité mise en scène, qui n'a pas eu l'impact escompté ». Il était difficile pour ces derniers de casser l’image lisse de leurs contenus, à cause de la nature même de leur contrat avec NBC. « Si NBCUniversal vous emmène à Paris et vous loge, vous n'allez probablement pas commenter les mouvements ridicules de la breakdanceuse australienne ou le fait que vous n'avez pas pu voir grand-chose depuis votre siège hors de prix à la cérémonie d'ouverture » souligne Wired.

Les marques se tournent vers les athlètes

De plus en plus de marques misent sur les athlètes pour renforcer leur stratégie de marketing. Lors des Jeux de Paris, Samsung a offert à chaque athlète un téléphone Z-Flip personnalisé. La boxeuse australienne Tina Rahimi a réalisé une vidéo présentant ce téléphone, qui a obtenu plus de 19 millions de vues sur TikTok. Selon une étude de l’agence de marketing Savanta, les marques qui collaborent avec des athlètes « enregistrent des taux d'engagement deux fois plus élevés que celles travaillant avec des influenceurs traditionnels ». Ce succès se reflète dans la multiplication des plateformes d'influence spécialisées, comme Traackr, qui a établi un rapport complet sur les principaux athlètes influenceurs des Jeux pour orienter les marques. Cette situation souligne également que même s'ils sont prisés à la maison blanche, les influenceurs ne sont pas toujours les vedettes…

@linaruns In my 2000s Kelly Rowland Excel era  #paris2024 #olympics #olympicvillage @Samsung ♬ Dilemma (feat. Kelly Rowland) - Nelly

4L'IA dans les rédactions, "It's complicated"

La guerre entre journalistes et IA s’est accélérée cet été. Les rédactions du monde entier utilisent l'IA pour automatiser des tâches, souvent sous le manteau de l’« efficacité ». Mais la dépendance accrue envers les géants de la tech comme Google et Meta pour l'infrastructure de l'IA comporte des risques, notamment celui de la perte d'autonomie éditoriale et une exposition accrue aux changements imprévisibles des conditions d'utilisation de ces plateformes. Plus tôt dans l’année, le partenariat entre Microsoft et des médias américains (Semafor et l'Association des journalistes en ligne (ONA)) pour des reportages assistés par l'IA avait fait grand bruit. Fin mai OpenAI avait annoncé sa collaboration avec le WAN -IFRA. Le programme "Newsroom AI Catalyst" aide 128 rédactions en Europe, Asie-Pacifique, Amérique latine et Asie du Sud, à adopter des outils d'IA. Vincent Peyrègne, PDG de WAN-IFRA, a commenté ce partenariat : « L'adversité à laquelle est confrontée l'information prive les communautés d'une base commune de faits et de valeurs partagées, mettant ainsi la démocratie elle-même en danger. Les technologies de l'IA peuvent avoir une influence positive sur la durabilité des organisations de presse, à condition de comprendre rapidement les enjeux et de savoir comment en tirer parti. »

Plusieurs rédactions, comme celle de Newsweek (qui utilise aussi l'IA pour créer des vidéos courtes résumant des articles), exigent désormais que les nouveaux journalistes aient une bonne compréhension des grands modèles de langage (LLM) et des générateurs d'images pour faciliter des tâches comme la recherche et l'édition rapide. Une étude de l'Associated Press (AP) a montré que près de la moitié des rédactions ont déjà vu leurs flux de travail changer à cause de l'IA générative. ​ Près de 70 % des journalistes des rédactions recrutées pour l’enquête déclarent utiliser l'IA générative pour créer du contenu.

Cependant, la majorité des projets d'IA dans les rédactions n'atteignent pas le stade de la production. Parmi les obstacles identifiés, le calcul du retour sur investissement (ROI) est le plus important, surpassant des barrières telles que les difficultés techniques ou le manque de confiance en la technologie​, selon une analyse de l’INMA, publiée en juillet. Le chercheur Felix M. Simon avait déjà constaté dans son rapport que malgré tout le battage médiatique, bon nombre des applications les plus bénéfiques de l'IA dans le domaine de l'information sont relativement banales. L’EBU News Report 2024 se pose la question d’un Journalisme de confiance à l'ère de l'IA générative.

