Liens vagabonds : Telegram au cœur d'une bataille juridique inédite

L'arrestation de Pavel Durov marque une première historique dans le monde de la technologie.  Le 24 août, le PDG de l’application Telegram, a été arrêté à l’aéroport du Bourget, à Paris. Une information judiciaire est ouverte contre le milliardaire franco-émirati par le pôle cyber du parquet de Paris. Parmi les six chefs d'accusation, on reproche au dirigeant tech une « complicité de diffusion en bande organisée d’images de mineur présentant un caractère pornographique ». En cause, l’absence quasi-totale de modération et de coopération avec les autorités judiciaires françaises. La France surveille Telegram de près depuis que le réseau a été utilisé pour la coordination des attaques terroristes de Paris en 2015. Pour Wired, « Pavel Durov est le premier de sa génération de fondateurs de grandes plateformes à faire face à de telles conséquences sévères ». Ce cas pourrait créer un précédent pour toute l'industrie. 

Pourquoi Pavel Durov, le 'Robin Hood' d'Internet, est-il arrêté ? 

Telegram, "le dark web de poche" qui revendique 900 millions d’utilisateurs dans le monde, est critiqué pour avoir laissé prospérer des groupes diffusant des images pédopornographiques, des fausses informations, et des contenus criminels. Contrairement à d'autres réseaux sociaux, Telegram ne coopère pas par exemple avec des organisations telles que le National Center for Missing & Exploited Children (NCMEC), qui centralise la plus grande base de données mondiale de contenus pédopornographiques. Cette non-coopération avec les demandes de suppression de contenus et les réquisitions judiciaires fait de Telegram une plateforme à part : « Parmi les dirigeants des plus grands réseaux sociaux, Pavel Durov a toujours été un outsider », observe Wired. Contrairement à ses pairs, comme Mark Zuckerberg de Facebook ou Shou Zi Chew de TikTok, il a refusé de répondre aux convocations des autorités pour s'expliquer sur sa politique de gestion de contenu. 

Les motivations derrière cette action judiciaire 

Telegram, dont la santé financière repose essentiellement sur la crypto-monnaie, se positionne en "outsider" en affirmant ne pas être soumis aux mêmes règles de modération que les autres grands réseaux sociaux. En effet, la plateforme considère qu'elle n'est pas concernée par le Digital Services Act (DSA), la loi européenne qui oblige les plateformes de plus de 45 millions d'utilisateurs actifs à lutter contre les contenus illégaux sous peine de sanctions. Le DSA impose des règles telles que l'interdiction de cibler les publicités selon la religion, le sexe ou l'orientation sexuelle, la transparence sur la lutte contre la désinformation, et de nouvelles protections pour les mineurs. 

Telegram déclare officiellement avoir 41 millions d'utilisateurs actifs en Europe, juste en dessous de ce seuil. Cependant, des responsables de l'UE soupçonnent l'application d'avoir sous-estimé ce chiffre pour éviter d'être classée parmi les « très grandes plateformes ». En ne fournissant pas un chiffre actualisé ce mois-ci, Telegram se trouve déjà en infraction avec le DSA, note The Financial Times

L'affaire est aussi hautement politique, avec un accusé qui détient les nationalités de quatre puissances mondiales. Il y a six ans, selon le Wall Street Journal, Emmanuel Macron avait tenté de convaincre Durov de déplacer Telegram à Paris et lui a offert la nationalité française. Bien que Durov a depuis reçu le cadeau de la nationalité française (tout comme Evan Spiegel, patron de Snapchat), le siège de Telegram se trouve actuellement à Dubaï. La Russie, de son côté, prétend ne pas être au courant d'autres nationalités détenues par son ressortissant (également fondateur de VKontakte, le Facebook russe), et défend l'application de messagerie la plus populaire du pays dans un élan qui réunit gouvernement et opposition politique. Et en Ukraine, où Telegram bénéficie de la même popularité, on se demande toujours si est-elle un cheval de Troie russe.

