Baromètres Vérian-La Croix et Edelman Trust : Les Français n’ont jamais autant suivi l’actualité… ni autant douté d’elle

En 2024, l’intérêt des Français pour l’actualité a atteint un niveau inédit, égalant celui observé en 2015, avec plus de trois quarts des Français déclarant suivre l’actualité avec un grand intérêt. Ce taux marque une progression d’un point par rapport à 2023. Cette année, l’intelligence artificielle et les réseaux sociaux ont occupé une place centrale dans le débat public, un phénomène qui se reflète dans l’ajout de nouvelles questions au baromètre annuel de La Croix Verian, réalisé en partenariat avec La Poste.
Ce résumé s’enrichit également des données issues du Edelman Trust Barometer 2025, qui a recueilli les réponses de 33 000 personnes dans 28 pays, avec près de 1 500 répondants par nation.
Par Océane Ansah, MediaLab de l’Information
La montée des inquiétudes face à la désinformation
Face au refus de fact-checking par Meta et à la polarisation des médias, la désinformation demeure une préoccupation majeure.
Interrogés sur la fréquence à laquelle ils rencontrent des informations fausses ou trompeuses, 33 % des Français citent les réseaux sociaux comme source quasi quotidienne, soit une augmentation de six points par rapport à l’année dernière. Les plateformes numériques apparaissent ainsi comme les principaux vecteurs de diffusion de fausses informations. Seuls 16 % affirment n’y être jamais confrontés, un recul de deux points, illustrant la difficulté croissante d’y échapper.
Même la télévision, perçue comme plus fiable, est concernée : 24 % des répondants disent y voir des informations trompeuses tous les jours ou presque, une hausse de six points.

La fiabilité des informations sur les réseaux sociaux
Les utilisateurs des réseaux sociaux expriment une méfiance croissante à l’égard des informations qui y circulent. Selon le baromètre Verian, TikTok est jugé « peu fiable » par 66 % des personnes interrogées, suivi de Snapchat (60 %), X (58 %), Instagram (57 %) et Facebook (64 %). LinkedIn s’en sort un peu mieux, avec 40 % de sceptiques.

La crédibilité des sources d’information
Selon le baromètre Edelman, 60 % des Français estiment qu’il devient de plus en plus difficile de discerner si une information provient d’un média reconnu ou d’un individu diffusant volontairement de fausses nouvelles. Ce sentiment, stable depuis 2021, illustre une confusion croissante face à la multiplication des sources d’information en ligne.

Les médias utilisés pour s’informer
Malgré la place grandissante des influenceurs, ils ne s’imposent pas comme source d’information crédible : 62 % des Français disent ne jamais les consulter pour s’informer, tandis que seuls 4 % déclarent les suivre plusieurs fois par jour.

Sur le sujet de la confiance dans les sources d’information, le baromètre Edelman indique que « les moteurs de recherche et les médias traditionnels restent les plus fiables », avec 63 % des répondants affirmant leur faire confiance. Par ailleurs, 58 % se montrent neutres vis-à-vis des médias traditionnels. En revanche, les médias privés et les réseaux sociaux restent les moins fiables : 47 % des répondants déclarent ne pas faire confiance aux médias privés et 42 % expriment leur défiance à l’égard des réseaux sociaux.

Malgré une inquiétude généralisée face à leur place dans les pratiques d’informations, la perception des réseaux sociaux et des acteurs individuels en tant que sources d’information demeure empreinte de méfiance.
Cependant, cette réserve vis-à-vis des réseaux sociaux n’implique pas une confiance totale envers les dirigeants. En effet, d’après le baromètre Edelman, 70 % des répondants à l’échelle mondiale expriment des inquiétudes concernant “une tendance des journalistes et reporters à induire délibérément en erreur, en diffusant des informations qu’ils savent fausses ou fortement exagérées”. Ce chiffre représente une augmentation de 11 points par rapport à 2021.

Le baromètre Verian indique que 51 % des Français déclarent éprouver fréquemment de la fatigue ou un rejet vis-à-vis de l’actualité, dont 19 % très souvent et 32 % assez souvent. Lorsque l’on leur demande pourquoi ils ressentent cette fatigue ou ce rejet, 44 % évoquent la redondance des sujets, soit une diminution de 4 points par rapport à 2023. Par ailleurs, 41 % mentionnent une sensation d’angoisse et d’impuissance face aux informations, un chiffre en hausse de 3 points par rapport à novembre 2023.

L’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle occupe naturellement une place centrale dans les enquêtes cette année. A la question « Seriez-vous favorable à l’utilisation de l’intelligence artificielle par les médias pour automatiser la production de certains types de contenus (images, articles courts, reportages simples, agendas, bulletins météo, etc.) ? », 43 % des Français interrogées s’y sont opposées, dont 19 % plutôt opposées et 24 % tout à fait opposées. En revanche, 36 % se sont montrés favorables, dont 25 % plutôt favorables et 11 % tout à fait favorables.
Un clivage générationnel apparaît dans ces résultats : 58 % des 18-24 ans sont favorables, tandis que seulement 29 % des 50-64 ans et 21 % des plus de 65 ans partagent ce point de vue. À l’inverse, 48 % et 50 % de ces dernières tranches d’âge se déclarent opposées.

Concernant l’impact de l’IA sur la qualité des informations fournies par les médias, à la question “Et pensez-vous que le recours à l’intelligence artificielle par les médias améliorera ou dégradera la qualité des informations fournies ?”, 47% considèrent que le recours à l’intelligence artificielle par les médias dégradera la qualité de l’information et 29% qu’elle améliorera la qualité de l’information. Cette tendance se reflète également dans les différences générationnelles : 41 % des 18-24 ans jugent que l’IA pourrait améliorer la qualité de l’information, contre seulement 19 % des plus de 65 ans.

Un indice pour les médias dans la course à l’attention
Avec la montée en puissance des influenceurs et des médias incarnés, l’affirmation d’une ligne éditoriale et la personnification des contenus apparaissent comme des leviers essentiels pour les médias traditionnels souhaitant capter l’attention des plus jeunes. À la question : « De plus en plus, certains médias ou journalistes choisissent d’affirmer et de défendre leurs opinions lorsqu’ils traitent de l’actualité. Selon vous, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? », 48 % des sondés jugent cela positif, dont 36 % estiment que c’est assez une bonne chose et 12 % une très bonne chose. À l’inverse, 41 % y voient une évolution négative, dont 25 % jugent cela assez mauvais et 16 % très mauvais. Une tendance qui confirme que l’incarnation et la prise de position séduisent avant tout les jeunes publics. Un signal clair pour les médias traditionnels, qui doivent trouver le bon équilibre entre affirmation de leur identité et adaptation à cette évolution s’ils veulent renouer avec les nouvelles générations.
Illustration : DALL-E