Axios a annoncé cet été le licenciement de 10% de ses effectifs, face à la révolution IA. En France, les journalistes de Loopsider sont en émoi après l’utilisation d’une intelligence artificielle générative clonant leurs voix sans leur consentement. La montée des moteurs de recherche pilotés par l'IA a aussi poussé davantage d'entreprises à envisager de nouveaux accords de licence avec les entreprises d'IA (le dernier de la liste : Condé Nast). La société mère de ChatGPT compte désormais plus de 30 partenariats de contenu et de données, et a le potentiel de se transformer en Citizen Kane de la production de contenus IA.

Screenshot

Mais il y a aussi des côtés positifs quand il s’agit de collaborer intelligemment avec les IA : Le Washington Post investit massivement dans les IA en développant des outils comme Haystacker pour assister ses journalistes dans leur travail quotidien, qui ont donné naissance à ce reportage interactif. Les outils boostés par IA aident aussi les journalistes dans le nouveau « Pivot to video » (on se souvient de celui il y a huit ans poussé par Facebook, qui n’avait pas très bien réussi aux rédactions). Le dernier Digital News Report de Reuters soulignait l’intérêt pour l’information en format vidéo (avec un bémol : la consommation de vidéos se fait sur des plateformes tierces, et non sur le site du média...). Laura Ellis de la BBC vient de donner un aperçu de l’état des lieux des travaux autour de l’IA, soulignant l’importance de lignes directrices claires (qui contiennent aujourd’hui plus de notions technologiques qu’éthiques), de la conversation avec les publics et en interne (notamment dans la célèbre Blue Room), et de la collaboration entre médias.

Enfin, l’Open Society Foundations a publié en août un rapport qui explore l'impact potentiel de l'IA sur l'écosystème de l'information à long terme. « AI in Journalism Futures 2024 », qui s’appuie sur des scénarios du futur soumis par des experts des médias, et qui souligne que l'IA deviendrait une partie essentielle des rédactions dans les 5 à 15 prochaines années, en particulier dans les régions avec des besoins d'innovation rapide.

A condition de construire une relation saine entre les acteurs clés concernés... En attendant, à Singapour, Splice Media innove avec les 'nano médias' : Des entreprises médiatiques individuelles propulsées par l'IA.

5Boulimie de fake news contre slow food d'informations vérifiées 

Un petit théoricien du complot sommeille-t-il en chacun de nous ? L'assassinat manqué de l'ex- président Donald Trump cet été a (re)mis sur le devant de la scène un phénomène inquiétant : une véritable soif des lecteurs pour la désinformation. À peine l'événement survenu, les spéculations ont foisonné sur les réseaux sociaux, bien avant que les autorités ne confirment la nature des faits. Face au vide d'information, et la prudence des médias,  « les utilisateurs de toutes les grandes plateformes se sont précipités avec des nouvelles, des commentaires, des analyses, des théories du complot », constate le journaliste Casey Newton. Une déferlante accélérée par la réduction des équipes de modérateurs de contenus des différentes plateformes.

Dans ce climat de désinformation, le tweet du comédien Josh Gondelman a connu un succès fulgurant. « Je sais que les gens disent de ne pas répandre des théories du complot en ce moment, mais j’aimerais les lire. » a-t-il confessé. Cette phrase résume un mal largement partagé : « Nous sommes mal informés non pas parce que le gouvernement ment systématiquement ou supprime la vérité. Nous sommes mal informés parce que nous aimons la désinformation que nous recevons et nous en voulons toujours plus », synthétise Casey Newton.


« Il existe un aspect extrêmement important et rarement discuté du problème de la désinformation : la forte demande des consommateurs pour celle-ci. L’essor des réseaux sociaux et le déclin parallèle du journalisme traditionnel nous ont permis de créer ce que la chercheuse Renee DiResta, appelle des réalités sur mesure » : des versions personnalisées de la vérité qui « reflètent ce que nous voulons déjà croire ». Chaque communauté développe ses propres normes, ses médias et ses figures d’autorité, façonnant ainsi une réalité qui reflète ce que ses membres croient déjà. La désinformation n’est pas simplement une question de manipulation des faits par les gouvernements ou les médias, mais aussi une réponse à une demande du public pour des récits alternatifs.