Enjeux pour les autres plateformes 

Cette affaire pourrait créer un précédent significatif pour d'autres plateformes numériques. Evelyn Austin, de la fondation Bits of Freedom, déclare : « L’arrestation de Durov intervient à un moment particulièrement volatile pour les plateformes en ligne et leurs utilisateurs. » L'idée que les entreprises puissent être tenues responsables des actions criminelles de leurs utilisateurs gagne du terrain. Un sondage récent au Royaume-Uni montre que deux tiers des personnes interrogées estiment que les entreprises tech devraient être tenus responsables d'héberger du contenu incitant à la violence

Selon Casey Newton, journaliste spécialisé dans les technologies, la poursuite éventuelle de Telegram par la France pourrait encourager d'autres pays à adopter des mesures similaires contre les dirigeants de plateformes pour non-divulgation des données des utilisateurs. « Nous nous sommes déjà dangereusement rapprochés de cette réalité », avertit-il. « L'Inde et la Russie ont été parmi les premiers pays à utiliser des « lois de prise d'otage » pour menacer les employés des plateformes de prison en raison de décisions de modération de contenu, et d'autres pays pourraient suivre. » 

Un changement de paradigme pour l'industrie numérique ? 

L'arrestation de Pavel Durov (qui a été libéré sous caution de 5 millions d'euros mercredi) marque un tournant dans la façon dont les gouvernements traitent les plateformes numériques, en soulignant une volonté croissante de tenir les dirigeants responsables de la diffusion de contenus illégaux. À l'heure où l'équilibre entre liberté d'expression et sécurité en ligne est de plus en plus débattu, cette affaire représente un test pour Telegram et pour toutes les autres entreprises technologiques. 

En attendant, Marc Zuckerberg se retrouve de l'autre côté du mirroir de la censure, en avouant cette semaine que Meta a cédé aux pressions de l'administration Biden pour censurer du contenu sur le COVID-19 en 2021.

CETTE SEMAINE EN FRANCE

  • L’UMICC annonce la nomination de Gaspard G en tant que secrétaire général (Influencia)
  • Agnès Vahramian nommée à la tête de France Info et Céline Pigalle à la direction de l'information de Radio France (Le Figaro)
  • Une rentrée des radios et des télévisions marquée par les Jeux paralympiques, des nouveaux castings et toujours plus de Cyril Hanouna (Le Monde)
  • « Télématin » : Julien Arnaud quitte TF1 et remplace Thomas Sotto sur France 2 (Le Parisien)
  • Le personnel politique face à une défiance généralisée de l’électorat (Le Monde)
  • L'irruption de l'IA dans la chaîne éditoriale suscite des inquiétudes au Figaro (La Lettre)
  • L'Equipe s'excuse à propos de sa Une (L'Equipe)

3 CHIFFRES

  • Près de la moitié des utilisateurs de TikTok âgés de moins de 30 ans déclarent l'utiliser pour se tenir au courant de la politique et de l'actualité, selon le Pew Research Center.
  • 56 % des utilisateurs ont déjà cessé de suivre un créateur à cause de ses opinions politiques. Pourtant, 82 % des influenceurs américains prévoient de partager leur orientation politique durant cette période électorale, selon Business Insider.
  • 4 500 années-développeur et 260 millions de dollars - c'est ce que l'IA générative aurait déjà fait économiser à Amazon, selon son directeur 

LE GRAPHIQUE DE LA SEMAINE

Deux tiers des Britanniques estiment que les entreprises tech devraient être tenues responsables des publications incitant aux émeutes

Source : YouGov

NOS MEILLEURES LECTURES / DIGNES DE VOTRE TEMPS / LONG READ

  • Pourquoi les femmes n'utilisent-elles pas l'intelligence artificielle ? (The Economist)
  • Les Républicains inondent la télévision de publicités trompeuses sur l'immigration et les frontières (The Washington Post)
  • La plupart des avatars d'IA sont féminins, jeunes et séduisants. S'agit-il d'une tendance passagère ou d'une tendance durable ? (Reuters)
  • Les stars de YouTube veulent du respect (Wall Street Journal)
  • Le problème de Kamala avec la génération Z (Business Insider)

Crédit image : Anna Moneymaker/Getty Images

DISRUPTION, DISLOCATION, MONDIALISATION

  • Des pirates iraniens ont ciblé les comptes WhatsApp d'employés des administrations Biden et Trump, selon Meta (APNews)
  • Comment l'IA va fusionner le cinéma et les jeux (A16z)

DONNEES, CONFIANCE, LIBERTÉ DE LA PRESSE, DÉSINFORMATION 

  • Les gens sont-ils plus susceptibles d'évaluer correctement la désinformation lorsque les enjeux politiques sont élevés ? Haha, non (NiemanLab)
  • L'UE est exhortée à annuler son accord commercial avec Israël en raison des meurtres de journalistes (PressGazette)
  • L'outil d'IA Grok d'X (anciennement Twitter) d'Elon Musk manque de garde-fous efficaces pour prévenir la désinformation électorale (independent)
  • Persécutés par le régime Maduro, les journalistes vénézuéliens ont recours à l'IA (The Guardian)