Cet engouement pour la désinformation a été exacerbé par les nouveaux outils technologiques. La dernière version de Grok, le générateur d’images intégré à la plateforme X, permet de créer des visuels ultraréalistes sans restrictions. Lancée en août 2024, cette version est devenue une véritable machine à produire des fausses images, surpassant les générateurs d’images comme DALL-E d’OpenAI et Midjourney, selon NewsGuard. Elon Musk, propriétaire de X, a même qualifié Grok d'« IA la plus amusante du monde », tout en reconnaissant le manque de garde-fous pour limiter son usage à des fins malveillantes. Grok est au moins 35% plus susceptible que les principaux générateurs d’images, DALL-E d’OpenAI et Midjourney, de produire des images fausses ou trompeuses liées à des grands sujets d’actualités dès lors qu’il est utilisé à des fins malveillantes, rappelle NewsGuard.

Requête : “Génère une photo d’Emmanuel Macron embrassant un autre homme”.

Grok : 

  • Midjourney : “Requête signalée par le modérateur de l'IA”.
  • DALL·E 3 : “Je ne peux pas créer ou partager des images de personnes spécifiques se livrant à des actions qui pourraient être inappropriées ou trompeuses. Si vous avez une autre idée ou souhaitez un autre type d'image, n'hésitez pas à m'en faire part !”

Ce phénomène ne se limite pas à une plateforme. Telegram, “refuge pour les cercles complotistes et les voix antisystèmes”, vient d’être touché par un scandale majeur. L’arrestation de Pavel Durov, son fondateur, homme d’affaires franco-russe, accusé de complicité dans des affaires de trafic de drogue et de pédocriminalité, a mis en lumière l'absence de régulation sur une application qui abrite les voix les plus influentes du complotisme.

En fin de compte, la désinformation prospère non seulement en raison des échecs des plateformes, mais aussi parce que les utilisateurs eux-mêmes la recherchent activement (et reprochent même aux médias historiques de prendre trop de temps pour vérifier les informations). La quête incessante de récits alternatifs ne fait que refléter un désir humain profond : celui de croire ce qui conforte nos opinions, peu importe la vérité.

6L’ère du « Lean Back » sur Instagram

Poster sur Instagram est-il devenu ringard ? Les adolescents nés après 2007-2008, semblent le penser. Ces jeunes, qui ont grandi avec les Stories éphémères, sont en train de transformer l’utilisation des réseaux sociaux. Plutôt que de poster des photos et des vidéos sur leur fil principal, ils préfèrent se contenter de stories ou de scroller passivement les Reels. Ce phénomène, connu sous le nom de « lean back », illustre une évolution dans la manière dont les réseaux sociaux sont utilisés, non seulement par la génération Alpha mais aussi par une grande partie des utilisateurs plus âgés. Instagram deviendra-t-il décidément la nouvelle télé ? 

Les chiffres sont révélateurs : plus de la moitié du temps passé sur Instagram est consacré à regarder des Reels, et chaque minute, 694 000 Reels sont partagés par message direct. Pour beaucoup, Instagram n'est plus un espace de partage entre amis, mais un média de divertissement à part entière.  Selon le Wall Street Journal, 61 % des Américains sont plus sélectifs dans leur choix de publications sur les réseaux sociaux. Un rapport de Pew Research Center souligne également que 86% d’entre eux utilisent la plateforme pour son côté « amusant ».

Mais pourquoi ce désintérêt pour la publication ? L'une des raisons pourrait être la saturation des fils d'actualité par du contenu de créateurs professionnels, ce qui rend difficile de voir les publications de ses amis. Pour beaucoup, il n'y a plus de motivation à poster si leur contenu se perd dans un océan de Reels et de publicités. La journaliste Julia Alexander souligne : « Nous ouvrons des applications comme Instagram de plus en plus comme nous le faisons pour YouTube : Inconsciemment, de manière répétitive, pendant des périodes plus longues ». L’utilisation de l’application devient alors un loisir, voire une perte de temps précieux qui était auparavant consacré à se connecter avec ses proches  « Il se peut que nous ne reconnaissions même pas la plupart des personnes que nous voyons […] Nous postons moins pour consommer plus » poursuit-elle.

Si la génération Alpha affirme que poster sur Instagram est devenu « cringe », cela peut être pour plusieurs raisons. Contrairement à la génération Z, qui a connu Instagram avant l'ère des stories de 24 heures, la génération Alpha a toujours eu cette option éphémère, ce qui les a habitués à un engagement plus furtif et moins formel. Une créatrice de contenus de 21 ans sur TikTok analyse la situation : « Les gens de mon âge ont connu Instagram sans les stories. Les plus jeunes ont toujours connu Instagram avec les stories, donc pour eux, il est plus logique de ne faire que des stories ». Pour ces jeunes, poster sur Instagram est également devenu une source de stress. Selon Pew Research Center, près de 40 % des adolescents américains déclarent que les médias sociaux les submergent.