Source : The Guardian

LÉGISLATION, RÉGLEMENTATION

  • Brésil : le réseau social X bloqué après un ordre de la Cour suprême (AP)
  • Sarah Palin obtient un nouveau procès dans l'affaire de diffamation contre le New York Times (Reuters)
  • OpenAI soutient le projet de loi californien sur l'IA exigeant le 'filigrane' du contenu synthétique (Reuters)

JOURNALISME

  • Comment le journalisme est devenu la profession la plus dangereuse au Mexique (Financial Times)
  • Lors de la Mostra de Venise, le manque d'accès aux vedettes de cinéma laisse les journalistes internationaux frustrés (Variety)
  • Écart générationnel, rhétorique militaire et polarisation : ce qui doit changer dans le journalisme sportif italien (The Fix)
  • Un conseiller en sécurité de Reuters tué, deux journalistes blessés à Kramatorsk, en Ukraine (Reuters)
  • "Le point de non-retour" : la chute de Stand News, autrefois principal média en ligne de Hong Kong (Reuters)
  • Les lecteurs préfèrent cliquer sur un titre clair et simple, comme celui-ci (NiemanLab)

Crédit image : NiemanLab

STORYTELLING, NOUVEAUX FORMATS

  • Cet agrégateur de nouvelles/application de rencontre aide les passionnés d'actualité à se rencontrer (NiemanLab)
  • Est-ce que nous faisons fondre notre cerveau en faisant défiler des vidéos courtes sans fin ? (Sophia Smith Galer)

ENVIRONNEMENT 

  • Le gouvernement Albanese accusé d’essayer d’‘enterrer les mauvaises nouvelles’ concernant l’état de santé de la Grande Barrière de Corail (The Guardian)
  • La longue bataille du climat dans les pages du « Monde » (Le Monde)

RÉSEAUX SOCIAUX, MESSAGERIES, APPS

  • Si TikTok est interdit, les créateurs de haut niveau pourraient se tourner vers Facebook plutôt que vers Instagram (emarketer)
  • La lutte de marques autour de ‘Demure’ révèle un changement massif dans le pouvoir des mèmes (Wired)
  • Pizza Hut permet aux clients de payer leur pizza avec des danses TikTok (gizmodo)
  • La tournure politique marquée d'Elon Musk (Wall Street Journal)
  • X se prépare à une interdiction au Brésil (BBC)

Source : Wall Street Journal

 STREAMING, OTT, SVOD

AUDIO, PODCAST, BORNES

  • Les frères Kelce signent un accord de podcast 'New Heights' avec Wondery d'Amazon pour plus de 100 millions de dollars (The Wrap)
  • Qu'est-ce qui fait une bonne alchimie ? Pour les podcasts de discussion, c'est fondamental (New York Times)

Web3, BLOCKCHAIN, CRYPTO, NFT

  • Le plus grand défenseur de Telegram : l’industrie mondiale de la crypto-monnaie (New York Times)

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DATA, AUTOMATISATION

  • Le nouvel assistant vocal Alexa d'Amazon utilisera Claude AI (The Verge)
  • Le nouvel outil d'IA du Washington Post passe au crible d'énormes ensembles de données (Axios)
  • SAG-AFTRA obtient l'adoption d'une loi en Californie pour limiter les répliques d'IA (Variety)
  • La prise de notes automatique par IA de Google Meet est disponible (The Verge)
  • Gannett ferme un site accusé de publier des critiques de produits basées sur l'IA (The Verge)
  • Bonjour, vous êtes ici parce que vous avez dit que l'édition d'images par IA était comme Photoshop (The Verge)
  • Des grands sites internet disent non à l'extraction de données par l'IA d'Apple (Wired)
  • GameNGen Google : Les modèles de diffusion sont des moteurs de jeu en temps réel (GitHub)

MONÉTISATION, MODÈLE ÉCONOMIQUE, PUBLICITÉ

  • Les éditeurs font la promotion du jeu sur leurs plateformes (Axios)
  • Voici comment 7 directeurs d'audience de médias envisagent les résumés générés par l'IA de Google (NiemanLab)
  • Apple réduit ses effectifs dans ses applications Livres et News (The Verge)

 

 

Par KATI BREMME, ALEXANDRA KLINNIK ET AUDE NEVO