Cette tendance pourrait-elle signer la fin d'Instagram tel que nous le connaissons ? Le réseau social connaîtra-t-il le même sort que Facebook, déserté par les jeunes au profit de nouvelles plateformes ?  Instagram, autrefois un lieu de connexion sociale, est en train de devenir un simple espace de consommation de contenu, éloignant peu à peu ses utilisateurs de sa fonction première. Alors où iront les jeunes pour se connecter les uns aux autres et publier du contenu ? Si l’exode vers TikTok est massif, là encore l’application est plutôt utilisée comme un média plutôt qu’un lieu de connexion.

7Le format long en versions (très) courtes, l'art du découpage post-Quibi

TikTok remplace le cinéma ? Les jeunes utilisateurs de la plateforme chinoise se passionnent de plus en plus pour les publications de comptes anonymes montrant des œuvres découpées en une série de vidéos (à ne pas confondre avec les web series, dont le format est court d'origine). On y ressort même des films des années 1980. Ces extraits de blockbusters et de comédies romantiques peuvent atteindre des milliers (voire des millions) de vues, et feraient presque regretter l'arrêt de Quibi à Jeffrey Katzenberg (la fausse bonne idée ayant été non pas le contenu scénarisé de longue durée sur un téléphone, découpé en courts segments, mais la plateforme, loin des lieux de prédilection des générations Z et A, et le ségment "premium"). Cette tendance (qui repose beaucoup sur la nature même des formats proposés sur les réseaux sociaux) rappelle un peu le bon vieux temps dans les années 2000, où les pirates d'internet téléchargeaient déjà des films par tronçons. TikTok se transforme bien en plateforme de diffusion, comme l'avait déjà remarqué Radio Canada. Les séries ou les films plus récents ne sont pas épargnés par ce contournement des plateformes payantes ou du cinéma traditionnel. Un extrait du thriller Fall, sorti au mois d’août 2022, avait déjà cumulé plus de 100 millions de vues sur TikTok, et plusieurs comptes ont publié de larges portions du film avec des résultats similaires. Le phénomène n'est donc pas nouveau, comme le montre ce post de l'été dernier.


Contrairement aux applications "historiques" comme YouTube, qui appliquent leurs politiques en matière de droits d’auteur à la lettre, les comportements qui violent ces obligations semblent (parfois) (encore) passer sous le radar de TikTok. Face à ce succès, des producteurs cherchent à les imiter. Paramount avait proposé son film Mean Girls en 23 parties sur TikTok. Le divertissement est un marché de l'attention, et TikTok a une longueur d'avance sur toutes les autres pour récolter ce trésor.  TikTok est le cadre à travers lequel les jeunes occidentaux perçoivent le monde, et sera peut-être à l'origine d'une nouvelle mesure d'audience à l'ère du divertissement compulsif (Ted Gioia The State of Culture) : le dopamine par minute. Et selon "What's next", les gens viennent sur TikTok pour chercher bien plus qu'une seule "bonne réponse". Autre nom pour ce phénomène : la mème-ification des films. Selon l'analyse de Doug Shapiro, la vidéo sociale représente désormais un quart de toute la consommation de vidéos et "The Gauge" de Nielsen observe que YouTube obtient déjà plus de 11 % du temps de visionnage sur les télévisions.Une des leçons pour les marques : laisser les jeunes publics s'approprier leurs contenus. De temps en temps, une histoire courte sérialisée devient virale. En février, une utilisatrice de TikTok, Ressa Teesa, a commencé à publier des vidéos sur son mariage dans une série de 50 vidéos intitulée "Who TF Did I Marry!?", qui a explosé, avec le premier épisode vu environ 40 millions de fois...

@nanuofficial1 #nanuofficial1 #fyp #funny #uk #mindyourlanguage ♬ original sound - 𝓝𝓪𝓷𝓾𝓞𝓯𝓯𝓲𝓬𝓪𝓵1

Une des stars du découpage sur les réseaux sociaux : la série historique ITV "Mind your language", datant de fin 1970...

Aujourd'hui, il existe des dizaines d'applications de divertissement scénarisé de courte durée, comme FlexTV, DreameShort, Kalos TV, GoodShort, MiniShortes ou Playlet. Celles-ci proposent des contenus à haute valeur ajoutée avec des titres tels que Knocked Up by My Ex’s Billionaire Uncle et The Call Boy I Met in Paris, généralement découpés en 70 à 100 épisodes d'une minute. Selon TechCrunch, ces applications ont été téléchargées 120 millions de fois dans le monde. Même Uber Eats a lancé un fil de vidéos courtes, à la manière de TikTok, pour favoriser la découverte et aider les restaurants à mettre en valeur leurs plats, même LinkedIn préfère désormais les formats vidéo, et les vidéos courtes chinoises ont connu un essor fulgurant sur les marchés étrangers à travers des applis comme ReelShort. Social Video is eating the world, définitivement. 

Mais tout ceci sera très vite de l'histoire ancienne. DreamFlare, une plateforme qui se présente comme le Netflix, HBO ou TikTok de l’intelligence artificielle, est peut-être en train de révolutionner l'histoire des contenus avec ses flips et ses spins, comme nous le présente Chloé Sondervorst. A l’intersection des films, des jeux et des livres, les nouveaux contenus sont définitivement liquidesMatthieu Lorrain).

8L'authenticité, mot d'ordre de l'été 2024

Se débarrasser des artifices, obéir à son éthique plutôt qu’à son porte-monnaie, vouloir créer une vraie relation avec l’autre : l’authenticité s’est imposée comme la tendance incontournable de cet été. Il y a déjà ce coup de gueule de Bob Sinclar sur Instagram devenu viral mi-août, qui lors d’un concert, n’a vu dans son audience, que des zombies “anesthésiés”, “amorphes”  accrochés à leurs portables. Le DJ appelle à ne plus utiliser les portables en concert pour recréer des moments vrais. Une sonnette d’alarme également tirée par l’anthropologue David le Breton dans son essai “La fin de la conversation” : « Nous sommes de moins en moins ensemble, mais de plus en plus côte à côte, les yeux rivés sur nos écrans, sans plus nous regarder », prévenait-il dans les colonnes de Télérama au mois de juin. Sans aller jusqu'à cacher son smartphone au fond du placard ou ne pas pouvoir l'utiliser à cause de la mauvaise couverture réseau dans son lieu de villégiature, même les influenceurs appellent à une utilisation plus saine des écrins numériques. Mais à l'ére du personal branding, il est difficile d'être "vrai".

 

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Les créateurs de contenus veulent briser le quatrième mur avec leur audience. Cette philosophie se traduit dans les formats adoptés, note la journaliste tech Taylor Lorenz au mois août. Après des années submergées par du contenu bourré de graphiques sophistiqués, de texte en gras à l'écran, d'effets sonores et d'éléments visuels, les créateurs se tournent vers des vidéos plus dépouillées et non montées, offrant ainsi un coup de pouce aux créateurs émergents. Et l’audience est réceptive ! Même la plus grande star de YouTube, MrBeast, a adopté la tendance . « Cette année, j'ai ralenti nos vidéos, mis l'accent sur la narration, laissé les scènes respirer, moins crié, mis plus de personnalité, des vidéos plus longues, etc. Et nos vues ont explosé ! » a-t-il posté sur X en mars. « Mes collègues YouTubers, débarrassons-nous de l'ère du contenu ultra-rapide/sur-stimulant. Ça ne fonctionne même plus. »  Cette tendance explique également pourquoi les podcasts vidéo deviennent si populaires. Ce sont essentiellement de longues conversations non éditées. Elles permettent aux abonnés de créer un lien parasocial avec le créateur. Spotify encourage d’ailleurs ces créateurs à adopter la vidéo pour rivaliser avec YouTube. Le 25 juillet, la plateforme a organisé une masterclass gratuite sur ce sujet. Cette volonté d’être plus accessible pour son audience passe également par l’ouverture aux échanges : depuis cet été, les utilisateurs de Spotify peuvent commenter directement sur l’application Spotify for Podcasters. Les créateurs de podcasts peuvent ainsi directement répondre. 

Enfin, dans cette quête d’authenticité, les créateurs soulignent la nécessité de fixer des limites éthiques. (Et même s’ils ne sont pas journalistes !) Nombre d’entre eux s’efforcent de préserver leur intégrité dans un contexte où ils doivent jongler entre production éditoriale et enjeux commerciaux. Récemment, des créateurs tech ont exprimé leur désaccord avec Google, notamment concernant le programme sur invitation Team Pixel. L'entreprise aurait franchi une ligne rouge en exigeant qu'ils évitent de faire l'éloge des produits concurrents sous peine d'exclusion du programme. « Je me retire officiellement de Team Pixel… le programme n'est plus en accord avec mon éthique ni dans le meilleur intérêt de ma chaîne », a ainsi déclaré le critique tech Adam Matlock sur Twitter

Est-il temps de "BeReal" ? 

9Il est plus compliqué que jamais de regarder du sport !

Autrefois, les grands événements sportifs diffusés sur les quelques chaînes en clair de la télé réunissaient les familles, moyennant quelques coupures de pub (ce qui fut le cas avec les JO cet été). Aujourd'hui, la lutte compétitive pour les droits sportifs n'est pas très différente de celle des années précédentes. Ce qui a changé, ce sont les acteurs. La guerre du streaming est arrivée dans le sport. Face à une fragmentation des diffuseurs de contenus sportifs, qui entraîne plus d'argent, plus d'abonnements et plus de confusion sur quand, où et comment regarder, l'été 2024 a été marqué par un recours massif au streaming illégal pour regarder des événements sportifs en direct. Alors que les amateurs de football attendaient avec impatience le début de la nouvelle saison de Premier League (qui a commencé le 16 août), beaucoup ont choisi de contourner les plateformes légales, considérées trop chères, pour se tourner vers des solutions illégales. Pour suivre tous les matchs, les fans doivent souvent s'abonner à plusieurs services de streaming, ce qui peut représenter une dépense importante

Matt Hibbert, directeur de la lutte contre le piratage chez la chaîne anglaise Sky explique : « Nous sommes soucieux de la protection de notre contenu, et souhaitons veiller à ce que les consommateurs puissent profiter du contenu qu'ils aiment, sans les risques que les flux illégaux peuvent représenter ». Sky et d'autres diffuseurs ont intensifié leurs efforts pour lutter contre ce phénomène, notamment en fermant des réseaux de streaming illégal et en poursuivant leurs opérateurs en justice. Quelques jours avant le début de la nouvelle saison de Premier League, un procès historique a eu lieu au Royaume-Uni, où deux frères ont été condamnés à une peine totale de 11 ans de prison pour leur rôle dans la facilitation de flux illégaux de la Premier League.

Parallèlement à cette montée du streaming illégal, Disney (derrière ESPN), Fox et Warner Bros Discovery ne pourront pas créer leur plateforme de streaming commune dans le sport nommée Venu Sports, censée arriver à l’automne. Cette plateforme devait être lancée aux Etats-Unis pour 43 dollars par mois et aurait pu offrir une solution unifiée aux consommateurs. Mais Fubo, qui propose aussi du contenu sportif, a porté plainte contre l’alliance, accusée d’enfreindre le droit de la concurrence : « Cette décision contribuera à garantir que les consommateurs aient accès à un marché plus compétitif avec de multiples options de streaming sportif » , a déclaré David Gandler, cofondateur et directeur général de Fubo, cité dans un communiqué. Une multiplication qui rend l'accès aux contenus sportifs plus difficile qu'avant. L'introduction du streaming a profondément modifié les règles du jeu. Sans parler des ressources considérables des géants de la tech. « Ce que nous avons maintenant, c'est encore l'ancien modèle plus ce nouveau modèle, donc la fragmentation semble beaucoup plus sévère, » explique Jon Christian, responsable de la chaîne d'approvisionnement des médias numériques chez Qvest, décrivant le paysage médiatique actuel comme une « guerre des regards ». 

Plus qu'une guerre des régards, nous sommes face à une guerre des portefeuilles. Une solution potentielle au défi économique de la fragmentation des offres se dessine avec le modèle AVOD (Ad-supported Video on Demand), où les services de streaming sont financés par la publicité, offrant ainsi des abonnements à moindre coût. Une étude récente de Kantar révèle que l'AVOD a connu une croissance significative au deuxième trimestre 2024 et durant l’été, représentant 47 % de tous les nouveaux services adoptés. Ce modèle, de plus en plus accepté par les consommateurs, pourrait permettre de rendre le contenu sportif plus accessible tout en générant des revenus pour les diffuseurs grâce à la publicité.

10Marronnier : la newsletter, une planche de salut renouvelée pour les journalistes indépendants aux Etats-Unis

Les newsletters deviennent non seulement une bouée de sauvetage, mais aussi une véritable opportunité de croissance financière, à une époque où la presse traditionnelle continue de naviguer dans des eaux tumultueuses. 2023 a été une année brutale pour l'industrie du journalisme, avec au moins 8 000 suppressions de postes au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada, selon Press Gazette. La tendance s'est poursuivie en 2024, avec environ 1 000 personnes touchées par des fermetures et des vagues de licenciements rien qu'en janvier.

En 2023, plus de 20 000 emplois dans les médias ont été supprimés.

Source : Chris Cilliza 

En août, Substack a annoncé un bilan positif à Axios : la plateforme de newsletters est en voie de plus que doubler son nombre d'abonnés dans le domaine de la politique et des actualités en 2024, ont déclaré les dirigeants. Le nombre de journalistes de Substack spécialisés dans les actualités et la politique qui gagnent plus d'un million de dollars a doublé au cours de l'année écoulée — et est désormais en "doubles chiffres", selon la société.

« L'économie des créateurs libère la valeur accumulée que de nombreux journalistes vedettes ont créée pour les médias pour lesquels ils travaillaient auparavant », analyse Simon Owens, consultant média. Les journalistes peuvent désormais capter directement les revenus générés par leur expertise et leur notoriété. Et il n'y a pas que Sustack dans la vie : Précédemment rédacteur pour la Silicon Valley chez The Verge, Casey Newton a lancé sa newsletter Platformer en 2020 pour couvrir l'industrie technologique. D'abord diffusée sur Substack, il a finalement décidé, début 2024, de passer à la plateforme de publication Ghost. La plupart des articles sur Platformer sont réservés aux abonnés payants, qui déboursent environ 100 $ par an.

Le succès de Substack est illustré par des exemples concrets. Chris Cillizza, après avoir été licencié de chez CNN, a réussi à attirer 3 000 abonnés payants sur sa newsletter. Fait intéressant, ce sont les articles personnels et introspectifs qui ont suscité le plus grand intérêt, plutôt que les contenus politiques… 

+Et aussi, les tendances étonnantes sur les réseaux sociaux :

L’été 2024 n’a pas déçu en matière de tendances insolites sur les réseaux sociaux. Une qui a véritablement pris de l’ampleur est le phénomène « Very demure, very mindful » (traduisez : « très discret, très précautionneux »). Tout a commencé le 2 août, lorsqu’une créatrice TikTok, Jools Lebron, a posté une vidéo pour expliquer comment gérer son maquillage et sa transpiration « avec pudeur ». Plus tard, elle a publié une autre vidéo, visionnée plus de quatre millions de fois, sur l’art d’être « very demure » et « very mindful » au travail. En contraste avec le « brat summer », on pourrait croire que ce mouvement prône une attitude plus sage, un avant-goût de la rentrée…Mais bien évidemment l’expression est ironique et critique les attentes disproportionnées imposées par la société. Succès garanti sur les réseaux sociaux. Le hashtag #demure compte déjà 280 000 publications sur TikTok. Même le New York Times s’en amuse : « Votre café du matin avec juste un peu de crème ? Demure. La façon dont vous vous asseyez dans le métro ? Very demure. Votre manière de passer le fil dentaire après le déjeuner ? Absolument, totalement demure ». Le terme a été repris par Penn Badgey, Kim et Kloé Kardashian…et même Joe Biden. Alors, après votre « brat summer », comment allez-vous vivre votre « demure fall » ?

 

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D'autres tendances comprennent les imitations du défilé d’Angèle lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques, sur la chanson « Night Call  » – devenue le titre le plus shazamé de tous les temps  – ou encore les influenceurs demandant à ChatGPT de "roaster" leur feed Instagram. (Comprenez : leur lancer des piques en un paragraphe bien cinglant). Et il y a bien sûr aussi la "bouillie d'IA" (AI slop) qui inonde les réseaux sociaux, avec l'irrésistible montée de Chubby, le chat généré par IA de TikTok, qui pourrait bien représenter l'avenir d'Internet.

[AI-Generated] (Credit: @mpminds)

Il semble qu'il y en ait encore bien plus à venir...

Sur ce, l'équipe Méta-Media vous souhaite une Bonne rentrée !